Le premier film des sœurs Modan porte l’histoire de leur famille à l’écran
Sorti en Israël, The Property est basé sur le roman graphique du même nom de Rutu, inspiré par les racines de leur père dans la Pologne d'avant la Seconde Guerre mondiale

Il aura fallu 14 ans aux sœurs Modan pour mener à bien The Property, mais travailler ensemble sur ce projet a toujours été leur objectif principal, affirme la réalisatrice Dana Modan.
« De nombreux films ont déjà été réalisés par des frères, » affirme Dana, une actrice célèbre. « Mais nous sommes les premières sœurs à le faire. »
The Property est une véritable affaire de famille, adapté de la bande dessinée éponyme de Rutu Modan, qui a remporté en 2013 un Eisner Award du meilleur nouvel album graphique lors du Comic-Con International de San Diego en 2014.
Ce film en hébreu, sorti dans les salles israéliennes le 5 décembre dernier, suit l’histoire d’une jeune Israélienne et de sa grand-mère qui se rendent à Varsovie pour tenter de récupérer l’acte de propriété d’un immeuble familial, confisqué pendant la Seconde Guerre mondiale.
Leur voyage prend une tournure bien plus complexe et mystérieuse que prévu, car il devient évident que Regina, la grand-mère, cache certains aspects de l’histoire familiale.
Pendant ce temps, Mika, la petite-fille, fait la connaissance d’un jeune Polonais séduisant, transformant leur périple en une véritable aventure mêlant romance, humour et révélations historiques.
Les sœurs Modan ont coécrit le scénario, que Dana a réalisé pour son premier film, en collaboration avec Uri Hochman, Sharon Strimban et l’actrice chevronnée Rivka Michaeli.
« Dès l’enfance, nous avions décidé que nous travaillerions ensemble », raconte Dana, évoquant leurs jeux d’enfants où elles mettaient en scène des pièces de théâtre et des émissions de radio.
Rutu, de quatre ans l’aînée de Dana, a créé ses premières bandes dessinées spécialement pour sa sœur, avec un personnage nommé Bozli le chien. Leur dernière collaboration remonte à l’époque du lycée, lorsqu’elles ont imaginé une rubrique pour le quotidien en hébreu Hadashot, qui leur a finalement valu un article dans le journal.

« Nous étions toutes les deux très prises par nos carrières, mais nous avons cherché le bon projet à réaliser ensemble », explique Dana. « Nous nous parlons constamment, nous nous conseillons et nous nous soutenons mutuellement. »
Lorsque Rutu Modan a publié Exit Wounds en 2007, un roman graphique explorant la période troublée des attentats terroristes à Tel Aviv, Dana Modan a tout de suite pensé que ce serait l’histoire idéale à adapter au cinéma. Elle a même entrepris des démarches pour financer le projet.
Mais Rutu avait déjà commencé à travailler sur The Property, suivant sa méthode habituelle, qui consiste à écrire d’abord l’histoire sous forme de scénario, explique Dana.
« Elle m’a laissé le lire et j’ai compris que The Property était encore plus pertinent pour nous », confie-t-elle.
Les sœurs ont alors rendu les fonds obtenus pour Exit Wounds et se sont lancées dans l’écriture du scénario de The Property, bien avant que Rutu n’ait esquissé les premières images du roman graphique.
C’était il y a près de 14 ans.
Pendant ce temps-là, chacune a poursuivi ses propres projets, mais Dana revenait régulièrement au scénario dès qu’elle avait du temps libre.
« Ce n’est pas simple de travailler ensemble », reconnaît Dana. « C’est un défi, et Rutu est l’une des personnes les plus importantes de ma vie. Nous nous disputons, nous pouvons nous menacer l’une l’autre, et une heure plus tard, nous redevenons amies. »
La plupart des dialogues du film sont directement tirés du livre, précise Modan, qui a pris soin de consulter Rutu sur tous les aspects du scénario.

Les acteurs ont changé au fil des 14 années de développement du projet. À l’origine, Dana, aujourd’hui âgée de 54 ans, pensait jouer le rôle de Mika, la petite-fille, un personnage qui lui ressemblait beaucoup.
Mais le temps a passé, et incarner une jeune femme d’une vingtaine d’années n’avait plus de sens.
« Je ne fais pas attention au temps qui passe, cela me surprend », confie Dana. « Je viens de déménager, et certains cartons sont étiquetés ‘Chambre des parents’. Je me demande encore qui sont ces parents. »
Lorsqu’ils ont finalement commencé le tournage il y a un an et demi, Uri Hochman, l’un des acteurs, a plaisanté en disant à Dana qu’à ce stade, elle pourrait jouer Regina, la grand-mère.
Elle rit en y repensant, mais au final, c’est l’actrice chevronnée Rivka Michaeli qui a incarné Regina, donnant ainsi au film un sentiment de boucle bouclée. En effet, Dana a grandi dans la maison de Michaeli, étant une amie de longue date de sa fille, Michal.

« Nous jouions des pièces de théâtre et elle nous dirigeait », raconte Dana. « Pour moi, c’était très émouvant de refermer la boucle de cette façon, pour nous deux. » Michaeli vivant toujours dans la même maison, elles y ont souvent répété le film afin de ne pas épuiser l’actrice de 85 ans.
Des éléments très personnels parsèment The Property, qui s’inspire de l’histoire familiale du père des sœurs Modan. Le tournage s’est ainsi déroulé dans des quartiers et bâtiments de Pologne liés à la vie de leurs ancêtres.
« J’aime que les gens voient le film et ne connaissent pas tous ces détails, mais ces détails donnent de la profondeur », a déclaré Dana. « Ce sont toutes ces petites choses que personne ne connaît mais que je connais.
Les deux sœurs ont visité la Pologne pour la première fois en 2008. Rutu devait y effectuer des recherches pour son roman graphique et Dana avait décidé de l’accompagner. Lorsqu’elles ont entrepris l’adaptation cinématographique, elles sont retournées à plusieurs reprises à Cracovie pour repérer les lieux et tourner le film.
« Ce qui nous a fascinées, c’est à quel point nous nous sommes immédiatement senties chez nous », raconte Dana. « Nous avions l’impression de comprendre instinctivement les gens et leur mentalité, ce qui était assez troublant. C’est peut-être parce que nous sommes la deuxième génération [après la Shoah]. La génération de Regina ne pardonne pas. Notre génération est encore dedans, en quelque sorte, et ne l’oublie pas, et la génération suivante dit : ‘Ça suffit avec toutes ces histoires sur la Shoah’. »
Le film avait déjà été tourné quand le groupe terroriste palestinien du Hamas a perpétré son pogrom dans le sud d’Israël le 7 octobre. Dana a dû achever le montage du film en pleine tourmente.
La réalisatrice a dit qu’elle n’était pas sûre qu’elle aurait pu continuer à travailler sur le film si le sujet n’avait pas été lié à la Shoah et à l’idée de la survie des Juifs.
Certaines scènes, dont plusieurs ont été filmées dans un cimetière de Cracovie et dans le ghetto de Varsovie, prennent soudain une signification supplémentaire en raison de ce qui s’est passé en Israël le 7 octobre, a déclaré Dana.
Pour autant, elle insiste sur le fait que The Property n’est pas un film sombre. « Il offre aussi une respiration face à l’actualité », explique-t-elle.
« C’est un film qui correspond à l’époque actuelle », conclut-elle. « Aujourd’hui, tout est si intense et internationalement connecté. Offrir aux gens la possibilité d’aller voir un film et d’oublier un instant la réalité, c’est, en quelque sorte, leur faire un cadeau. »
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