Les familles de soldats tombés au front donnent leurs organes pour sauver plus de vies
Voici les histoires de cinq soldats dont les cœurs, les poumons, le foie et les reins ont été donnés à 25 personnes, un nouveau pari sur l'avenir et une transcendance du chagrin
Le 20 novembre, Ayelet et Moshe Samo ont rendu une visite riche en émotions à l’hôpital Beilinson et à l’hôpital pour enfants Schneider à Petah Tikva. Ils ont rencontré deux de ceux qui ont reçu les organes de feu Yehonathan, leur fils bien-aimé.
Après la mort de ce sergent qui appartenait à une unité de parachutistes en date du 10 novembre – il avait succombé à des blessures alors qu’il combattait le groupe terroriste palestinien du Hamas dans la bande de Gaza – ses parents ont convenu de donner son cœur, ses poumons, ses reins et une partie de son foie.
Grâce à lui, six personnes ont ainsi bénéficié d’une greffe dans quatre hôpitaux israéliens.
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« Nous sommes bouleversés mais savoir que nous avons rendu une nouvelle vie possible pour d’autres nous renforce », commente Ayelet Samo.
Les noms des soldats morts au combat pendant la guerre qui oppose actuellement Israël et le Hamas – une guerre qui avait commencé par un assaut dévastateur lancé par les hommes armés du groupe terroriste dans le sud d’Israël, le 7 octobre – ont été publiés dans les médias. Toutefois, tous ces récits de dons d’organe, après leur décès, n’ont pas été rendus publics.
Les familles sont, en général, interrogées après la mort d’un être cher sur leur éventuelle volonté d’offrir les organes ou les tissus de ce proche arraché à leur tendresse. Si elles donnent leur accord, elles signent alors des formulaires indispensables dans ce cas de figure en ignorant néanmoins quels seront les organes qui seront prélevés pour aider ceux qui en ont besoin. Ce sont les médecins qui, après évaluation, prendront cette décision.
Il est difficile de dire exactement combien de familles de soldats tombés sur le front ont ainsi cédé les organes de leurs enfants, hommes et femmes – mais certains cas ont été rapportés aux journalistes par les établissements hospitaliers et par le Centre national en charge des greffes.
Selon la directrice du Centre, Tamar Ashkenazi, les organes complets ne peuvent être prélevés qu’après la mort cérébrale d’un individu. Ce qui correspond au moment, en ce qui concerne les soldats blessés, où ils sont amenés à l’hôpital encore en vie, avec un pouls perceptible, une activité cérébrale mais que malgré tous les efforts livrés par les médecins, ils ne parviennent pas à survivre.
« La mort cérébrale, la mort clinique peut arriver quelques heures, quelques jours, voire quelques semaines après que la personne a été blessée », explique Ashkenazi.
Si un soldat blessé arrive à l’hôpital, mort d’un arrêt cardiaque, il est alors possible de prélever des tissus. De la peau, des ossements, des ligaments, des valvules cardiaques, de la cornée… Contrairement aux plus grands organes, qui doivent être prélevés chez une personne en état de mort de cérébrale et qui doivent être greffés immédiatement, les tissus peuvent être mis en réserve pour une utilisation ultérieure.
« Pour que les tissus d’un soldat qui arrive en état d’arrêt cardiaque à l’hôpital puissent être prélevés, il faut prendre en compte le temps qui s’est écoulé depuis la mort et cela dépend aussi du type de blessure qu’ils ont essuyée », ajoute Ashkenazi. « Certaines familles souhaitent savoir ce qui a été prélevé chez leur proche, d’autres non. D’autres changent d’avis et ils demandent plus tard ».
Les personnes chargées de coordonner les greffes, dans les hôpitaux, vérifient toujours si l’individu – lorsqu’il est âgé de 17 ans et plus – possède une carte ADI, qui indique qu’il est inscrit au registre des donneurs d’organe. Si la famille du défunt est toujours interrogée sur sa volonté propre, cet enregistrement en tant que donneur est habituellement pris en considération dans le cadre de cette décision.
Si certains militaires peuvent s’inscrire auprès du registre avant d’entrer dans l’armée, pour le service, nombreux sont ceux qui ne le font pas. Ashkenazi précise que le Centre national des greffes dispose généralement d’un stand dans les salons consacrés aux carrières post-armée qui sont ouverts aux soldats qui viennent de quitter Tsahal. Certains réservistes peuvent alors s’enregistrer comme donneur d’organe à ce moment-là, voire après.
Ashkenazi reconnaît que prendre une décision sur un sujet aussi délicat que celui du don d’organe dans le cas d’un enfant mort sur le front peut être quelque chose de très difficile pour des familles désespérées. Mais elle fait aussi remarquer que de nombreux parents y trouvent finalement du réconfort.
« J’ai récemment fait une visite lors de la shiva [période de deuil] d’une famille. La mère pleurait mais elle m’a dit que ses larmes n’étaient pas des larmes de tristesse. Elle m’a dit qu’elle était bouleversée à l’idée que son fils pourrait sauver des vies avec sa mort », raconte-t-elle.
Voici les histoires de cinq soldats de carrière et réservistes qui ont perdu la vie pendant la guerre en cours dans la bande de Gaza et dont les familles ont accepté de donner les organes pour sauver des vies en péril.
Le sergent Amichai Rubin
Le sergent Amichai Rubin, 23 ans, servait dans la Brigade Golani. Le 7 octobre, il était stationné aux abords de la frontière avec Gaza. Quand le Hamas avait frappé son poste, lui et ses camarades avaient couru vers un bâtiment fortifié. Alors qu’il n’avait que son arme personnelle, Rubin avait été l’un des premiers à faire face aux terroristes – tuant un grand nombre des hommes armés et sauvant ainsi les autres militaires.
Pendant la bataille, Rubin avait été blessé par balle à la jambe et il avait été projeté au sol. Il s’était relevé ; il avait continué à se battre mais quelques minutes plus tard, il avait reçu une autre balle à la tête et il avait été atteint au cerveau. Il avait encore lutté pendant 20 minutes avant de s’effondrer.
Rubin et les autres blessés avaient été évacués du champ de bataille six longues heures après le début des combats. Il était arrivé inconscient à l’hôpital Hadassah à Ein Kerem où, malgré tous les efforts des médecins, il s’était éteint le 10 octobre.
La famille de Rubin a demandé que ses organes soient donnés pour sauver des vies. C’est un septuagénaire qui a reçu ses poumons à l’hôpital Beilinson. Un lobe de son foie a été greffé à un petit garçon de huit ans, pris en charge à l’hôpital pour enfants Schneider, l’un de ses reins a été transplanté à une jeune femme de 29 ans à Beilinson et l’autre à une fillette de 7 ans, hospitalisée à Rambam.
Rubin, originaire d’Akko, laisse derrière lui ses parents et sept frères en sœurs.
Le capitaine Roi Nahari
Le capitaine Roi Nahari, 23 ans, qui servait dans une unité de parachutistes, avait été grièvement blessé, le 9 octobre, pendant une opération visant à reconquérir le kibboutz Kfar Aza, dont les terroristes du Hamas avaient pris le contrôle, et à y restaurer la sécurité.
Nahari avait été évacué et amené à l’hôpital Soroka de Beer Sheva. Malgré les efforts livrés par les médecins pour le sauver, il avait été déclaré en état de mort cérébrale. Il avait été transféré par hélicoptère à l’hôpital Beilinson à Petah Tikva où ses organes avaient été prélevés.
Un homme de 63 ans a reçu son cœur à l’hôpital Sheba. Ses poumons ont été offerts à un homme âgé de 72 ans à Beilinson ; son foie à une femme de 44 ans dans le même établissement ; l’un de ses reins et son pancréas ont été donnés à une personne de 29 ans à Ichilov. Enfin, son autre rein a sauvé la vie à une femme de 61 ans à l’hôpital Hadassah.
« Nous savions que Roi aurait voulu donner ses organes pour sauver les autres. Même si cette décision était extrêmement difficile pour nous, nous avons décidé de la prendre », a déclaré Iris, la mère de Nahari.
Nahari, qui habitait le moshav Ora, aux abords de Jérusalem, laisse derrière lui ses parents et trois frères et sœurs.
Le sergent chef Shoham Ben Harush
Le sergent chef Shoham Ben Harush, 20 ans, servait dans la Brigade Nahal. Il avait été grièvement touché le 7 octobre alors qu’il affrontait les terroristes à son poste, à Kerem Shalom, empêchant les hommes armés de rejoindre le kibboutz avoisinant qui porte le même nom.
Ben Harush avait été emmené en toute urgence à l’hôpital Hadassah Ein Kerem, à Jérusalem – mais malgré les efforts livrés par les médecins pour lui sauver la vie, sa mort cérébrale avait été prononcée, le 26 octobre.
Après conclusion d’un accord avec la famille, son cœur a été greffé chez un homme de 48 ans ; ses poumons chez un homme de 59 ans et son foie chez un homme de 57 ans – tous à l’hôpital Sheba. Son foie a été prélevé pour être transplanté chez un homme de 61 ans, à l’hôpital Hadassah, et son autre rein a été donné à une femme de 69 ans à Beilinson.
Le père de Ben Harush, Ilan, a indiqué que « j’avais des doutes sur la greffe d’organe. J’étais déchiré entre l’importance d’un tel geste et ce sentiment à l’intérieur de moi qui me disait : ‘Ne touche pas à ton petit garçon’. »
Toutefois, quand Ilan Ben Harush a entendu sa femme dire que son fils lui avait confié qu’il souhaitait être un donneur d’organe, la décision s’est imposée à ses yeux.
« J’ai compris que Shoham avait été plus prévoyant que j’avais pu l’être et j’ai accepté sa décision. Savoir qu’il a sauvé des vies m’offre du réconfort dans mon immense chagrin », a-t-il déclaré.
Ben Harush, qui résidait au moshav Hispin, sur le plateau du Golan, laisse derrière lui ses parents et cinq frères et sœurs.
Le sergent chef (réserviste) Naaran Ashchar
Le sergent chef (réserviste) Naaran Ashchar, 33 ans, du 71e bataillon de la Brigade des Blindés, avait été grièvement blessé quand un char s’était retourné au cours d’une opération sur la frontière avec le Liban, dans le nord d’Israël.
Les personnels de l’unité de soins intensifs de l’hôpital Galilée, à Nahariya, avaient tout fait pour lui sauver la vie pendant une semaine – mais le trentenaire avait été prononcé en état de mort cérébrale le 5 novembre.
Les équipes du Centre national de greffe connaissaient Ashchar qui, dans le passé, avait fait le don altruiste de l’un de ses reins à l’hôpital Beilinson, au mois de juin dernier. Il avait été le troisième membre de sa famille élargie à faire un tel don à un inconnu.
« Naaran avait oublié qu’il avait donné un rein, il y a quelques mois, et il était parti se battre. J’avais réussi à le convaincre de dire à l’armée qu’il venait de donner l’organe et qu’il avait bien l’autorisation de servir de la part des médecins », a expliqué son épouse, Tzuf.
« Après sa grave blessure, après avoir compris qu’il était possible qu’il se trouve en état de mort cérébrale, la question du don d’organe ne s’est même pas posée. C’était une évidence, c’était ce qu’il voulait. Nous avons seulement attendu qu’on nous dise qu’il pouvait sauver d’autres personnes », a-t-elle ajouté.
Le cœur d’Aschar est allé à un homme de 59 ans et ses poumons à un homme de 72 ans – les deux interventions ont eu lieu à l’hôpital Sheba. Son foie a été greffé à un homme de 67 ans, à l’hôpital Ichilov, et le rein qui restait a été transplanté pour sauver la vie d’un homme de 43 ans, là encore à Ichilov.
Ashchar, qui vivait dans l’implantation de Shadmot Mehola, en Cisjordanie, laisse derrière lui son épouse et deux enfants âgés de 3 et de 6 ans.
Le sergent chef Yehonatan Samo
Le sergent chef Yehonatan Samo, du 202e Bataillon des parachutistes, avait souscrit au registre des donneurs d’organe bien avant la guerre. Un jour, sa mère, Ayelet, avait trouvé sa carte ADI et l’avait interrogé à ce sujet.
« Il m’a dit ‘oui, ça fait un moment que je me suis enregistré comme donneur’. Je n’ai pas réfléchi à deux fois à l’importance du don d’organe. C’était Yehonatan. Il faisait tout avec le sourire, avec compréhension, avec un fort sentiment de responsabilité et avec cette détermination à venir en aide aux autres », a commenté sa mère.
« Le fait qu’une partie de lui continue à vivre, le fait d’aider les autres… Il n’y a rien de plus réconfortant que cette pensée. En raison de ce qu’il a fait, de nombreuses personnes venues à la shiva [période de deuil] se sont enregistrées pour avoir une carte ADI et je suis sûre qu’il y en aura encore beaucoup plus qui le feront à l’avenir », a-t-elle déclaré.
Le 20 novembre, Ayelet et son époux, Moshe, ont pu rencontrer Yaakov Malka, 46 ans, qui a reçu le cœur de son fils. Une rencontre qui a eu lieu à l’hôpital Beilinson où la greffe a eu lieu. Malka, qui habite Kiryat Gat, est actuellement en cours de rétablissement.
A cette occasion, un médecin a donné au couple Samos – un moment déchirant – un stéthoscope et la mère a pu entendre le cœur de son fils battre dans la poitrine de Malka.
Les parents de Yehonathan sont aussi allés à l’hôpital pour enfants Schneider, pour y faire la connaissance de Tehila, neuf mois seulement, et de sa mère. La toute petite fille, née avec une grave maladie hépatique congénitale, était hospitalisée depuis longtemps et elle avait déjà subi une intervention chirurgicale. Tehila avait besoin d’une greffe qui lui sauverait la vie – et le don de foie de Yehonatan Samo est arrivé juste à temps.
La mère de Tehila, se tournant vers Ayelet Samo, lui a dit : « Je suis tellement émue. Les mots me manquent pour vous remercier. Ma petite fille vient de renaître et c’est grâce à votre fils ».
Yehonatan Samo, originaire de Karmei Tzur, en Cisjordanie, laisse derrière lui ses parents et quatre frères et sœurs.
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