Le grand-père de deux enfants libérés de Gaza : « Nous devenions fous »
Kidnappés au kibboutz Beeri et libérés le 25 novembre, Alma, 13 ans, et Noam, 17 ans, iront bientôt sur la tombe de leur mère Yonat Or, alors que leur père reste captif à Gaza
MER MORTE, Israël – Depuis l’accord sur la libération des otages conclu avec le Hamas, les habitants du kibboutz Beeri vivent une succession d’émotions extrêmes, de l’inquiétude au désespoir en passant par la joie, sur fond d’angoisse permanente.
Samedi soir, 12 otages, dont 8 enfants, enlevés le 7 octobre par le Hamas dans le kibboutz Beeri, ont été rendus à Israël après une attente angoissante prolongée par le report de leur libération par le groupe terroriste pendant de longues heures et par ses menaces de rompre l’accord dans son intégralité.
Hananel Besorai, le grand-père de 89 ans des otages libérés Alma et Noam Or, a déclaré que les retards avaient été insupportables, mais que son angoisse avait disparu à la vue de ses petits-enfants de retour en Israël.
« Cette incertitude quant à leur sort nous a plongés dans l’angoisse. Ils [le Hamas] retardaient sans cesse leur libération, et jusqu’au moment où la porte s’est ouverte et nous les avons vus sortir, nous pensions devenir fous », s’est souvenu Besorai, s’exprimant depuis l’hôtel David à Ein Boqek, au bord de la mer Morte, où la plupart des habitants de Beeri ont été temporairement installés.
« Mais nous sommes forts et nous avons tenu bon jusqu’au dernier moment, après quoi tout a changé et tout est rentré dans l’ordre. Nous sommes passés du désespoir à l’espoir », a déclaré Besorai.
Alma, 13 ans, et Noam, 17 ans, ont été pris en otage avec leur père Dror ; leur mère Yonat a été assassinée par des terroristes du Hamas et leur père est toujours retenu en captivité à Gaza.
Le 7 octobre, le kibboutz Beeri a perdu une centaine de ses membres, soit près de 10 % de sa population et une cinquantaine d’autres ont été pris en otage.
Besorai a indiqué qu’il irait rendre visite à ses deux petits-enfants à Tel Aviv lundi. Il était visiblement animé et excité à l’idée de les revoir.
Il a ajouté qu’ils avaient besoin de soutien et d’aide pour guérir mentalement après avoir vécu « l’enfer » de la captivité à Gaza.
Il a également indiqué que, mardi, ils iraient à Palmachim pour se recueillir sur la tombe de leur mère, sa fille Yonat Or.
« C’est quelque chose que nous devons faire ensemble », a-t-il déclaré.
Malgré les circonstances, Besorai était en apparence joyeux, voire jovial, plaisantant et souriant volontiers.
Cependant, il a expliqué que ce n’était qu’une façade pour cacher sa profonde tristesse face aux événements du 7 octobre et des semaines qui ont suivi.
« Je suis heureux à l’extérieur, mais je souffre à l’intérieur. Je souffre pour ma fille et pour la tuerie perpétrée par l’ennemi à Beeri, [tuant les gens] comme des moutons à l’abattoir », a-t-il déclaré.
Un verre à moitié plein fissuré
Malgré les épreuves que traversent certains habitants de Beeri, qui ont été contraints de quitter leur maison autrefois idyllique, l’atmosphère de l’hôtel où ils résident aujourd’hui ne reflète en rien les événements tragiques auxquels ils ont dû faire face.
Des dizaines d’enfants courent en tous sens dans le lobby, qui semble être devenu un substitut des espaces ouverts du kibboutz, grimpant sur les canapés et se livrant à des batailles d’oreillers dans le salon.
Deux jeunes filles font la roue devant le bar de l’hôtel, et un groupe de garçons est assis et joue à des jeux sur des smartphones, en quête constante de quiconque ayant un chargeur à chaque fois que leur batterie est déchargée.
Les parents se relaxent, discutent, tout en surveillant leurs jeunes bébés et enfants, presque comme s’ils étaient en vacances.
Mais le chagrin est encore bien présent.
Comme Besorai, Michal Cohen, qui vit au kibboutz Beeri depuis plus d’un demi-siècle, a des proches qui ont été pris en otage le 7 octobre. Son cauchemar n’est pas encore terminé, car sa fille, Raz Ben-Ami, n’a toujours pas été libérée.
Raz et son mari Ohad ont tous deux été pris en otage par le Hamas et Cohen souhaite désespérément les voir libérés.
Elle reproche au gouvernement et à Tsahal « de nous avoir abandonnés », au Hamas le massacre brutal qu’il a mené, et au monde entier de ne rien faire, selon elle, pour sa fille et tous les autres otages.
« Je suis en colère parce qu’ils ne ramènent pas ma fille maintenant. Il faut qu’ils la ramènent tout de suite », dit-elle.
Dans le même temps, c’est une femme souriante qui déjeune avec ses amies et une autre de ses filles dans la salle à manger de l’hôtel, qui fait rire le personnel de l’hôtel et qui reçoit des accolades de certaines personnes qui l’ont prise dans leur cœur.
Cohen, âgée de 75 ans, explique que Raz a récemment subi une opération du dos qui n’a pas vraiment réussi et qu’elle avait besoin de médicaments pour son état de santé. La famille a trouvé un moyen de faire parvenir les médicaments à la Croix-Rouge afin que l’organisation internationale puisse les transférer à Raz, mais la Croix-Rouge ne les a pas livrés, a expliqué Cohen.
Cohen a ajouté la Croix-Rouge à sa liste d’organisations contre lesquelles elle est furieuse.
« Raz est quelqu’un de calme, de sensible, avec une belle âme. Elle aime plus que tout créer des œuvres d’art et s’occuper de ses plantes à la maison », a expliqué Cohen, les larmes aux yeux, en parlant de sa fille.
« Beeri était un paradis, c’était un endroit si merveilleux pour vivre… Je ne veux pas penser au jour où elle sera libérée, tandis que son mari restera captif, et qu’on lui apprendra que sa maison a été détruite », poursuit-elle, en évoquant le fait que, même si le Hamas la libère, à l’heure actuelle, le groupe terroriste a refusé de libérer les hommes (exception faite de la libération surprise de l’Israélien d’origine russe Roni Krivoi).
« C’est inconcevable. Même en imaginant le pire des films d’horreur, on n’aurait pas pu imaginer quelque chose d’aussi terrible », dit Cohen.
Miri Gad Messika, une autre résidente de Beeri qui fait office de coordinatrice de la communication pour le kibboutz, a déclaré que de nombreux résidents étaient extrêmement en colère après la violation par le Hamas de l’accord de libération des otages, qui a séparé Hila Rotem, âgée de 13 ans, de sa mère Raya, et qui affirme qu’ils ne savent pas où elle se trouve.
Gad Messika a déclaré que cette affirmation était « mensongère » et que la communauté était « scandalisée par les abus continus du Hamas » à l’égard de ces otages et de leurs familles.
« Il n’y a pas de mots pour décrire cette cruauté […] ils ont déjà tout pris à ces êtres et ils continuent à les abuser ».
Aya Meydan, une autre habitante de Beeri, qui a été sauvée du kibboutz par des travailleurs bédouins de la ville voisine de Rahat, a déclaré que toute la communauté souffrait et pleurait les victimes assassinées et les personnes retenues en captivité à Gaza.
« C’est une communauté très forte et unie, nous avons un esprit communautaire très fort, et par conséquent, chacun d’entre nous ressent la douleur d’avoir perdu quelqu’un de très proche », a-t-elle déclaré.
Meydan est une amie proche d’Adi Shoham, libérée de Gaza samedi avec ses enfants Yahel Neri, 3 ans, et Naveh, 8 ans. Elle a indiqué qu’elle était ravie de la libération de son amie et de ses enfants, mais que ses émotions étaient très partagées, alors que de nombreux autres otages sont toujours retenus.
« Je passe du désespoir à l’espoir », a-t-elle déclaré, se faisant l’écho des sentiments de Besorai.
« J’ai ressenti une joie immense lorsque j’ai vu qu’Adi avait été libérée avec ses enfants, cela nous a redonné espoir de les voir et de voir qu’ils avaient l’air d’aller bien. Il nous arrive parfois de perdre l’espoir au milieu de tout cela, et leur retour nous redonne un peu d’espoir », a-t-elle poursuivi.
« Tout le monde est tellement anxieux et nerveux en pensant à ceux qui ne sont pas encore rentrés, nous ne nous sentons pas en paix. Ils [le Hamas] vont faire traîner les choses encore et encore, ils vont tourner le couteau dans la plaie jusqu’à ce que nous leur donnions encore et encore », a déclaré Meydan. « Ils aiment nous faire souffrir. »
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