Israël en guerre - Jour 55

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Analyse

Les récentes actions de Trump, entre Kurdes, Syrie et Iran, inquiètent Israël

Un ancien ambassadeur d'Israël aux Etats-Unis dit qu'il ne pense plus qu'Israël peut "compter sur" l'intervention des Etats-Unis si une guerre grave éclatait

David Horovitz

David est le fondateur et le rédacteur en chef du Times of Israel. Il était auparavant rédacteur en chef du Jerusalem Post et du Jerusalem Report. Il est l’auteur de « Un peu trop près de Dieu : les frissons et la panique d’une vie en Israël » (2000) et « Nature morte avec les poseurs de bombes : Israël à l’ère du terrorisme » (2004).

Des ouvriers israéliens accrochent un grand panneau d'affichage avec des photos du président américain Donald Trump et du premier ministre israélien Benjamin Netanyahu, dans le cadre de la campagne électorale du Likud, à Jérusalem, le 4 septembre 2019. (Yonatan Sindel/Flash90)
Des ouvriers israéliens accrochent un grand panneau d'affichage avec des photos du président américain Donald Trump et du premier ministre israélien Benjamin Netanyahu, dans le cadre de la campagne électorale du Likud, à Jérusalem, le 4 septembre 2019. (Yonatan Sindel/Flash90)

Le retrait des troupes américaines de zones cruciales de la frontière syro-turque par le président américain Donald Trump, qui a été perçu comme un abandon des alliés kurdes par les Américains, a renforcé la résonnance d’une série d’avertissement « d’urgence » émis par les dirigeants israéliens dans les jours qui ont précédé le très solennel Yom Kippour.

Comme l’a déclaré mercredi soir l’analyste militaire de la Treizième chaine Or Heller, Israël craint que « l’isolationnisme de Trump » encouragera l’Iran à faire ce qu’il a fait sur les installations pétrolières saoudiennes le mois dernier : attaquer.

Lors de l’investiture de la Knesset mercredi dernier, le Premier ministre Benjamin Netanyahu a averti qu’Israël était exposé à un défi de taille face à un Iran plus assuré que jamais. « Ce n’est pas un stratagème, ce n’est pas un caprice, ce n’est pas ‘Netanyahu s’efforce de nous faire peur’ », a-t-il déclaré. « Tous ceux qui connaissent la situation savent que l’Iran gagne en force et commet des attaques dans le monde tout en disant clairement : ‘Israël disparaîtra’. Les Iraniens le pensent, ils travaillent pour y parvenir et nous devons les prendre au sérieux. Cette réalité nous oblige à passer à l’action. Souvenez-vous de mes paroles et tenez-en compte », a-t-il continué.

De façon plus subtile, mais dans la même veine, le président Reuven Rivlin a averti ce jour là qu’Israël avait déclaré qu’Israël fait face à des besoins sécuritaires « comme nous n’en avons pas eu depuis de nombreuses années ».

Et l’ancien ministre de la Défense de Netanyahu et désormais adversaire, Avigdor Liberman, a déclaré samedi que nous étions dans un état « d’urgence nationale » actuellement en Israël, notamment face « à des menaces sécuritaires du sud, du nord, et d’encore plus loin ».

Malgré l’insistance du Premier ministre qui affirme que « ce n’est pas un stratagème », les avertissements lancés par les policiens israéliens ont été initialement perçus comme une façon de se positionner sur le nouveau gouvernement israélien : Netanyahu n’arrive pas à s’offrir de majorité ; Liberman appelle à la formation d’une coalition réunissant son propre parti Yisrael Beytenu, le Likud de Netanyahu et Kakhol lavan de Benny Gantz et Rivlin a tenté de négocier une forme d’arrangement de partage de pouvoir.

Même quand Netanyahu a convoqué le cabinet de sécurité pour la première fois en deux mois dimanche, avec l’Iran en première position du programme, de nombreux politiciens de l’opposition et analystes ont, encore une fois, imputé à cette décision des motivations politiques.

Mais plus tard dans la journée, Trump a annoncé qu’il avait l’intention de retirer ses troupes. Et dès mercredi, les forces turques ont lancé une offensive contre les combattants kurdes au nord-est de la Syrie, qui ont longtemps été alliés des Etats-Uni dans la lutte contre l’Etat islamique.

Après la décision du président américain, de ne pas réagir à l’attaque combinée de drones et de missiles de croisière du 14 septembre sur les installations pétrolière d’Abqaiq, très largement attribuée à l’Iran, ni à d’autres attaques iraniennes contre des pétroliers et autres cibles saoudiennes, les politiques de Trump donnent l’impression, en Israël, de chercher à renforcer l’Iran et à affaiblir les alliés des Américains.

En termes de conséquences pratiques, le départ des troupes américaines facilite le contrôle croissant de l’Iran en Syrie et l’aidera à faciliter ses efforts inlassables pour établir un corridor de contrôle militaire de Téhéran à Beyrouth.

Une image publiée sur le site officiel d’Ali Khamenei le 25 septembre, montrant Khamenei, le chef suprême de l’Iran, à gauche, aux côtés du chef du Hezbollah, Hassan Nasrallah, au centre, et du commandant de la Force Qods du Corps des Gardiens de la révolution islamique Qassem Soleimani. (Crédit : Khamenei.ir)

Dans un discours diffusé lundi à la télévision iranienne, Qassem Soleimani, le commandant de la Force Al-Qods du Corps des Gardiens de la Révolution islamique, l’homme responsable de l’expansion des activités militaires du régime à l’international, a déclaré que l’Iran avait désormais créé une « continuité territoriale » en reliant l’Iran, l’Irak, la Syrie et le Liban. En dépit des efforts du « régime sioniste » et de ceux des Etats-Unis pour les stopper, il a affirmé que l’Iran « avait étendu sa résistance d’un territoire géographique de 2 000 kilomètres carré au sud du Liban à un territoire d’un demi-million de kilomètres carré ».

En termes de menace militaire renforcée dévoilée par l’attaque combinée de drones et de missiles de croisière contre les installations pétrolières saoudiennes, les chefs de l’armée israélienne ont admis que le succès évident de l’Iran à à pénétrer les défenses saoudiennes, et notamment le système de défense aérien Patriot qu’Israël utilise aussi, et ont analysé les capacités de l’Iran pour garantir qu’Israël ne soit pas vulnérable.

Selon la Douzième chaîne d’information, les responsables de la défense qui ont étudié les armes utilisées lors de l’attaque contre les installations saoudiennes ont conclu qu’une attaque similaire de l’Iran contre Israël, si elle se produisait, serait probablement lancée depuis l’ouest de l’Iraq où il existe une forte présence des milices appuyées par l’Iran.

L’analyste Heller a déclaré mercredi que la crainte en Israël est que l’attitude non-interventionniste du président américain après l’attaque d’Abqaiq « encouragera les Iraniens à agir contre Israël » de la même façon, « avec des missiles de croisière et des drones ». La Force Al-Qods de Soleimani a « un compte à régler avec Israël » à cause des frappes israéliennes contre des cibles iraniennes en Syrie et au Liban, a-t-il souligné.

Uzi Even, l’un des fondateurs de l’installation nucléaire israélienne de Dimona a écrit dimanche dans Haaretz que les travaux à Dimona devaient être interrompus à la lumière des démonstrations des capacités de l’Iran. « Les Iraniens, ou leurs alliés, ont montré qu’ils peuvent viser des cibles spécifiques avec une grande précision et depuis une distance de quelques centaines de kilomètres. Nous devons accepter le fait que nous sommes désormais vulnérables face à une telle attaque. »

Israël dispose de systèmes de défenses anti-missiles et autres capacités que les Saoudiens n’ont pas, et l’establishment de la défense est bien moins lugubre qu’Even. Un haut-gradé de l’unité du renseignement militaire de l’armée israélienne a déclaré à la Treizième chaîne lundi que les Iraniens « ont marqué un point, un vrai point » avec l’attaque d’Abqaiq mais a souligné que Téhéran ne parviendra « absolument » pas à lancer un assaut similaire sur Israël.

Le chef d’état-major de Tsahal Aviv Kohavi s’adresse aux soldats de la marine israélienne à l’arrière d’un navire dans le port de Haïfa lors d’un exercice surprise le 25 septembre 2019. (Armée israélienne)

Et pourtant, le chef d’état-major Aviv Kohavi a averti lundi qu’Israël réagira avec « force ». « Nous gardons les yeux ouverts, nous faisons des évaluations quotidiennes de la situation et nous prenons des décisions professionnelles qui débouchent sur des attaques et des actions visant à déjouer les menaces. »

Finalement, en termes de fiabilité, ou autrement dit, quand Israël aura besoin de l’administration Trump, les dernières politiques du président – notamment concernant la présumée alliance entre les Etats-Unis et les Kurdes – en a consterné plus d’un dans les cercles israéliens. Netanyahu s’est rapproché de Trump, a salué leur amitié au risque de se mettre à dos les opposants démocrates du président, et a été récompensé par la reconnaissance de Jérusalem-Est comme capitale israélienne en 2017, et la reconnaissance de la souveraineté israélienne sur le plateau du Golan en mars dernier.

Dans une chronique publiée dans le quotidien israélien Yedioth Ahronoth, le quotidien en hébreu le plus vendu d’Israël, à la veille de Yom Kippour, Shimon Shiffer, correspondant diplomatique chevronné, a averti que la décision de Trump sur le retrait syrien et son « abandon des alliés kurdes, qui croyaient que les Etats-Unis les soutiendraient… devait déclencher nos sonnettes d’alarme ». Et la conclusion pour Israël, a accusé Shiffer, « doit être sans équivoque : Trump est devenu peu fiable pour Israël. On ne peut plus lui faire confiance. »

Shiffer, dont la rubrique était intitulée « Un couteau dans le dos », a noté que le président n’avait même pas informé Israël à l’avance de ses plans de retrait syrien. Il a également fait remarquer avec insistance, compte tenu du moment de sa chronique, que le transport aérien stratégique américain d’armes et de fournitures pendant la guerre de Kippour en 1973, alors qu’Israël faisait face à la défaite, n’était rien de moins que décisif.

En termes moins chargés mais non moins significatifs, l’ancien ambassadeur israélien aux Etats-Unis, Michael Oren, jusqu’à récemment vice-ministre du gouvernement de Netanyahu, a déclaré mardi au New York Times qu’il ne savait plus si Israël pouvait compter sur les Etats-Unis, sous Trump, pour lui venir en aide en cas de conflit aigu. Oren, qui a servi à Washington de 2009 à 2013, a rappelé que lors de la dernière rencontre de Barack Obama avec Netanyahu – qui avait une relation pleine de frictions, surtout sur l’accord nucléaire iranien de 2015 – le président a assuré au Premier ministre que si Israël était un jour impliqué dans une grave guerre, bien sûr les Etats-Unis interviendraient car c’était ce que le peuple américain attendait ». Oren a poursuivi : « Je ne pense pas qu’Israël puisse compter là-dessus aujourd’hui… Je ne sais pas trop maintenant. »

Pour l’instant, a souligné Heller de la Treizième chaîne, la coordination militaire israélo-américaine est inchangée. Le mois prochain, en effet, l’armée de l’air israélienne sera l’hôte d’un exercice conjoint Blue Flag avec l’US Air Force dans le sud d’Israël.

Mardi, peu avant le début de Yom Kippour, Trump a adressé un message présidentiel au peuple juif, disant que « Melania et moi prions pour qu’Il vous scelle dans le Livre de la Vie pour la nouvelle année ».

Les paroles du président ont été chaleureusement accueillies dans l’État juif. Il a dit aussi de très belles choses sur les Kurdes, le même jour : « Nous n’avons en aucun cas abandonné les Kurdes, qui sont des gens formidables et des combattants exceptionnels », a-t-il dit sur Twitter.

Mais les agissements du président suscitent de plus en plus d’inquiétude.

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