Les paysages désertiques d’Israël rêvés par une artiste russo-israélienne
Avec « Arad » et ses grands formats à l’huile, Natalia Zourabova lève le voile sur son utopie, à la galerie Artport de Tel Aviv
Jessica Steinberg est responsable notre rubrique « Culture & Art de vivre »
L’artiste Natalia Zourabova vivait encore à Moscou lorsqu’elle a commencé à rêver des paysages désertiques d’Israël, de ses grandes étendues, de la chaleur et des couleurs de cette terre aride.
Ce sont précisément ces couleurs et tons du désert qui sont au coeur de la dernière série de peintures à l’huile de Zourabova, nommée « Arad », du nom de la petite ville à la frontière des déserts du Néguev et de Judée, actuellement exposée à Artport, le centre d’art contemporain de Tel Aviv.
Ces très grands formats, de la taille d’un mur, ne sont pas à proprement des représentations du désert, mais sont le reflet des sept années passées par Zourabova à Beer Sheva, capitale du sud d’Israël, où elle a vécu à son arrivée en Israël.
Les couleurs et contours de la ville d’Arad sont également bien présents dans ces oeuvres, car Zourabova y a passé quatre mois, en 2018, dans le cadre d’une résidence d’artiste.
« À Beer Sheva, les gens disaient d’Arad que la ville était plus agréable », explique Zourabova.
« J’ai commencé à penser à cette ville comme à une sorte de rêve, et quand j’y suis allée, j’ai réalisé qu’il y avait quelque chose d’intéressant dans cette utopie. »
Arad est présentée comme la première ville nouvelle d’Israël, conçue dans les années 1920 et établie en 1962 avec le statut de ville de développement.
Par chance, la population d’Arad a considérablement augmenté avec l’immigration des Juifs originaires d’ex-Union soviétique, et sa population est très diverse, ajoute Zourabova, avec des Juifs, des Bédouins et des Hébreux originaires d’Afrique, ainsi que de nouveaux immigrants.
« Son architecture se marie à merveille au désert et à toutes les personnes très différentes qui y vivent », assure Zourabova.
« Mais c’est un rêve urbain qui ne s’est pas réalisé. »
Zourabova n’a pas perdu son temps à Arad : gravures et œuvres sur papier l’ont aidée à garder une trace de tout ce qu’elle a vu dans cette ville du désert.
« Je savais que je devais faire quelque chose de ce rêve », confie Zourabova.
« C’était mon objectif et j’y suis arrivée. En vivant à Beer Sheva, ce n’était pas gagné. »
Arad reste finalement un rêve pour l’artiste, une utopie qui ne s’est pas réalisée parce que la ville dont elle a rêvé n’est pas la réalité.
Les six œuvres nées de sa vision d’Arad portent le nom de ces espoirs et de ces rêves.
« L’exposition évoque mon regard sur un rêve, une ville de ce pays », résume-t-elle.
Les toiles sont de très grands formats, bien plus imposants que les oeuvres habituelles de Zourabova. Ils rappellent ses oeuvres passées, lorsqu’elle concevait des décors pour le théâtre, à Moscou et à Berlin.
Après sept années passées dans ce domaine, elle s’est tournée vers l’art individuel à son arrivée en Israël.
Mais il y a de cela quelques années déjà, elle a commencé à retravailler des grands formats volontiers immersifs.
L’imagerie de ses oeuvres est commune à toutes les villes d’Israël, que ce soit le marché de fruits et légumes en plein air, le centre commercial ou les hôtels parfois délabrés que l’on peut trouver à Arad et ailleurs.
« J’aime toujours le sud », assure Zourabova, qui vit à Jaffa depuis dix ans.
« C’est l’idéal, l’idéal israélien incarné par [David] Ben Gurion », le premier Premier ministre d’Israël qui est parti s’installer dans le Néguev au moment de la retraite.
L’une de ses œuvres, une ode à la romance et à la campagne russes en hiver, a amené Zourabova à se replonger dans des dioramas imprimés en 3D, autre domaine qu’elle avait délaissé depuis ses années théâtre.
Elle en a d’abord conçu un pour cette œuvre russe, avant d’en faire un pour chaque toile, afin de donner à voir les lieux qui y sont représentés.
« J’ai été très heureuse de travailler là-dessus », confie Zourabova.
« Pour comprendre et interpréter ce que j’ai à l’esprit. »
« Arad » à Artport, 8 Rechov Hamal, Tel Aviv, jusqu’au 15 avril.