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Les familles de militants détenus au Moyen-Orient pressent Washington d’user de son influence

Leurs entretiens à Washington avec des responsables se sont tenus presque trois mois après la visite très critiquée du président Joe Biden à Jeddah

Le prince héritier saoudien Mohammed ben Salman, à droite, accueillant le président américain Joe Biden au palais Al-Salam à Jeddah, en Arabie saoudite, le 15 juillet 2022. (Crédit : Bandar Aljaloud/Palais royal saoudien via AP)
Le prince héritier saoudien Mohammed ben Salman, à droite, accueillant le président américain Joe Biden au palais Al-Salam à Jeddah, en Arabie saoudite, le 15 juillet 2022. (Crédit : Bandar Aljaloud/Palais royal saoudien via AP)

Désabusés mais déterminés à maintenir la pression, les proches de militants emprisonnés ou récemment libérés au Moyen-Orient, notamment en Egypte et en Arabie saoudite, ont exhorté cette semaine les États-Unis à user de leur influence pour obtenir des progrès en matière de droits humains dans ces pays.

Leurs entretiens à Washington avec des représentants de la Maison Blanche, du département d’État ou du Congrès, sous l’égide de l’ONG Freedom Initiative, se sont tenus presque trois mois après la visite très critiquée du président Joe Biden à Jeddah, où il a rencontré le prince héritier Mohammed ben Salmane et le président égyptien Abdel Fattah al-Sissi.

Un voyage qui a écorné l’image du chef d’État américain. Avant d’être élu, il s’était engagé à se faire le héraut de la démocratie ainsi qu’à traiter l’Arabie en « paria » en raison de l’assassinat du journaliste Jamal Khashoggi, démembré en 2018 dans le consulat saoudien à Istanbul.

Mais son cordial « fist bump », salut poing contre poing avec le prince « MBS » en juillet, a marqué les esprits.

Bien qu’elle affirme ne jamais avoir eu d’illusions sur le fait que la realpolitik l’emporte généralement sur le reste, Sanaa Seif, la sœur d’Alaa Abdel Fattah, le détenu le plus célèbre d’Egypte qui observe une grève de la faim depuis plus de six mois, s’est dite « déçue ».

Les responsables américains rencontrés à Washington se montrent « très compatissants », mais « rien ne se traduit par des mesures concrètes », a-t-elle dit à l’AFP.

Des pressions de Washington pourraient pourtant avoir un impact sur le gouvernement égyptien tout comme sur les autorités britanniques et pousser ces dernières à agir davantage, fait-elle valoir. Depuis sa cellule, son frère, condamné à cinq ans de prison pour « diffusion de fausses informations », est devenu cette année citoyen britannique.

Le président égyptien Abdel Fattah al-Sissi (milieu), le prince héritier d’Abou Dhabi Sheikh Mohammed bin Zayed al-Nahyan (g) et le Premier ministre israélien Naftali Bennett photographiés à Charm el-Cheikh, en Égypte, le 22 mars 2022. (Crédit : Ministère des affaires présidentielles des Émirats arabes unis/AFP)

Critiques « plus fortes »

À l’approche de la Cop 27, qui se tient en novembre en Egypte, le Palestinien Ramy Shaath, lui-même emprisonné plus de 900 jours dans ce pays, a appelé les États-Unis à peser pour que cette conférence sur le climat ne serve pas de « greenwashing » au régime.

« Le niveau de répression devient dévastateur » en Egypte, qui compte plus de 60 000 détenus d’opinion selon des ONG, insiste-t-il. Or le président al-Sissi considère les États-Unis et l’Union européenne « comme la source principale de soutien, de revenus, d’armes », affirme à l’AFP M. Shaath. L’Egypte reçoit plus d’un milliard de dollars par an en aide militaire américaine directe.

Abdel Fattah al-Sissi « est sensible à leurs pressions et même à leurs petites critiques, je les appelle donc à des critiques plus fortes », a-t-il dit.

Lina al-Hathloul, la sœur de Loujain al-Hathloul, militante saoudienne des droits des femmes libérée de prison en 2021 mais toujours interdite de quitter le pays, a elle aussi dit aux responsables américains que « la seule solution concrète (était) d’arrêter d’encourager un dictateur », en référence au prince héritier.

« Vous avez des moyens de pression », les a-t-elle exhortés.

Avant le déplacement de M. Biden à Jeddah, « on a été clairs avec notre message : si l’administration va visiter nos pays sans mettre de conditions claires quand il s’agit des droits de l’Homme, ça va empirer et nos oppresseurs se sentiront enhardis », a-t-elle dit à l’AFP. 

« Ils nous avaient promis que ça n’allait pas se passer » de cette manière, a-t-elle ajouté. Mais la situation en Arabie saoudite est « clairement pire qu’avant » : « tout le monde a peur », « les gens se font emprisonner pour des tweets », explique-t-elle.

En septembre, devant l’Assemblée générale de l’ONU, Joe Biden avait assuré que « les Etats-Unis (allaient) toujours promouvoir les droits humains (…) à travers le monde », et que « le futur serait aux pays qui libèrent le plein potentiel de leurs populations ».

Mais sa diplomatie du « fist bump », qui devait amorcer un nouveau départ avec Ryad, a montré ses limites dans un autre domaine mercredi avec l’annonce que l’Opep+, menée par l’Arabie, allait baisser sa production de pétrole.

« Biden a vendu ses principes sur les droits humains en échange de la promesse du prince héritier saoudien d’augmenter la production de pétrole », a fustigé l’ancien chef de l’ONG Human Rights Watch, Kenneth Roth. « Alors Joe Biden, ça en valait la peine ? »

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