Rivlin recommande vivement aux députés d’abandonner les politiques polarisantes
Lors de la deuxième prestation de serment des députés de l'année, le président et le chef de la Knesset ont poussé les dirigeants des partis à mettre de côté leurs différences

Les législateurs ont prêté serment, jeudi après-midi, pour la 22e Knesset à l’occasion d’une cérémonie officielle à Jérusalem. Il leur a été vivement recommandé de trouver un moyen permettant de mettre en place un gouvernement d’unité, sous peine de devoir répondre de la colère de l’électorat.
Cette cérémonie de prestation de serment est la deuxième en l’espace de cinq mois. Et pourtant, la perspective d’une 22e Knesset éphémère est, elle aussi, bien réelle.
Ouvrant l’événement, le président Reuven Rivlin a vivement recommandé aux députés de mettre leurs désaccords de côté et de trouver un terrain d’entente commun dans l’intérêt des Israéliens.
« Former un gouvernement n’est pas seulement le souhait exprimé par le peuple. Plus que jamais, dans des moments comme ceux que nous traversons, c’est une nécessité économique et sécuritaire et telle que nous ne l’avons pas connu depuis des années », a-t-il déclaré.
Il a demandé avec ferveur aux députés de former un gouvernement large qui « nous permettra de mettre de côté les désaccords qui subsistent entre nous et d’œuvrer à trouver des terrains d’entente. De travailler pour le peuple d’Israël, son économie, sa sécurité ».

« Les yeux de la nation sont posés sur vous – petits partis et formations plus importantes. Les élections sont la télé-réalité la plus onéreuse connue – elles coûtent 1,7 milliards de shekels. Vous devez vous souvenir qu’à chaque saison, l’audience est appelée à baisser tandis que les résultats restent les mêmes ».
Le Premier ministre Benjamin Netanyahu, chargé par Rivlin, la semaine dernière, de former un gouvernement, a jusqu’à présent échoué à rassembler suffisamment de soutiens et les pourparlers d’unité avec son rival, Benny Gantz, sont dans l’impasse – ce qui laisse présager d’un éventuel troisième scrutin.

Rivlin, qui a tenu un rôle actif dans les tentatives d’établissement d’un gouvernement d’unité, a indiqué qu’il s’était retrouvé dans une position d’influence unique.
« Il y a des moments singuliers dans la vie d’un homme. Le président peut se retrouver dans l’obligation, inhérente à son statut d’homme d’Etat, d’intervenir, d’agir pour stabiliser et réorienter un système qui lutte pour revenir sur la bonne trajectoire », a-t-il dit.
Les dernières élections, qui ont été un « insigne d’honneur » pour les citoyens israéliens ont été également un « carton rouge donné par les citoyens israéliens à leurs responsables élus », a-t-il continué, se référant au mode de sanction appliqué aux joueurs de football en cas de mauvaise conduite.
Elles ont été « un carton rouge pour le populisme, pour un système politique qui se nourrit de l’exaltation des différences entre nous tous et qui considère toutes nos peurs les uns des autres comme un champ d’exploitation », a-t-il clamé.
Dans les jours qui ont suivi les élections, Rivlin a suggéré la mise en place d’un gouvernement d’unité dans lequel le pouvoir serait partagé à égalité et où Netanyahu et Gantz assumeraient tous deux la fonction de Premier ministre pendant deux ans.
Rivlin a laissé entendre, sans pour autant le spécifier clairement, que Netanyahu prendrait un congé à durée indéterminée s’il était inculpé dans une ou plusieurs enquêtes de corruption dans lesquelles il est incriminé.
Sous les termes de cet accord conçu par Rivlin, Gantz, en tant que « Premier ministre par intérim », dans un tel scénario, jouirait de toutes les prérogatives accordées à un Premier ministre.
Mais les deux parties se sont trouvées dans l’incapacité de s’accorder sur celui qui serait Premier ministre en premier dans un tel arrangement et Kakhol lavan a fait savoir qu’il n’accepterait pas d’intégrer un gouvernement dirigé par Netanyahu tant qu’il serait impliqué dans des procédures judiciaires.
Le pacte conclu par Netanyahu et les partis de droite et ultra-orthodoxes – par lequel il s’est engagé à négocier sous la forme d’un seul bloc – a également été un obstacle majeur pour Kakhol lavan qui s’efforce de former une coalition centriste et plutôt laïque.

S’exprimant après Rivlin, le président de la Knesset du Likud, Yuli Edelstein, a établi un parallèle entre la polarisation actuelle du discours politique et les clivages historiques internes au sein du peuple juif qui ont aidé à renverser ses anciens royaumes.
« La tentative d’établir en Israël un Etat juif souverain a échoué par deux fois », a-t-il clamé. « A ces deux occasions, le futur avait été prometteur et à ces deux occasions, l’échec a été rempli d’amertume. »
« C’est notre troisième tentative… Cette réussite dépend de nous et de nous seuls : de notre capacité à vivre unis dans notre espoir pour un avenir ensemble, dans notre certitude que malgré tous les désaccords – nous ne sommes pas des tribus séparés mais bien un seul corps ».
Il a également vivement recommandé la conclusion d’un accord qui fédérerait plutôt que diviserait et il a appelé toutes les parties à ne négliger aucune des communautés du pays.

Il a expliqué que « le peuple d’Israël ne nous pardonnera pas si nous devions tomber dans l’abîme d’une troisième campagne électorale… Nous devrons tous en assumer la responsabilité ».
Tandis que la majorité des législateurs a prêté serment au cours de la cérémonie, cette dernière a été boycottée par les membres de la Liste arabe unie dans le cadre d’une grève générale, au sein de la communauté arabe, qui a été décidée en raison du manque de maintien de l’ordre dans cette fraction de la population.
Lors de sa prestation de serment, c’est Matan Kahana de la faction Yamina qui est devenu le 1000e membre de la Knesset de toute l’histoire d’Israël.
En raison de la proximité du scrutin de septembre avec celui du mois d’avril, seuls huit parlementaires n’ont jamais servi dans le passé – un chiffre record.

La cérémonie s’est achevée avec l’hymne israélien, « Hatikva ». Les leaders de partis se sont ensuite rendus dans la salle Chagall pour la photo traditionnelle des chefs de faction et pour un cocktail organisé pour les nouveaux députés.
Plus tôt dans la journée, le numéro deux de Kakhol lavan, Yair Lapid, a annoncé qu’il renoncerait à son accord de rotation avec le leader du parti Benny Gantz si cela devait être une condition préalable à la mise en place d’un gouvernement d’unité avec le Likud.
Le parti du Likud a accusé Lapid d’empêcher tout progrès dans les pourparlers d’unité avec Kakhol lavan en raison d’un manque de volonté ostensible d’abandonner le principe de rotation au poste de Premier ministre avec Gantz.
Le Likud de Netanyahu a annoncé qu’il pourrait organiser des primaires pour sa direction, amenant son rival, Gideon Saar, à déclarer qu’il était « prêt » à se présenter à la tête de la formation.

Lapid fait l’objet d’une hostilité particulière de la part des deux partis ultra-orthodoxes du Shas et de Yahadout HaTorah, dont les leaders ont fréquemment déclaré que la perspective de le voir accéder au poste de Premier ministre était un élément rédhibitoire pour l’établissement d’un partenariat de coalition avec Kakhol lavan. Gantz est considéré comme moins hostile aux intérêts prônés par les ultra-orthodoxes mais il a fait part de sa préférence pour une coalition qui n’inclurait pas les formations religieuses.
Avigdor Liberman, qui prône une coalition entre le Likud et Kakhol lavan en collaboration avec son propre parti Yisrael Beytenu, a salué la décision prise par Lapid de renoncer à être Premier ministre, évoquant un « pas important et noble ».
Liberman a rencontré Netanyahu jeudi dans la matinée pour des pourparlers d’unité qui n’ont permis aucune avancée, puis il s’est entretenu à la Knesset avec Lapid en face à face.
Malgré ses déboires judiciaires, Netanyahu a été chargé par Rivlin, la semaine dernière, de tenter de former un gouvernement sur la base du poids de son pacte conclu avec les formations de droite et ultra-orthodoxes, avec un délai de 28 jours pour mener à bien sa mission.
Gantz est à la tête d’un bloc de 54 législateurs issus des formations du centre, de gauche et arabes mais les 10 députés arabes de ce groupe ont fait savoir qu’ils ne rejoindraient pas une éventuelle coalition.
La mise en place d’une majorité forte de 61 sièges, à la Knesset, reste problématique pour les deux candidats.

Le Likud et Kakhol lavan se sont mutuellement accusés d’intransigeance dans les pourparlers de coalition, clamant que l’autre partie envoyait le pays à de troisièmes élections en un an – pour la première fois de l’histoire du pays.
Si rien ne change dans les positionnements de la formation Netanyahu devrait dire à Rivlin qu’il a été dans l’incapacité de former une majorité gouvernementale. Ce qui amènera probablement Gantz à, lui aussi, tenter sa chance.