Les frappes israéliennes à Gaza ont pu « systématiquement violer » le droit humanitaire – ONU
Le rapport ne mentionne pas l'attaque du 7 octobre, citant 6 incidents qui avaient entraîné de nombreuses victimes et qui, ajoute-t-il, sont "emblématiques" d'un modèle de comportement de la part d'Israël
Le Bureau des droits de l’Homme des Nations unies a indiqué, mercredi, que l’usage par Israël de bombes lourdes dans la bande de Gaza pourrait avoir violé de manière systématique le droit humanitaire qui régit les guerres – une affirmation qui figurait dans un rapport que les représentants palestiniens, à l’ONU, ont salué et qui, selon Israël, est « factuellement, juridiquement et méthodologiquement erroné ».
Les groupes palestiniens ont aussi contrevenu au droit international, note aussi le rapport qui précise que « depuis le 7 octobre 2023, les groupes armés palestiniens (PAGs) ont continué à tirer des projectiles de manière fondamentalement indiscriminée en direction d’Israël, contrairement aux règles du droit international ».
Le rapport cite également les chiffres des victimes des tirs de roquette qui ont pris pour cible Israël depuis le 7 octobre sans pour autant faire de référence aux autres composantes de l’attaque meurtrière qui avait été commise, ce jour-là, par le Hamas – des milliers de terroristes avaient envahi le sud d’Israël, massacrant près de 1 200 personnes, des civils en majorité, et kidnappant 251 personnes qui avaient été prises en otage à Gaza.
Israël avait lancé sa campagne militaire en riposte au massacre du 7 octobre, jurant de détruire le Hamas, d’obtenir la remise en liberté des otages qui avaient été kidnappés par l’organisation terroriste et s’engageant à éliminer la menace sécuritaire émanant de la bande de Gaza.
Selon le rapport, qui s’est penché sur six frappes israéliennes commises au sein de l’enclave côtière au cours des trois premiers mois de la guerre, le réexamen effectué par les Nations unies « indique de manière forte que l’armée israélienne a échoué, et ce de manière systématique, à se conformer » aux principes de distinction, de proportionnalité et de précaution, ainsi qu’à l’interdiction des attaques indiscriminées.
« La nécessité de sélectionner les moyens et les méthodes utilisés dans l’effort de guerre de manière à minimiser ou à éviter les atteintes aux civils a été systématiquement ignorée », a dit le Bureau, qui a cité les bilans humains et les dommages structurels essuyés lors de chaque attaque en les comparant aux objectifs militaires qui avaient été publiquement établis pour chacune de ces frappes.
Les six incidents détaillés dans le rapport sont « emblématiques » d’un modèle de comportement plus large, a expliqué le Bureau qui a ajouté qu’ils avaient été choisis « parmi des centaines d’exemples similaires ».
Ces incidents portent plus généralement sur l’usage présumé de bombes lourdes du 9 octobre en 2 décembre, des bombes qui sont venues frapper des immeubles résidentiels, une école, des camps de réfugiés et un marché.
Le Bureau a fait savoir qu’il était parvenu à établir que ces six frappes avaient fait 218 morts au total – tout en précisant dans un communiqué que les informations dont il a disposé laissaient toutefois penser que le nombre de victimes pouvait être encore largement supérieur.
Le ministère de la santé de Gaza, contrôlé par le Hamas, affirme que plus de 37 000 personnes ont été tuées ou sont présumées mortes dans les combats jusqu’à présent, bien que seuls quelque 24 000 décès aient été identifiés dans les hôpitaux ou signalés par les familles.
Les chiffres publiés par le groupe terroriste sont invérifiables, et ils incluraient ses propres terroristes et hommes armés, tués en Israël et à Gaza, et les civils tués par les centaines de roquettes tirées par les groupes terroristes qui retombent à l’intérieur de la bande de Gaza. L’armée israélienne affirme avoir tué plus de 13 000 membres du groupe terroriste à Gaza, en plus d’un millier de terroristes à l’intérieur d’Israël le 7 octobre et dans les jours qui ont suivi l’assaut.
Dans le rapport, le Bureau des droits de l’Homme appelle Israël à lancer des investigations sur ces incidents – tout en faisant part de son scepticisme face à la capacité de l’État juif à les mener à bien de façon objective. Il cite le rôle double du procureur-général militaire pour appuyer ses dires, faisant remarquer qu’il est à la fois conseiller juridique de Tsahal et la personne en charge de poursuivre les crimes présumés.
Il note le temps qui s’est écoulé depuis les incidents, disant qu’aucune conclusion significative sur ces incidents n’a été tirée au niveau de l’armée. Il fait également référence aux inquiétudes présentées dans d’autres rapports des Nations unies face à la réelle aptitude d’Israël à enquêter sur les sanctions et à les punir.
Dans sa réponse initiale au rapport, l’État juif a estimé que l’analyse faite par le document était « factuellement, juridiquement et méthodologiquement erronée ». Israël a soulevé six objections face à l’analyse, notant que sa liste n’était pas exhaustive.
Parmi ces objections, le manque d’attention présumé porté par le Bureau aux contraintes opérationnelles, une tendance du rapport à trop s’appuyer sur les informations publiques et une focalisation sur le résultat des décisions prises par les militaires et non sur le processus décisionnaire en temps réel.
La réponse fait référence à chacun des six incidents mentionnés dans le rapport d’origine, nommant un certain nombre de cibles militaires qui n’ont pas été incluses dans le document des Nations unies et affirmant qu’une partie de la présentation de ces incidents, de la part du Bureau, s’avère être « factuellement erronée, entraînant par voie de conséquence une conclusion erronée ».
Israël critique aussi, dans sa réponse, le rapport de l’ONU qui cite, dans le cadre d’un incident précis, les chiffres des victimes émanant du ministère de la Santé de Gaza, placé sous l’autorité du Hamas, qui comprennent « 13 militants identifiés du Hamas et du Jihad islamique palestinien » qui avaient été inclus dans le décompte soumis par le ministère.
Le pays s’insurge également contre l’affirmation faite dans le rapport qu’au cours des six incidents – à l’exception d’un seul – « le Bureau du Haut-Commissaire aux droits de l’Homme n’a pas été en mesure de consigner l’émission d’un avertissement efficace ou autre ».
« L’ordre général d’évacuation qui a été émis le 13 octobre dans le sud n’a également pas été efficace au vu des frappes qui ont continué dans le sud », accuse ainsi le rapport de l’ONU.
« L’armée a largué des millions de prospectus dans les secteurs où des attaques étaient attendues avec des instructions réclamant d’évacuer et expliquant comment le faire ; il y a eu des annonces à la radio et des messages sur les réseaux sociaux qui ont mis en garde les civils… et, dans de nombreux cas, il y a eu des appels téléphoniques individuels en direction des occupants des bâtiments qui devaient être pris pour cible et qui ont été ainsi avertis d’attaques imminentes », a répondu Israël.
« Lorsque les circonstances ne permettent pas de lancer une mise en garde anticipée efficace avant une attaque… il n’y a pas d’obligation légale de le faire », a ajouté l’État juif dans sa réponse.
Alors que la mission palestinienne à l’ONU s’est réjouie du rapport du Haut-Commissaire aux droits de l’Homme, elle a demandé, dans une réponse qui a été diffusée avec celle d’Israël, au Bureau de « souligner que cette liste d’incidents n’est pas exhaustive ».
La réponse des Palestiniens a énuméré « les autres incidents emblématiques » qui, selon eux, « n’ont pas été mentionnés dans le rapport – en commençant par « le bombardement de l’hôpital Al Ahli », une référence probable à l’explosion qui avait eu lieu à Gaza City, au mois d’octobre, et dont il s’était finalement avéré qu’elle avait été causée par une roquette errante tirée par le Jihad islamique palestinien.
La réponse palestinienne a aussi cité un certain nombre d’autres incidents spécifiques, soulignant particulièrement des incidents qui avaient touché des lieux de culte. Les Palestiniens ont aussi rejeté l’utilisation, par les Nations unies, de l’expression « forces de défense israéliennes ».
« L’État de Palestine note qu’un tel terme est juridiquement et politiquement imprécis et qu’il sape l’ampleur du massacre génocidaire commis à l’encontre du peuple palestinien par Israël », a dit la mission.
Israël est accusé d’avoir violé le droit humanitaire au cours de la guerre, ce qu’Israël dément avec force.
Au mois de décembre, l’Afrique du sud avait déposé une requête devant la Cour internationale de justice, à La Haye, accusant le pays de se livrer à un « génocide » contre la population palestinienne à Gaza. Des dizaines de pays ont depuis apporté leur soutien à cette initiative et un certain nombre de nations ont finalement rejoint la procédure pénale.
La Cour a émis plusieurs ordonnances préliminaires dans ce dossier et notamment, le mois dernier, une ordonnance ambigüe qui a été largement interprétée – mais pas par tous – comme une tentative d’empêcher Israël d’envahir Rafah, une ville du sud de la bande.
Certains spécialistes du droit – dont des juges de la Cour – ont estimé que l’ordonnance ne faisait qu’interdire des actions qui contreviendraient à la Convention sur le génocide et qu’elle n’affirmait pas qu’une opération à Gaza entraînerait nécessairement des actes qui violeraient la Convention.
La Cour pénale internationale, qui poursuit des individus, a également annoncé qu’elle pourrait émettre des mandats d’arrêt contre le Premier ministre Benjamin Netanyahu et contre le ministre de la Défense Yoav Gallant pour crimes contre l’Humanité, ainsi que contre les chefs du Hamas.
Israël et plusieurs de ses alliés ont condamné cette proposition de mandat d’arrêt, disant que le comportement d’Israël est conforme au droit international, que le pays possède les moyens et la volonté d’ouvrir des enquêtes sur de possibles violations et de sanctionner leurs auteurs, rejetant l’autorité du tribunal d’intervenir dans ce dossier.