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Matan Kahana tente d’améliorer un système rabbinique municipal défaillant

Le ministre des Affaires religieuses a revu le mode de sélection des rabbins municipaux pour qu'ils soient plus efficaces, moins corrompus, et que les femmes soient plus impliquées

Judah Ari Gross est le correspondant du Times of Israël pour les sujets religieux et les affaires de la Diaspora.

Le ministre des Affaires religieuses, Matan Kahana, prend la parole lors d’une conférence à Jérusalem le 7 février 2022. (Crédit : Yonatan Sindel/Flash90)
Le ministre des Affaires religieuses, Matan Kahana, prend la parole lors d’une conférence à Jérusalem le 7 février 2022. (Crédit : Yonatan Sindel/Flash90)

Le ministre des Affaires religieuses, Matan Kahana, a entériné dimanche une réforme majeure de la sélection des rabbins municipaux, dans le but de rendre le processus moins politique, plus efficace, plus égalitaire et moins sujet à corruption. La réforme pourrait également donner davantage de pouvoir au camp national-religieux de Kahana, aux détriments des ultra-orthodoxes.

Cette décision a été saluée par les organisations religieuses progressistes, qui l’ont décrite comme nécessaire à la réforme d’un système défaillant de longue date. Si l’on se réfère aux réformes précédemment portées par Kahana – sur la certification de la casheroute et un projet, pour l’heure inabouti, modifiant le processus de conversion au judaïsme – le changement de méthode de sélection des rabbins municipaux fait l’objet de critiques beaucoup moins cinglantes de la part des responsables haredim.

Le processus de sélection des rabbins municipaux, qui sont quasiment nommés à vie, a longtemps été entaché de corruption et de pratiques antidémocratiques, suscitant un certain nombre d’appels auprès de la Cour Suprême ainsi que des rapports très critiques de la part des contrôleurs de l’État. En 2018, l’un de ces rapports a révélé que de nombreux rabbins municipaux embauchaient des membres de leur famille pour des emplois gouvernementaux et percevaient des salaires élevés, partiellement financés par l’État, tout en passant de longues périodes à l’étranger pour collecter des fonds ou à des fins sans rapport avec leur charge municipale.

Les failles du système actuel ont également occasionné des retards importants dans le processus de nomination des rabbins municipaux, entraînant l’absence de rabbins municipaux dans des dizaines de villes, parmi lesquelles Tel Aviv, Ramat Gan, Haïfa et Beit Shemesh.

La réforme de Kahana se compose de deux éléments principaux : modification de la composition du comité de sélection pour éloigner le processus décisionnel du ministère des Affaires religieuses, vecteur de querelles politiques, et fixation d’une limite au mandat des rabbins pour s’assurer de leur représentativité.

« Après des années où les rabbins municipaux n’ont pu être nommés pour des raisons politiques, les nouveaux protocoles vont permettre la nomination de rabbins dans les villes qui en sont aujourd’hui dépourvues », a déclaré Kahana dans un communiqué lundi.

Les rabbins municipaux sont supposés être les autorités religieuses de proximité des habitants juifs de leur ville, signataires des licences de mariage et certificats de cacheroute pour les restaurants. Certaines villes ont deux rabbins municipaux, l’un représentant les Juifs ashkénazes et l’autre représentant les Juifs séfarades. Le poste est relativement bien payé, les rabbins des petites villes de 5 000 habitants gagnant environ 273 000 shekels par an et ceux des grandes villes, plus de 400 000 shekels.

Des représentants du Grand Rabbinat remettent un certificat de cacheroute à un restaurant dans le centre de Jérusalem, le 31 décembre 2019. (Crédit : Hadas Parush/Flash90)

Les critiques du système précédemment utilisé pour sélectionner les rabbins regrettent qu’il ait vidé la fonction de son sens, car ceux qui occupaient le poste avaient peu d’incitation à travailler au nom de leur communauté.

« Combien de citoyens juifs d’Israël savent qui est le rabbin de leur ville ? Combien, même au sein de la communauté religieuse, connaissent son nom ? Combien ont posé une question au rabbin de leur ville ou entendu une leçon [de Torah] de sa part au cours de l’année écoulée ? Jamais ? La réponse dans la plupart des cas est : très peu. Pour la plupart des résidents juifs d’Israël, le rabbin local n’est tout simplement pas pertinent », a écrit Shuki Friedman de l’Institut israélien de la démocratie dans un essai de 2018.

En effet, une enquête publiée par l’IDI en janvier a montré que la majorité des Israéliens non Haredim avaient déclaré ne pas connaitre le nom du rabbin de leur ville ni même savoir si leur ville avait même un rabbin municipal. Même parmi les Juifs religieux non Haredim, seulement un tiers avaient déclaré connaître le nom du rabbin de leur ville (bien que l’enquête n’ait pas vérifié s’ils étaient corrects). Un pourcentage important d’Israéliens juifs non Haredim a également répondu à tort sur le point de savoir si leur ville avait ou non un rabbin.

Tani Frank, chef du Centre pour le judaïsme et la politique de l’État de l’Institut Shalom Hartman, a déclaré que la réforme de Kahana était beaucoup plus importante qu’il n’y paraissait, car elle rendrait un poste rarement envisagé avec recul, mais toujours puissante, plus responsable.

« Cela semble être un tout petit problème, mais dans la pratique, ce sera un changement important. Les rabbins municipaux sont les acteurs clefs des services religieux – ils établissent les politiques de la loi juive de leurs communautés et signent des certificats de mariage et de cacheroute. Ce sont aussi des représentants avec une influence politique non négligeable. C’est pourquoi il était si important pour le Shas, pendant toutes ces années, d’organiser le ministère [des Affaires religieuses] », a déclaré Frank lundi.

Cependant, dans la mesure où la réforme revêt la forme d’un décret exécutif du ministre, et non d’une loi, il pourrait facilement être annulé par un éventuel successeur de Kahana.

La méthode actuelle de choix d’un rabbin municipal implique un comité dont la moitié des membres proviennent du conseil local, un quart des synagogues locales et le dernier quart des habitants, agissant en tant que représentants du ministre des Affaires religieuses.

Par le passé, cette clef de répartition du comité de sélection a souvent assuré une majorité Haredim, car le poste de ministre des Affaires religieuses est généralement occupé par un politicien ultra-orthodoxe, souvent issu du parti Shas, de sorte que ses représentants (tous les députés Shas sont des hommes) venaient de cette communauté.

Les représentants des synagogues locales étaient également majoritairement Haredim, car le ministre des Affaires religieuses était souvent impliqué dans le choix des synagogues qui seraient représentées et choisissait celles qui correspondaient à son candidat. Dans d’autres cas, il en a résulté des impasses, empêchant la nomination d’un rabbin.

Dans certains cas, de tels arrangements ont conduit à des accords douteux entre différentes communautés religieuses au sein de la même ville.

Ce fut le cas dans la ville de Petah Tikva en 2011, lorsque les représentants nationaux-religieux ont accepté de soutenir le candidat Haredi pour le rabbin séfarade de la ville – qui se trouvait être le frère d’un ministre – en échange du soutien des représentants Haredim soutenant le candidat national-religieux pour le rabbin ashkénaze.

Cette affaire a conduit à une audience de la Cour Suprême, au cours de laquelle les juges ont exprimé leurs graves préoccupations au sujet du processus de sélection.

Kiryat Ono – Le grand rabbin Rasson Arousi de la Commission du grand rabbinat pour le dialogue avec le Saint-Siège s’élève contre la guerre de la Russie en Ukraine à la cathédrale Sainte-Trinité de Jérusalem, le 21 mars 2022. (Crédit : Lazar Berman/Times of Israel)

La nouvelle méthode de Kahana supprimera les représentants des synagogues locales et les remplacera par des habitants de la ville nommés par le conseil local. En vertu des nouvelles règles, 40 % au moins des membres des comités de sélection devront être des femmes.

La nouvelle composition vise à s’assurer que le comité de sélection reflète mieux la population globale de la ville.

Plus important encore que le processus de sélection est l’établissement d’un terme au mandat des rabbins municipaux, ce qui leur imposera d’être davantage à l’écoute aux besoins de la communauté, de crainte de perdre leur emploi.

Jusqu’en 1974, le poste de rabbin municipal était une nomination à vie, et une poignée de rabbins nommés avant cette année-là sont en effet toujours en fonction. En 1974, la pratique a été modifiée pour forcer un rabbin à prendre sa retraite à l’âge de 80 ans. Cette limite a été abaissée une nouvelle fois en 2007, à 70 ans, bien qu’en pratique, le mandat de la plupart des rabbins municipaux soit prolongé jusqu’à l’âge de 75 ans.

Le nouveau dispositif de Kahana limitera le mandat des rabbins municipaux à 10 ans. Le conseil local sera autorisé à le prolonger de 10 années supplémentaires jusqu’à la limite d’âge de 70 ans. La réforme de Kahana est rétroactive, ce qui signifie que tout rabbin municipal actuellement en fonction servant au-delà de l’âge de 80 ans sera obligé de prendre sa retraite au cours de la prochaine année.

Le nouveau dispositif facilitera également la destitution d’un rabbin municipal pour raisons de santé et d’acuité mentale.

Par le passé, de telles décisions étaient approuvées par le conseil rabbinique local, dont les membres avaient souvent des liens proches avec le rabbin de la ville et le ministre des Affaires religieuses. Dans le cadre de la réforme de Kahana, la révocation d’un rabbin municipal pour raisons de santé sera prise par un « conseil médical » plus indépendant, a déclaré son cabinet.

L’entrée des bureaux du rabbinat à Holon, le 17 février 2016. (Crédit : Yaakov Cohen/Flash90)

Afin de limiter au mieux les risques de corruption, les nouvelles mesures interdiront à quiconque d’occuper la fonction de rabbin municipal s’il a été inculpé au titre d’accusations criminelles graves ou s’il a reçu une réprimande disciplinaire du rabbinat assortie de la recommandation de ne pas servir en tant que rabbin municipal.

« C’est plus de pouvoir pour les habitants dans le choix de leur rabbin, plus de responsabilités pour ce rabbin envers le conseil local qui l’a nommé et moins de candidats à la solde d’une personne ou d’un groupe particulier », a déclaré Frank, de l’Institut Shalom Hartman.

Les points saillants de la réforme de Kahana ont été publiés pour la première fois dans un document de position de 2013 rédigé par le groupe de réflexion Institute for Zionist Strategies, une organisation sioniste de droite.

Ces mesures ont été saluées par de nombreux groupes religieux non Haredim.

Neemanei Torah Va’avoda, qui représente l’aile libérale orthodoxe, a déclaré fonder de grands espoirs pour les réformes de Kahana.

« Nous travaillons depuis des années aux changements à apporter à la nomination des rabbins municipaux afin d’améliorer les services religieux locaux et nous assurer qu’ils sont plus adaptés à la population. Nous pensons que la nouvelle réglementation permettra de nommer des rabbins acceptables pour le grand public, susceptibles d’approfondir leur sens de l’engagement et de la responsabilité envers la population qu’ils servent », a déclaré l’organisation dans un communiqué.

L’organisation Itim, qui plaide pour la réforme de nombreux aspects clés de la politique religieuse et étatique d’Israël, a également salué cette décision.

« Après des années de travail, nous avons réussi à transformer les rabbins municipaux en une fonction plus importante, liée à la ville et aux besoins de sa population. Félicitations au ministre Matan Kahana pour cette réussite importante », a déclaré le groupe dans un communiqué.

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