Le gouvernement soutient une loi qui, selon Baharav-Miara, menace la liberté de la presse
Selon la procureure générale, le texte présenté par le ministre des Communications permettra l'ingérence politique et commerciale dans la réglementation et le contenu des médias audiovisuels
Jeremy Sharon est le correspondant du Times of Israel chargé des affaires juridiques et des implantations.

Une législation très controversée qui donnerait au gouvernement un contrôle significatif sur la réglementation des médias audiovisuels a été approuvée par la commission des Lois dimanche, ce qui signifie qu’elle sera soutenue par la coalition lorsqu’elle sera soumise à l’examen préliminaire de la plénière de la Knesset.
La législation, présentée par le ministre des Communications Shlomo Karhi, prévoit la création d’un nouveau conseil de régulation dont la majorité des membres serait choisie par le ministre des Communications et qui disposerait d’un ensemble de pouvoirs sur les médias audiovisuels, y compris la possibilité d’infliger des amendes élevées.
Karhi, l’un des membres les plus à droite du Likud, a affirmé que la loi renforcerait la concurrence sur le marché des médias et réduirait les coûts pour les consommateurs de contenu.
Mais peu avant l’approbation du projet de loi par la commission des Lois, la procureure générale Gali Baharav-Miara a déclaré dans un avis juridique qu’il permettrait « une ingérence politique dans le travail des organismes de radiodiffusion et mettrait en danger la liberté de la presse en Israël. »
Le projet de loi va maintenant être transmis à la Knesset pour sa lecture préliminaire en plénum, et s’il est approuvé, il passera ensuite au niveau des commissions.
« Les monopoles et les partisans de la centralisation ont fait tout ce qu’ils pouvaient pour arrêter ce processus. Ils voulaient préserver la situation existante, où le public paie plus, reçoit moins, et est contrôlé par de puissants médias bénéficiant d’une immunité réglementaire », a déclaré Karhi, après l’approbation de son projet de loi par la commission interministérielle.
Mais Baharav-Miara a déclaré dans son avis juridique, adressé au ministre de la Justice Yariv Levin, qui dirige la commission, que la loi ne devrait pas être approuvée par le forum tant que les inquiétudes concernant l’atteinte possible à la liberté de la presse dans la législation n’auront pas été dissipées.
Dans son avis, la procureure générale a déclaré que la loi suscitait « de réelles inquiétudes quant à l’atteinte grave portée à la liberté d’expression et à la liberté de la presse, qui sont des éléments indissociables du caractère démocratique de l’État d’Israël », et qu’elle ne devrait donc pas être présentée à la Knesset dans sa forme actuelle.

Baharav-Miara a critiqué, en particulier, l’abolition par la nouvelle législation des dispositions actuelles concernant les fournisseurs de contenu d’information radiodiffusée, selon lesquelles l’organe d’information doit être une entreprise indépendante et une société d’information, distincte de la chaîne de télévision commerciale sur laquelle elle est diffusée.
Ce système, écrit-elle, a été conçu pour garantir que le contenu de l’information ne soit pas affecté par les intérêts commerciaux des propriétaires et des directeurs de la chaîne de télévision commerciale, et pour l’isoler également de toute ingérence politique.
Mais le nouveau projet de loi de Karhi supprime ces barrières et se contente d’exprimer l’importance pour les médias d’information de s’abstenir d’utiliser leur plate-forme comme porte-voix des propriétaires des chaînes commerciales, sans toutefois fournir de garanties structurelles quant au respect de cette exigence.
Le projet de loi exige que les stations d’information adoptent un code de normes éthiques, mais les stations d’information elles-mêmes sont responsables de sa rédaction et elles ne sont pas exécutoires, a écrit la procureure générale.
« La proposition actuelle n’établit aucune garantie minimale pour assurer la fiabilité et le professionnalisme des informations, l’indépendance de ces organes et leur détachement des considérations commerciales ou politiques », écrit-elle.

L’abandon du modèle actuel de séparation claire entre les chaînes de télévision commerciales et les sociétés d’information, tout en abandonnant la nécessité de normes d’information applicables, « rend le réseau d’information beaucoup plus vulnérable aux influences commerciales et politiques », a écrit la procureure générale, ajoutant que ces changements « porteraient atteinte à la crédibilité et à la qualité des informations et sont susceptibles de perturber et de fausser la médiation de la réalité au public dans le cadre des informations, et de porter atteinte au principe de la participation démocratique. »
Karhi, en réponse, a accusé Baharav-Miara de « fonctionner comme un acteur politique à part entière » et a déclaré que le cadre réglementaire actuel entraînait des coûts plus élevés pour les fournisseurs de contenu, coûts qu’ils répercutent sur les consommateurs.
Lorsque vous parlez de « liberté d’expression », vous soutenez en pratique des organisations qui étouffent les autres voix, bloquent la concurrence et empêchent une véritable diversité », a déclaré Karhi.
Le Mouvement pour un gouvernement de qualité en Israël, un groupe de surveillance libéral, a qualifié la législation d’élément supplémentaire du « coup d’État » du gouvernement et de tentative de prise de contrôle de la presse en Israël, de la même manière que l’actuel gouvernement hongrois a entravé les médias indépendants dans ce pays.
« Il s’agit d’une copie exacte du modèle hongrois de prise de contrôle des médias : établissement d’un régulateur politique sous le contrôle du ministre, abolition de la séparation structurelle entre les organismes de presse et les propriétaires de chaînes, et octroi de pouvoirs permettant d’imposer de lourdes amendes aux organismes de presse », a déclaré l’avocat Uri Hess, du Mouvement pour un gouvernement de qualité.