Les États-Unis pressent les ONG de soutenir le plan d’aide israélien pour Gaza
L'administration Trump menace des organisations, comme le PAM, de réduire leur financement américain si elles ne participent pas à une initiative à laquelle l'ONU s'oppose
Jacob Magid est le correspondant du Times of Israël aux États-Unis, basé à New York.

L’administration Trump fait pression sur plusieurs organisations humanitaires internationales pour les pousser à coopérer avec le nouveau plan israélien visant à reprendre la distribution de l’aide dans la bande de Gaza, après plus de deux mois de blocus imposé par Tsahal, ont rapporté cette semaine trois sources proches du dossier au Times of Israel.
Les organisations informées de l’initiative ont exprimé leur scepticisme, estimant qu’elle ne répondait pas de manière adéquate à la crise humanitaire dans l’enclave ravagée par la guerre et qu’elle les rendrait complices de ce qu’elles qualifient « d’instrumentalisation » de l’aide par Israël.
Face à cette résistance, l’administration Trump a laissé entendre à ces organisations – notamment le Programme alimentaire mondial (PAM) – que leur financement américain pourrait être réduit si elles refusaient de coopérer, ont confié au Times of Israel un membre du personnel d’un groupe d’aide internationale, un haut diplomate occidental et un responsable israélien.
Dans le cadre de leurs efforts pour rallier le PAM au projet, les responsables américains auraient tenu, selon le diplomate, une réunion en début de semaine avec la directrice exécutive de l’agence onusienne, Cindy McCain, ainsi que des représentants de la Gaza Humanitarian Foundation (GHF), créée en janvier pour proposer une nouvelle méthode de distribution de l’aide visant à empêcher son détournement par le Hamas ou d’autres groupes terroristes. Des représentants de Safe Reach Solutions et d’UG Solutions, deux entreprises américaines chargées de sécuriser les centres humanitaires mis en place dans le sud de la bande de Gaza pour la distribution de l’aide, ont également participé à la réunion.
Interrogé à ce sujet, un porte-parole du département d’État n’a pas démenti l’existence de pressions exercées sur les organisations internationales.
« Bien que nous n’ayons rien à annoncer pour l’instant et que nous ne puissions nous exprimer au nom de la fondation, nous saluons toute initiative permettant de faire parvenir rapidement une aide alimentaire urgente à Gaza, tout en empêchant qu’elle tombe entre les mains de terroristes. Nous appelons depuis longtemps à des solutions innovantes qui garantissent la sécurité d’Israël tout en aidant les habitants de Gaza », a-t-il déclaré.

Le porte-parole a également évoqué les propos du président Donald Trump plus tôt cette semaine, qui affirmait : « Nous allons aider les habitants de Gaza parce qu’ils sont très mal traités par le Hamas. »
« Quand Trump a dit ‘On s’en occupe’ il y a quelques semaines, il le pensait vraiment », a ajouté le porte-parole.
Le PAM n’a pas répondu aux demandes de commentaires.
La GHF tente encore de réunir des financements étatiques pour le projet. Bien qu’Abou Dhabi ait un temps été évoqué parmi les soutiens principaux, deux sources proches du dossier indiquent que les Émirats arabes unis n’ont pour l’instant pris aucun engagement, émettant des doutes sur la viabilité du plan.
Le responsable israélien a confié au Times of Israel que malgré cela, la GHF prévoit toujours de dévoiler publiquement l’initiative dans le courant de la semaine. La porte-parole du département d’État, Tammy Bruce, a semblé faire référence à cette annonce lors d’un briefing mardi, lorsqu’elle a déclaré aux journalistes « qu’une annonce importante concernant l’entrée de l’aide à Gaza sera publiée dans les prochains jours, et il y a de très bonnes nouvelles ».
Trump lui-même a laissé entendre mercredi qu’une annonce liée à Gaza serait faite dans les 24 heures.
Mais Israël n’attend pas. Tsahal a déjà commencé à construire le premier de plusieurs centres humanitaires dans le sud de Gaza, à partir desquels il prévoit de distribuer de l’aide aux civils dans les semaines à venir. Le responsable israélien a reconnu que certains Gazaouis sont « au bord de la famine ».

Ces centres sont financés par Israël, mais Jérusalem espère voir d’autres éléments du projet pris en charge par des États partenaires et des organisations internationales.
Le responsable israélien s’est montré optimiste quant à l’adhésion de certaines organisations à ce projet, bien que les organisations actuellement impliquées dans l’opération humanitaire à Gaza aient publié en début de semaine une déclaration commune affirmant qu’elles ne coopéreraient qu’après avoir été informées du plan par Jérusalem.
L’initiative israélienne créera une nouvelle zone humanitaire entre le corridor de Philadelphi, le long de la frontière sud de Gaza avec l’Égypte, et le nouveau corridor de Morag, situé à environ cinq kilomètres au nord. Cette zone inclurait en grande partie la ville de Rafah. L’entrée se ferait par des points de contrôle militaires, censés empêcher les combattants du Hamas d’y accéder.
Selon les autorités israéliennes, cette zone humanitaire, qui représente environ 10 % de la bande de Gaza, est suffisamment vaste pour accueillir l’ensemble des quelque deux millions d’habitants de l’enclave, même si Jérusalem espère que certaines d’entre elles pourront quitter la bande de Gaza.
Jusqu’à présent, aucun pays ne s’est proposé pour accueillir des réfugiés gazaouis, Israël refusant de s’engager publiquement à permettre à ceux qui partent de revenir. Certains membres influents de la coalition du Premier ministre Benjamin Netanyahu affirment que le plan du gouvernement consiste à réoccuper définitivement le territoire et à y réinstaller des implantations.
Dimanche, le gouvernement israélien a approuvé la création d’un nouveau mécanisme humanitaire confié à la GHF.

Aucun des trois responsables mentionnés dans le formulaire d’enregistrement de la fondation en Suisse n’a d’expérience dans le domaine humanitaire, mais selon le diplomate occidental, la GHF cherche à recruter des experts pour siéger à son conseil consultatif.
Le mécanisme prévoit que des sociétés de sécurité privées américaines protègent les centres d’aide, situés dans la zone humanitaire, mais loin des campements de tentes où les civils sont censés s’abriter. Cinq à six mille représentants gazaouis sélectionnés pourront, toutes les deux semaines, se rendre à pied dans ces centres pour y récupérer une caisse de 18 kilos de denrées alimentaires destinée à leur famille.
Mais un membre d’une ONG internationale dénonce un plan déconnecté de la réalité sur le terrain. Il estime que des Gazaouis affamés risquent d’assaillir les centres dès leur ouverture.
Ce même cadre critique aussi la décision de limiter l’acheminement de l’aide à seulement 60 camions par jour via un seul point de passage, jugeant ce chiffre très insuffisant pour nourrir une population déjà sous-alimentée.
Le responsable israélien, lui, assure que ces 60 camions par jour suffiront à éviter la famine.