Les otages rapatriés réclament la libération des autres captifs – mais à quel prix ?
Tandis que la majorité des familles fêtent le retour de leurs proches, certaines refusent le principe de nouveaux échanges, les qualifiant de "menace à la sécurité nationale"

Il y a une semaine, Yael Lotem était tellement inquiète au sujet de sa fille, Hagar, et de ses trois petits-enfants que même les actes les plus anodins attisaient son tourment.
« Je bois une tasse de café ici et pendant ce temps, est-ce qu’ils ont seulement de l’eau là-bas ? », raconte-t-elle samedi alors qu’elle se tient là, sur la Place des Otages de Tel Aviv, décrivant le schéma de pensée obsédant qui a été le sien au cours de longues semaines.
Lotem, 63 ans, est venue au rassemblement hebdomadaire qui a lieu aux abords du musée d’art de Tel Aviv depuis que les terroristes du Hamas se sont emparés de 240 otages lors de l’assaut meurtrier commis par le groupe terroriste dans le sud d’Israël, le 7 octobre.
Pour la toute première fois depuis le début du mouvement, samedi, il n’y a plus aucun otage retenu en captivité dans la famille de Lotem. Sa fille, Hagar, et les enfants de cette dernière ont été remis en liberté le 26 novembre et ils ont retrouvé leur époux et père Avichaï, survivant du kibboutz Kfar Aza où se trouve l’habitation du couple – une communauté où plus de 70 personnes ont été tuées.
« D’un côté, il y a ce sentiment de soulagement immense mais en même temps, il y a ce chagrin énorme face à ce que traversent encore les familles qui ont encore un parent à Gaza », ajoute Lotem, qui a quatre enfants et qui vit au kibboutz Gevulot, à proximité de Kfar Aza, lors d’un échange avec le Times of Israel.
Un grand nombre des milliers de participants font état de la même ambivalence – ponctuée par la fin d’une trêve temporaire d’une semaine qui a été l’occasion d’une série d’échanges. 105 otages, dont 81 Israéliens, ont été libérés de Gaza contre la remise en liberté de 210 prisonniers palestiniens incarcérés pour atteinte à la sécurité nationale en Israël.

« Je suis terrifiée. Mon frère est encore là-bas et sa vie est en jeu », s’exclame Merav Svirsky, dont le frère Itay serait détenu en otage dans la bande de Gaza et dont les parents, Orit et Rafi, ont été assassinés au kibboutz Beeri.
« Je n’ai pas le sentiment qu’ils aient fait tout leur possible avant de reprendre les combats. Chaque jour qui passe, la menace qui pèse sur sa vie même augmente », dit Svirsky, artiste et mère de deux enfants.
Environ 125 citoyens israéliens seraient encore retenus en otage à Gaza, et certains proches réclament un deuxième échange de prisonniers. Certains otages libérés se sont exprimés lors du rassemblement, apportant une note d’espoir et de l’apaisement à un grand nombre de personnes réunies sur la place.

Raz Ben-Ami, kidnappée au kibboutz Beeri, le 7 octobre, remercie le public dans un message filmé, chaleureusement applaudie lorsqu’elle déclare à l’assistance : « Merci de m’avoir donné la vie ».
Yelena Trufanova, autre otage libérée s’exprime, pour sa part, directement depuis la tribune, se tenant aux côtés de sa mère, Irena Tati. « Merci. Sans vous, je ne serais pas là. Nous devons faire revenir mon Sasha », dit-elle, émue, en évoquant Alexander, son fils, qui serait encore retenu en otage.
Yaffa Adar, grand-mère de huit petits-enfants, habitante du kibboutz Beeri, a été libérée le 24 novembre. C’est par vidéo qu’elle prend la parole lors du rassemblement : « Je suis la porte-parole de nombreuses mères et grands-mères qui le demandent : ‘Libérez les enfants maintenant’. C’est maintenant que je veux les voir, pas lorsque je serai dans un cercueil ».

Hadas Calderon, dont Sahar, la fille de 16 ans et Erez, le fils de 12 ans, ont été libérés le 27 novembre, parle du bonheur d’avoir ses enfants à ses côtés. « Je pourrai les embrasser ce soir », s’exclame-t-elle. Certains pleurent dans l’assistance.
Mais son époux Ofer est encore retenu en otage – et « nous ne l’abandonnerons jamais, comme nous n’abandonnerons jamais les autres otages », ajoute-t-elle.
Lors de ce regroupement, organisé par un groupe de familles, le Forum des familles des otages, « les otages qui sont revenus de Gaza ont eu un message clair à transmettre : ‘Le temps presse. Libérez-les tous et immédiatement’, » a écrit un porte-parole du Forum sur Facebook, samedi.

Gershon Elinson/Flash90)
Noam Tibon, général de réserve de Tsahal qui a sauvé son fils et la famille de ce dernier des terroristes au kibboutz Nahal Oz, explique lors du rassemblement que la guerre menée par Israël contre le Hamas sera considérée comme un échec si le reste des otages n’est pas libéré.
« Tous les autres objectifs sont secondaires », indique Tibon.
« Si nous ne ramenons pas tous les otages, nous ne gagnerons pas la guerre contre le Hamas. Et nous voulons gagner la guerre contre le Hamas », ajoute-t-il.

Le 7 octobre, Tibon s’est rendu dans le kibboutz assiégé par les hommes armés du Hamas en compagnie de plusieurs camarades. Il a arraché Amir et sa famille de leur habitation, et il a aidé à sauver plusieurs autres résidents de la communauté alors qu’il échangeait des coups de feu avec les terroristes.
Tibon exprime son espoir de voir une nouvelle trêve et de nouveaux échanges de prisonniers. « La pause d’une semaine dans les combats », précise-t-il, « montre que l’armée israélienne peut arrêter de se battre et recommencer et ce, au nom de l’intérêt du rapatriement de nos otages en Israël ».
Il ajoute que « nous devons faire tout ce qui est possible pour les ramener. Ce sont des vies humaines et il est impossible de donner un prix à la vie humaine ».

Mais certains parents d’otage sont en désaccord avec cette approche.
Le rassemblement « mine gravement la sécurité nationale », estime Zvika Mor, père de huit enfants, qui réside dans l’implantation de Kiryat Arba située à proximité étroite de Hébron, dans le sud de la Cisjordanie.
Eitan, son fils de 23 ans, a été enlevé le 7 octobre. Il était gardien de la sécurité lors de la rave-party qui était organisée aux abords du kibboutz Reim, le festival de musique électronique Supernova.
La libération de 210 prisonniers palestiniens qui étaient incarcérés au sein de l’État juif pour atteinte à la sécurité nationale et qui sont retournés chez eux, en Cisjordanie et à Jérusalem-Est, « sera à l’origine de la prochaine attaque terroriste massive contre Israël – très exactement comme certains des 1 207 terroristes palestiniens qui avaient recouvré la liberté contre Gilad Shalit, en 2011, ont finalement ourdi l’attaque que nous venons de connaître », estime Mor, se souvenant d’un échange de prisonniers antérieur qui avait été très critiqué, considéré comme déséquilibré et qui avait d’ailleurs permis à Yahyia Sinwar, le chef actuel du Hamas à Gaza et cerveau du 7 octobre, d’être relâché.
« Nous arrivons à cet accord avec la volonté de payer le prix qu’il faudra. Nous considérons cela comme du défaitisme », continue-t-il.

Il est membre de Tikvah, un groupe de familles d’otages retenus en captivité à Gaza qui s’est opposé à la récente série d’échanges et qui serait susceptible de s’opposer à un futur accord s’il devait reposer sur les mêmes termes, poursuit Mor.
« Cet accord n’a fait qu’élever encore le prix à payer pour les otages qui sont détenus là-bas », ajoute Mor.
Le maire de Kiryat Arba, Eliyahu Libman, dont le fils Elyakim serait otage et Ditzah Or, dont le fils Avinatan se trouverait également entre les mains du Hamas appartiennent aussi à l’organisation Tikvah.
Mor indique également qu’il s’est senti « rempli de bonheur pour tous ceux qui sont revenus de là-bas » et qu’il ne veut pas manquer de respect ou faire preuve de mauvaise volonté à l’égard des autres familles d’otages.

Les parents de Tikvah ne sont pas opposés au principe d’un échange avec le Hamas, déclare-t-il.
« A mes yeux, ‘accord’ n’est pas un mot sale. Je ne m’oppose pas à un accord par principe. Mais il faut que ce soit un accord où nous ayons la main haute », a dit Mor, qui s’est exprimé sur le sujet, samedi, devant environ 80 personnes dans la ville de Meitar, aux abords de Beer Sheva.
Ce sont des centaines de personnes qui ont écouté Libman défendre le même point de vue dans le quartier Ramat Aviv de Tel Aviv, samedi soir.
Alors que le rassemblement sur la Place des Otages s’achève, samedi, des dizaines de personnes s’en vont et elles commencent à défiler autour de la base militaire de la Kirya, le centre névralgique de l’establishment israélien de la Défense, qui est situé de l’autre côté de la rue.

Les marcheurs scandent : « Tous ! Maintenant ! » au rythme des percussions, demandant au cabinet de sécurité de rencontrer à nouveau les proches des otages.
Un grand nombre des manifestants sont vêtus en rose – une couleur qui est largement associée au mouvement de protestation qui a agité le pays, au début de l’année, et qui réunit les opposants au gouvernement de Netanyahu.
« Cette marche est consacrée aux otages, ce n’est pas une question politique », s’exclame Noam Malul. « Mais plein de gens issus du mouvement de protestation – moi y compris – avons très peu confiance dans ce gouvernement ».
« Nous restons donc très sceptiques et nous devons montrer au gouvernement quelle est la bonne voie à suivre », ajoute Malul.
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