Les Emirats réunissent une famille juive yéménite séparée depuis 15 ans
Un proche a évoqué une "renaissance" lors d'une cérémonie à Abou Dhabi ; dans un tweet, le ministre des Affaires étrangères émirati salue son pays, un "foyer de coexistence"
Raphael Ahren est le correspondant diplomatique du Times of Israël

Nouveau signe des efforts livrés par les Emirats arabes unis pour se positionner en tant que centre régional de la tolérance religieuse : le gouvernement du pays a organisé les retrouvailles, la semaine dernière, d’une famille juive yéménite qui était séparée depuis 15 ans.
Selon un reportage de l’agence de presse d’Etat Emirates News Agency, les autorités des Emirats arabes unis ont « facilité le voyage de membres de la famille depuis le Yémen jusqu’aux EAU » et elles ont également arrangé le déplacement de parents qui vivaient à Londres afin que tous puissent se retrouver.
Parmi les membres de cette famille, plusieurs jeunes enfants et au moins une personne âgée se déplaçant en fauteuil roulant.
Le reportage n’a pas précisé l’origine de la séparation initiale de cette famille, ni le rôle exact joué par Abu Dhabi dans ces retrouvailles.
« Cela a été rien de moins qu’un miracle et cela a été la réalisation d’un rêve impossible », aurait dit la famille. « Nous remercions les Emirats arabes unis pour le soutien formidable apporté dans la mise en place de ces retrouvailles. »
« C’est un exemple de l’approche humanitaire des Emiratis ainsi que de leurs nobles valeurs de tolérance et de coexistence », a-t-elle ajouté.
L’agence de presse a également diffusé une vidéo montrant des membres de la famille qui avait été séparée – dont certains portaient des kippas en velours noirs et des papillotes – s’embrasser et s’offrant des fleurs et autres présents à l’aéroport d’Abou Dhabi.
« Mon âme a connu une renaissance au moment où nous avons été réunis », a dit une personne âgée.
« Nous n’aurions jamais pu imaginer que nous serions encore une fois réunis après toutes ces longues années de tristesse », a déclaré un homme d’âge moyen, s’exprimant en arabe. « Nous avons vécu seuls en exil à Londres sans famille, sans fratrie. J’étais perdu. »
Dans le reportage réalisé par l’agence de presse, d’autres membres de la famille ont été cités tenant des propos de remerciement à l’égard des Emirats arabes unis pour cette initiative, et saluant le pays en évoquant un pilier de tolérance et de coexistence.
Le ministre des Affaires étrangères des Emirats, Abdullah bin Zayed Al Nahyan, a partagé un lien sur Twitter, samedi soir, ajoutant les mots « Foyer de coexistence » en arabe.
وطن التعايش https://t.co/IebmmAKRjf
— عبدالله بن زايد (@ABZayed) August 8, 2020
Le nombre de Juifs vivant encore au Yémen à l’heure actuelle reste indéterminé. En 2017, le ministre de l’Information du pays avait indiqué que son gouvernement n’avait pas connaissance du sort réservé aux quelques dizaines de membres de la communauté restant dans le pays et dont la majorité vivent dans la capitale de Sanaa, contrôlée par les rebelles houthis.
Les Houthis, soutenus par l’Iran, considéreraient la minuscule communauté juive du pays comme une ennemie et ils se prêteraient à une campagne de nettoyage ethnique qui comprendrait une élimination des Juifs du Yémen, avait-il dit à l’époque.
Au mois de mars 2016, 19 membres de la communauté juive yéménite avaient été transférés au sein de l’Etat juif dans le cadre d’une opération secrète qui aurait apparemment impliqué des faits de corruption en direction des responsables houthis.
« Les résidents juifs des Emirats arabes unis ont été les témoins directs de la pratique courageuse et constante de la tolérance et de la fraternité mise en œuvre par les dirigeants des Emirats depuis de longues années », a commenté dans un communiqué émis dimanche le Conseil juif des EAU. Les efforts qui ont visé à organiser les retrouvailles de cette famille yéménite en sont « un exemple supplémentaire », a continué le communiqué.
« Le bonheur de cette famille est quelque chose que nous pouvons tous comprendre et partager », a commenté Ross Kriel, président du conseil.
« Nous sommes heureux de ce que les efforts charitables des EAU, qui se basent sur le concept de la dignité humaine universelle, aient réussi et qu’ils puissent être connus d’un public plus large », a-t-il continué.
Ces dernières années, les Emirats ont livré d’importants efforts pour se dépeindre comme un pays tolérant à l’égard de toutes les religions, notamment du judaïsme. Le président Khalifa bin Zayed Al Nahyan avait déclaré que 2019 serait « l’année de la tolérance » aux Emirats arabes unis. Dans ce contexte, le pays avait annoncé la construction d’un important complexe interconfessionnel à Abou Dhabi qui comprendrait également une synagogue.
La dite « Maison de famille Abrahamique » devrait ouvrir ses portes en 2022.
Cela fait une dizaine d’années qu’une vie juive s’organise à Dubaï, après avoir initialement bénéficié d’un soutien tacite. Aujourd’hui, les autorités locales lui apportent un appui ouvert, et les Juifs devraient pouvoir devenir officiellement une communauté religieuse autorisée à l’avenir.

Au début de cette année, une congrégation juive dissidente, dirigée par un jeune rabbin affilié au mouvement Habad, avait lancé une vive campagne de communication. Les autorités locales lui ont depuis demandé de cesser ses publications sur les réseaux sociaux.
Il est difficile de dire combien de Juifs vivent actuellement aux Emirats arabes unis. Les estimations vont de 1 500 à quelques centaines. Elli’s Kosher Kitchen, une entreprise de restauration casher, est établie dans le pays. Elle a attiré beaucoup l’attention – le ministre de la Culture des EAU saluant pour sa part l’ouverture d’un nouveau chapitre dans « l’histoire gastronomique du Golfe ».
« Encore le mois dernier, un nouveau restaurateur casher a ouvert ses portes à Dubaï pour servir la communauté juive de plus en plus nombreuse – la première nouvelle communauté juive dans le monde arabe depuis plus d’un siècle », a ainsi écrit l’ambassadeur émirati aux Etats-Unis, Yousef al-Otaiba, dans une tribune sans précédent publiée dans le quotidien israélien Yedioth Ahronoth.
L’équipe du Times of Israël a contribué à cet article.