Israël en guerre - Jour 649

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Les anciens Israélites étaient plus mondains que leurs cousins judéens insulaires – étude

A l'aide d'une méthode statistique du champ de la biodiversité, des experts israéliens ont analysé 1 000 noms de l'époque du Premier Temple et constaté que l'État du nord était manifestement "cosmopolite"

La bulle « Natan-Melech/Eved Hamelech » découverte dans la Cité de David. (Eliyahu Yanai, Cité de David)
La bulle « Natan-Melech/Eved Hamelech » découverte dans la Cité de David. (Eliyahu Yanai, Cité de David)

Un collectif d’archéologues israéliens réputés a eu la bonne idée de s’inspirer des méthodes de leurs collègues du domaine de l’écologie et de la biodiversité pour analyser un millier de prénoms d’Israélites et Judéens représentatifs de la période du Premier Temple (950-586 avant notre ère).

Pionnière dans l’utilisation de ces outils numériques au domaine des humanités, et plus spécifiquement à l’archéologie, l’étude de ces chercheurs révèle qu’il y a de cela près de 2 900 ans, alors que les peuples d’Israël et de Judée vivaient côte à côte sur la Terre d’Israël, les Israélites étaient plus ouverts et cosmopolites que leurs voisins Judéens.

Cette étude a été publiée lundi dans la fameuse revue PNAS (Proceedings of the National Academy of Sciences of the United States of America).

« Les techniques que nous avons utilisées sont couramment employées pour déterminer le nombre d’espèces vivantes d’un habitat naturel, sur la base d’un échantillon limité représentatif d’une infime partie de la population », explique au Times of Israel lors d’un appel vidéo Ariel Vishne, chercheur de l’Université hébraïque de Jérusalem et auteur principal de cette étude.

Avec ses collègues chercheurs – le Dr Barak Sober de l’Université hébraïque, le professeur Israel Finkelstein de l’Université de Haïfa et le professeur Eli Piasetzky, physicien de l’Université de Tel Aviv -, il a puisé dans les anciens noms figurant dans la base de données en libre accès Onomasticon.net.

Cette base de données, oeuvre du Dr Mitka R. Golub de l’Université hébraïque, rassemble les noms de personnes recueillis lors de fouilles archéologiques en Terre d’Israël et en Transjordanie, allant du 10ème siècle avant notre ère à la destruction du Premier Temple en 586 avant notre ère (les artefacts et noms incomplets ne sont pas repris dans cette base de données).

« Ces noms de personnes sont de véritables fenêtres ouvertes sur le passé, qui révèlent non seulement des tendances linguistiques, mais aussi les pratiques religieuses et hiérarchies sociales de ces sociétés anciennes », explique Golub par voie de communiqué.

Collection d’inscriptions – noms et dates – de l’époque des royaumes bibliques de Juda et d’Israël, à l’âge de fer. (Dans le sens des aiguilles d’une montre à partir du haut : Michael Cordonsky/Institut archéologique, Université de Tel Aviv ; Michael Cordonsky/Institut archéologique, Université de Tel Aviv ; Expédition de Harvard en Samarie/Musée sémitique, Université Harvard)

« La plupart de ces noms ont été relevés sur des empreintes de sceaux », précise Sober pour le Times of Israel, en parlant de ces petits cercles d’argile estampillés et munis de cordelettes qui accompagnaient les documents importants dans les temps anciens. « Cela veut dire qu’ils n’appartenaient pas à des villageois ordinaires, mais aux échelons supérieurs de la société. »

Pour cette raison, la grande majorité des noms trouvés appartenaient à des hommes et non à des femmes. D’autres noms ont été relevés sur des tessons de poterie ou d’autres (ou sceaux).

Les chercheurs n’ont retenu qu’une seule occurrence de chaque nom, en appliquant cette même règle aux noms présentant une même racine assortie de suffixes variables, comme avec Nathan, Elnathan ou Nethanel – qui suggèrent tous l’idée d’un enfant donné par Dieu (El en hébreu).

Ariel Vishne de l’Université hébraïque de Jérusalem. (Oron Kaplan)

Parmi les autres noms enregistrés dans la base de données figurent Aminadav, Zvi, Menachem, Gad ou encore Karmi.

Grâce aux méthodologies statistiques employées dans le champ de l’écologie, les chercheurs ont pu intégrer les limites de leur échantillon. Ils ont également appliqué leur technique à des données de nommage modernes issues de plusieurs pays à commencer par Israël, la France, le Royaume-Uni et les États-Unis, afin de vérifier la fiabilité de leurs résultats.

« Nos résultats suggèrent que les sociétés présentant une plus grande diversité de noms ont tendance à être plus cosmopolites et ouvertes aux influences extérieures », souligne Piasetzky dans un communiqué. « À l’inverse, une plus faible diversité de noms renvoie souvent à des sociétés plus traditionnelles, avec une conformité culturelle plus forte. »

La vie sur une route commerciale

Le territoire du royaume d’Israël couvrait alors toute la partie nord du pays, y compris la Galilée et la Samarie (aujourd’hui le nord de la Cisjordanie), dans ce que Finkelstein décrit comme « un emplacement stratégique, situé le long des routes commerciales, ce qui a favorisé les influences culturelles ».

Le royaume a cessé d’exister au VIIIe siècle avant notre ère suite à sa conquête par l’Empire assyrien en 722 avant notre ère et à l’expulsion de ses habitants. Ces événements sont relatés dans la Bible et les archives assyriennes.

Le Royaume de Judée, en revanche, a survécu 150 ans de plus, jusqu’à ce que les Babyloniens conquièrent Jérusalem.

« Pour plusieurs raisons, à commencer par la façon dont l’alphabétisation s’est répandue vers la fin de la période du Premier Temple, il y a davantage de découvertes sur le Royaume de Judée que sur celui d’Israël », poursuit Sober.

« Pour autant, il est très intéressant de voir comment, alors que d’autres noms de Judée ont survécu, Israël présentait une bien plus grande diversité. »

Selon Sober, le résultat est significatif sur le plan statistique.

« Nous avons effectué des tests statistiques pour nous assurer que ce n’était pas une coïncidence », précise-t-il. « Cela laisse penser que la société d’Israël était plus ouverte, peut-être parce qu’elle avait des interactions plus fréquentes avec ses voisins, dont les Phéniciens. »

Le Dr. Barak Sober de l’Université hébraïque de Jérusalem. (Autorisation)

« Les historiens qui étudient les deux royaumes parlent généralement d’Israël comme d’un royaume plus cosmopolite parce qu’il en est fait mention dans les archives d’autres personnes, ce qui est rarement le cas de celui de Judée », ajoute-t-il. « Nos résultats corroborent la compréhension de l’histoire de cette période. »

Le sceau de Judée ?

Parmi les phénomènes observés par les chercheurs figure par ailleurs la moindre diversité progressive des noms en Judée entre la fin du VIIIe et du VIe siècle avant notre ère.

« D’autres découvertes archéologiques et des documents historiques suggèrent que, dans la deuxième phase de la période du Premier Temple, le Royaume de Judée a connu une forme de standardisation progressive du culte et s’est mué en une entité politique plus robuste », poursuit Sober. « Cela pourrait expliquer la raison pour laquelle la diversité des noms s’est réduite. »

Selon Sober, il existe une autre interprétation, cette fois dans l’afflux de réfugiés israélites qui se seraient installés en Judée suite à la conquête assyrienne.

« Les preuves archéologiques montrent qu’après la campagne militaire assyrienne, les peuples ont migré du nord vers le sud, et la Judée a connu un véritable boom migratoire », précise-t-il. « Il se peut qu’au début, cette vague de migration ait eu pour effet de diversifier les noms, et qu’à mesure que les nouveaux immigrants s’assimilaient à la société judéenne, cette même diversité ait reculé. »

Les chercheurs ont également analysé la distribution des noms au sein des deux royaumes.

« Nous avons découvert que dans la capitale du Royaume de Judée, Jérusalem, il y avait davantage de diversité que dans le reste du royaume, mais qu’en Israël, c’était le contraire ; sa capitale, Samarie, présentait moins de diversité que les zones périphériques », souligne Sober.

Le Dr Joel Uziel, de l’Autorité des antiquités d’Israël, avec dans ses mains plusieurs sceaux de la période du Premier Temple, dans la Cité de David à Jérusalem, en août 2017. (Eliyahu Yanai, Cité de David)

Il estime difficile d’expliquer en l’état ce phénomène.

« Il est fascinant de voir que des royaumes frères, littéralement voisins, dont on s’attendrait à ce qu’ils aient des phénomènes et des structures sociales aussi distinctes », ajoute-t-il.

Interrogé sur l’impact possible de futures fouilles et découvertes sur les résultats de leurs recherches, Sober admet que c’est de l’ordre du possible mais finalement peu probable à moins qu’un nombre significatif de nouvelles inscriptions ne soient découvertes.

« Un échantillon d’un millier de noms, ce n’est pas rien », dit-il en guise de conclusion. « Sauf à ce que de nouvelles inscriptions apparaissent et prennent nos résultats en défaut, je n’y crois pas vraiment. »

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