Le résident d’implantation qui a tiré sur al-Adra toujours pas inculpé 9 mois après l’incident
Le juge a émis une injonction d'éloignement et ordonné une interdiction de port d'arme au tireur qui continuait à utiliser un fusil d'assaut malgré le retrait de son permis
Jeremy Sharon est le correspondant du Times of Israel chargé des affaires juridiques et des implantations.

Un habitant d’une implantation de Cisjordanie qui était entré dans un village palestinien où il avait tiré à bout portant sur un Palestinien, le blessant grièvement, n’a toujours pas été inculpé, bien que l’incident ait été filmé et que de nombreux témoins aient été entendus.
Le bureau du procureur général a indiqué mercredi au Times of Israel que l’affaire avait été classée en raison d’un « manque de preuves » et d’un « manque de coopération » de la victime, qui n’était pas en mesure de saisir la justice en raison de la gravité de ses blessures.
Le bureau du procureur de l’État a toutefois déclaré que l’affaire avait été rouverte après que la victime a porté plainte mardi au poste de police de Kiryat Arba. La police avait déjà enquêté sur l’incident dans le cadre d’une enquête qui a duré environ six mois après l’incident du 13 octobre.
Les détails ont été communiqués au Times of Israel à la suite de la demande d’informations sur l’état d’avancement de l’affaire, qui avait été transmise par la police au bureau du procureur de l’État pour qu’il prenne une décision à la fin du mois de mars.
De nouvelles informations sur l’incident ont émergé à la suite d’une demande d’injonction d’éloignement par la victime, Zakaria al-Adra, contre le tireur, qui peut maintenant être identifié comme étant Nir Yitzhak, un résident de l’avant-poste illégal de Maon Farms en Cisjordanie, situé juste au-dessus du village d’At Tuwani d’al-Adra.
Jusqu’à présent, on ignorait la raison pour laquelle Yitzhak, qui est membre de l’équipe de sécurité civile de Maon Farms, était entré à At Tuwani.

La juge Moria Charka du tribunal de première instance de Jérusalem, qui a entendu la demande d’injonction d’éloignement d’al-Adra mercredi, a noté fidèlement dans sa décision octroyant l’ordonnance que Yitzhak avait admis être entré intentionnellement à At Tuwani et avoir provoqué activement al-Adra, ce qui sous-entend que ce n’est pas al-Adra qui a initié l’incident.
Dans la vidéo de l’incident, filmée par le groupe israélien de défense des droits de l’homme Betselem, on peut voir Yitzhak, armé d’un fusil d’assaut, qui descend d’une zone de broussailles vers At Tuwani et s’approche d’al-Adra, immobile.
L’Israélien frappe alors le haut du corps d’al-Adra avec le canon de son fusil, le faisant trébucher en arrière ; en réaction al-Adra lève brièvement la main droite, avec ce qui semble être une pierre, avant de la rebaisser ; dans la fraction de seconde qui suit, Yitzhak tire à bout portant dans l’abdomen d’al-Adra.
La juge a retenu la déclaration d’Yitzhak selon laquelle al-Adra « voulait jeter des pierres », et que compte tenu du déclenchement de la guerre à la suite du pogrom perpétré par le groupe terroriste palestinien du Hamas le 7 octobre, quelques jours seulement avant l’incident, Yitzhak aurait pu agir en état de légitime défense.
Mais elle a également souligné dans son arrêt qu’Yitzhak n’avait pas tiré de coup de semonce et qu’il avait continué à porter son fusil d’assaut et à effectuer des patrouilles pour l’équipe de sécurité de la ferme Maon, malgré le retrait de son permis de port d’armes à la suite de l’incident.
La juge a donc accepté la demande d’al-Adra pour une injonction d’éloignement contre Yitzhak lui interdisant d’entrer à Tuwani pendant 180 jours, et lui interdisant de porter une arme à feu, que ce soit son fusil d’assaut fourni par Tsahal ou une arme de poing personnelle, tant qu’une affaire criminelle est pendante contre lui.
Chakra a indiqué avoir imposé cette interdiction « spécifiquement » parce que c’est Yitzhak qui avait provoqué l’altercation avec al-Adra.
Mardi, al-Adra avait été convoqué au poste de police de Kiryat Arba pour déposer plainte contre Yitzhak, malgré le fait que son père et un autre membre de sa famille eurent déjà déposé une plainte en son nom en octobre, et avaient témoigné de l’incident.
À la suite de la fusillade, Al-Adra a été hospitalisé pendant 82 jours, dont 60 en soins intensifs, et souffre depuis de faiblesses physiques et de douleurs dues à ses blessures.
Eitan Peleg, l’avocat représentant al-Adra, a indiqué qu’il avait demandé à la police de se rendre à la résidence d’al-Adra à At Tuwani pour recueillir sa plainte et son témoignage, mais qu’elle ne l’avait pas fait.
La police n’est jamais allée sur les lieux pour recueillir des éléments de preuve, avait indiqué un parent d’al-Adra au Times of Israel en avril.
Lorsque al-Adra s’est rendu au poste de police mardi pour déposer une plainte, il a été interrogé sous caution au sujet des allégations de jets de pierres et d’émeutes lors de l’incident du 13 octobre et fait maintenant lui-même l’objet d’une enquête.

Selon un porte-parole de la région de Judée, dans le sud de la Cisjordanie, al-Adra aurait été « l’un de ceux qui ont participé à l’émeute et jeté des pierres, avant que le résident ne tire ».
Lorsqu’il a été souligné qu’à aucun moment al-Adra n’avait été vu en train de jeter une pierre au cours de l’incident, le porte-parole a déclaré qu’il avait « eu l’intention de jeter une pierre ».
« L’affaire avait été classée en raison d’un manque de preuves, qui s’explique en partie par le fait que la victime n’a pas coopéré avec la police et ne s’est pas rendue [au poste de police] pour témoigner », a déclaré le bureau du procureur général dans un communiqué transmis au Times of Israel.
« Il a récemment demandé, par l’intermédiaire d’un avocat, à faire une déclaration. C’est pourquoi l’affaire a été ouverte et se trouve actuellement au stade de l’enquête. Une fois que la police aura terminé son enquête, le dossier nous sera renvoyé pour une nouvelle évaluation et une décision », lit-on encore dans le communiqué.
Al-Adra a subi des blessures qui ont changé le cours de sa vie. Après la fusillade, il a été équipé d’une poche de colostomie en raison de blessures aux intestins. En avril, il a déclaré au Times of Israel qu’il souffrait de douleurs et avait besoin d’aide pour se tenir debout, et qu’il lui était difficile de parler fort ou de rire en raison de ses blessures à l’abdomen et aux côtes.