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Les résidents d’implantations misent sur Trump pour un contrôle total de la Cisjordanie

Selon l'élu Ohad Tal, les militants travaillent déjà à créer des "faits irréversibles" sur le terrain ; un responsable d'ONG : "Ils ne disent pas qu'ils annexent - ils le font"

L'implantation de Shiloh en arrière-plan, en Cisjordanie, sur une photo prise dans le village de Turmus Ayya près de Ramallah le 18 février 2024. (Crédit : Jaafar Ashtiyeh/AFP)
L'implantation de Shiloh en arrière-plan, en Cisjordanie, sur une photo prise dans le village de Turmus Ayya près de Ramallah le 18 février 2024. (Crédit : Jaafar Ashtiyeh/AFP)

Après une expansion record des implantations israéliennes, certains défenseurs du mouvement pro-implantations en Cisjordanie attendent de Donald Trump qu’il réalise leur rêve d’imposer leur souveraineté sur la région considérée par les Palestiniens comme le cœur d’un futur État.

La Cisjordanie a été transformée par la croissance rapide des implantations juives depuis le retour du Premier ministre Benjamin Netanyahu à la tête d’une coalition nationaliste il y a deux ans. Au cours de cette période, une explosion de la violence des résidents d’implantations a également entraîné des sanctions de la part des États-Unis, entre autres.

Ces dernières semaines, des drapeaux israéliens sont apparus sur des collines revendiquées par certains résidents d’implantations dans la vallée du Jourdain en Cisjordanie, renforçant les inquiétudes de nombreux Palestiniens locaux qui craignent un contrôle accru de ces zones. Certains résidents d’implantations avaient prié pour la victoire de Trump.

« Nous avons de grands espoirs. Nous sommes même optimistes dans une certaine mesure », a déclaré Yisrael Medad, un militant et écrivain qui soutient l’annexion de la Cisjordanie par Israël, en parlant à Reuters de la victoire de Trump depuis la maison qu’il habite depuis plus de quarante ans dans l’implantation de Shiloh, en Cisjordanie.

Les résidents d’implantations ont célébré la nomination par Trump d’un groupe de fonctionnaires connus pour leurs opinions pro-Israël, parmi lesquels son futur ambassadeur, Mike Huckabee, un chrétien évangélique qui a déclaré que la Cisjordanie n’était pas sous occupation et qui préfère le terme de « communautés » à celui « d’implantations ».

Au cours du mois dernier, des ministres du gouvernement israélien et les défenseurs du mouvement pro-implantations qui ont cultivé des liens avec la droite chrétienne américaine ont de plus en plus insisté sur l’idée, autrefois marginale, du « rétablissement de la souveraineté » sur la Cisjordanie – c’est-à-dire de l’annexion – dans des commentaires publics. Le gouvernement Netanyahu n’a pas annoncé de décision officielle à ce sujet. Un porte-parole du bureau du Premier ministre a refusé de commenter cette affaire.

L’ancien président américain Donald Trump recevant le Premier ministre Benjamin Netanyahu dans son complexe de Mar-a-Lago, en Floride, le 26 juillet 2024. (Crédit : Amos Ben Gershom/GPO)

Il n’est pas du tout certain que Trump soutiendra une démarche qui mettrait en péril l’ambition stratégique de Washington d’un accord plus large dans le cadre des Accords d’Abraham visant à normaliser les liens d’Israël avec l’Arabie saoudite, qui, comme la plupart des pays du monde, rejette la souveraineté israélienne en Cisjordanie.

Au moins deux responsables de l’administration précédente de Trump ont averti des ministres israéliens de haut rang de ne pas partir du principe que le président nouvellement élu soutiendra nécessairement l’annexion de la Cisjordanie par Israël au cours de son second mandat, ont déclaré au Times of Israel trois sources au fait de ces conversations au début du mois.

« Le désir de Trump d’étendre les Accords d’Abraham sera une priorité absolue », a déclaré Dennis Ross, un ancien négociateur au Moyen-Orient pour les administrations démocrate et républicaine, en se basant sur sa propre évaluation des considérations de politique étrangère de Trump.

« Il n’y a aucune chance que les Saoudiens envisagent sérieusement d’y adhérer si Israël annexe officiellement la Cisjordanie », a-t-il ajouté.

L’annexion enterrerait les espoirs d’une solution à deux États qui créerait une Palestine indépendante et compliquerait également les efforts visant à résoudre plus d’une année de guerre contre le groupe terroriste palestinien du Hamas à Gaza, qui s’est étendue au Liban voisin en raison des attaques du groupe terroriste chiite libanais du Hezbollah contre Israël.

Au cours de son premier mandat, Trump a transféré l’ambassade des États-Unis en Israël à Jérusalem et a mis fin à la position de longue date de Washington selon laquelle les implantations sont illégales. Mais en 2020, son projet de création d’un État palestinien le long des frontières existantes a fait échouer les efforts de Netanyahu en faveur de la souveraineté israélienne sur la région.

Le président, qui vient d’être réélu, n’a pas révélé ses projets pour la région. La porte-parole de la transition Trump, Karoline Leavitt, n’a pas répondu aux questions sur la politique, se contentant de dire qu’il « rétablirait la paix par la force dans le monde ».

Néanmoins, le ministre israélien des Finances, Bezalel Smotrich, l’un des ministres les plus favorables au mouvement pro-implantations au sein du gouvernement, a déclaré la semaine dernière qu’il espérait qu’Israël pourrait annexer la Cisjordanie dès l’année prochaine avec le soutien de l’administration Trump.

Le président du Conseil de Yesha, Israel Ganz, célébrant la victoire de Donald Trump à l’élection présidentielle américaine en lançant une nouvelle bouteille de vin étiquetée « Trump », à la cave de Psagot en Cisjordanie, le 6 novembre 2024. (Crédit : Psagot)

Israel Ganz, le chef du Conseil de Yesha, l’organisation-cadre qui représente les autorités municipales des implantations en Cisjordanie, a déclaré dans une interview qu’il espérait que l’administration Trump « laisserait » le gouvernement israélien aller de l’avant.

Avant l’élection du 5 novembre, Ganz a dirigé une séance de prière pour la victoire de Trump dans les ruines d’une ancienne basilique byzantine à Shiloh.

« Nous avons prié pour que Dieu nous conduise vers des jours meilleurs pour le peuple des États-Unis d’Amérique et pour Israël », a-t-il déclaré. Shiloh a été une étape populaire pour les politiciens américains en visite, et notamment Huckabee et Pete Hegseth, le candidat de Trump au poste de secrétaire à la Défense.

La semaine dernière, Huckabee a déclaré à la Septième chaîne, un média aligné sur le parti de Smotrich, HaTzionout HaDatit, que toute décision sur l’annexion serait du ressort du gouvernement israélien. Huckabee n’a pas répondu à une demande de commentaire.

Mike Huckabee lors d’un événement de campagne au Drexelbrook Catering & Event Center, à Drexel Hill, en Pennsylvanie, le 29 octobre 2024. (Crédit : Julia Demaree Nikhinson/AP)

Un haut responsable de l’Organisation de libération de la Palestine (OLP), Wasel Abu Yousef, a déclaré qu’une telle action du gouvernement israélien « ne changera pas la vérité selon laquelle il s’agit d’une terre palestinienne ».

Encerclé

Avec l’implantation voisine d’Eli, Shiloh se trouve près du centre de la Cisjordanie, à une heure de Jérusalem, le long de la Route 60, une autoroute lisse qui contraste fortement avec les routes parsemées de nids-de-poule qui relient les villes palestiniennes de la région.

Bashar al-Qaryouti, un militant palestinien du village voisin de Qaryut, a déclaré que l’expansion de Shiloh et d’Eli avait laissé les villages palestiniens du centre de la Cisjordanie encerclés.

Qaryouti a décrit une augmentation du nombre de résidents d’implantations construisant sans attendre les documents officiels du gouvernement israélien, une tendance également constatée par La Paix Maintenant, un groupe de militants israéliens qui suit de près les questions liées aux implantations.

Des manifestants palestiniens s’éloignant des gaz lacrymogènes israéliens alors qu’ils protestent contre les tentatives des résidents d’implantations israéliens d’Eli de prendre le contrôle d’une source d’eau, dans le village de Qaryut, au sud de Naplouse, en Cisjordanie, le 24 juin 2022. (Crédit : Jaafar Ashtiyeh/AFP)

« Cela se passe sur le terrain », a déclaré Qaryouti à Reuters par téléphone. « Des zones du centre de la Cisjordanie sont désormais sous le contrôle des résidents d’implantations. »

La Cisjordanie, que beaucoup d’Israéliens appellent Judée et Samarie d’après les anciens termes bibliques désignant la région, est une région en forme de rein d’environ 100 km de long et 50 km de large qui est au cœur du conflit israélo-arabe depuis qu’Israël fut contraint de contre-attaquer rapidement lors de la Guerre des Six Jours en juin 1967, et repris la Cisjordanie, alors occupée par la Jordanie.

La plupart des pays considèrent la zone comme un « territoire occupé » et jugent les implantations illégales au regard du droit international, position confirmée en juillet par la plus haute juridiction des Nations unies. Israël soutient que la zone est contestée, disputée.

Selon les estimations de l’ONU, environ 750 000 Palestiniens auraient été déplacés lors de la création d’Israël en 1948. La Cisjordanie est revendiquée par les Palestiniens comme le noyau d’un futur État indépendant, avec l’enclave méditerranéenne de Gaza, située au sud de l’État hébreu.

Mais l’expansion des implantations, qui se sont multipliées en Cisjordanie depuis les accords de paix intérimaires d’Oslo il y a 30 ans, a transformé la région.

Vénéré comme le site du tabernacle installé par les anciens Israélites après leur retour d’exil en Égypte et conservé à cet endroit pendant 300 ans, Shiloh a été créé dans les années 1970 et a des allures de communauté privée, avec ses rues tranquilles et ses maisons pavillonnaires soignées. En 2022, elle comptait environ 5 000 habitants.

Pour les partisans des implantations, ce lien historique est ce qui leur donne le droit d’être là, quoi qu’en dise le droit international.

« Même si les Byzantins, les Romains, les Mamelouks et les Ottomans l’ont gouverné, c’était notre terre », affirme Yisrael Medad.

Yisrael Medad, 77 ans, né à New York et résidant dans l’implantation de Shiloh en Cisjordanie, lors d’une interview accordée depuis son domicile, le 30 octobre 2024. (Crédit : Sharon Aronowicz/AFP)

Les défenseurs des implantations rejettent donc le terme « annexion », qui, selon eux, suggère la prise d’un territoire étranger.

La construction d’implantations en Cisjordanie a atteint un niveau record en 2023. Depuis le début de la guerre à Gaza en octobre 2023, une vague de nouvelles routes et de travaux de terrassement a visiblement modifié l’aspect des collines de la région.

Les critiques de l’administration de Joe Biden n’y ont rien fait.

Dans le même temps, les violences commises par des résidents d’implantations radicaux à l’encontre des Palestiniens en Cisjordanie se sont multipliées, y compris autour de Shiloh, suscitant une condamnation internationale et des sanctions américaines et européennes, pas plus tard que cette semaine, à l’encontre d’individus considérés comme ayant joué un rôle prépondérant.

Des véhicules brûlés sur le site d’une attaque signalée par des Israéliens dans la ville d’Al-Bireh, en Cisjordanie, le 4 novembre 2024. (Crédit : Zain Jaafar/AFP)

Les dirigeants des résidents d’implantations, dont Ganz, affirment que la violence n’a pas sa place dans leur mouvement. Le mouvement pro-implantations affirme qu’il assure la sécurité du reste d’Israël par sa présence dans les zones proches des villes palestiniennes, supportant le poids des attaques terroristes qui, selon lui, viseraient le cœur du pays s’il n’était pas là.

« Un fait irréversible »

Une série de mesures ont été prises pour consolider la position d’Israël en Cisjordanie depuis que le gouvernement actuel de Netanyahu est arrivé au pouvoir avec un accord de coalition stipulant que « le peuple juif a un droit naturel sur la Terre d’Israël ».

« Nous changeons beaucoup de choses sur le terrain pour faire en sorte qu’Israël soit aussi en Judée et en Samarie », a déclaré le député Ohad Tal (HaTzionout HaDatit), président de la faction parlementaire de Smotrich, depuis son bureau de la Knesset, une casquette rouge « Trump MAGA » visible sur une étagère voisine.

Le ministre des Finances Bezalel Smotrich assistant à une réunion de la commission des Finances de la Knesset, à Jérusalem, le 16 septembre 2024. (Crédit : Yonatan Sindel/Flash90)

Tout un mécanisme a été mis en place « pour appliquer efficacement la souveraineté en Judée et en Samarie, pour faire en sorte que la présence juive y soit irréversible et qu’elle y reste. »

De nombreuses fonctions relatives aux implantations, auparavant gérées par l’armée israélienne, ont été confiées à l’Administration civile, un organisme qui dépend directement de Smotrich, lequel est également chargé des Affaires civiles en Cisjordanie dans le cadre de son portefeuille au ministère de la Défense.

En 2024, près de 2 400 hectares ont été déclarés terres domaniales israéliennes, une classification qui facilite l’établissement d’implantations. Il s’agit de la plus forte croissance annuelle jamais enregistrée et elle représente la moitié de toutes les zones déclarées terres domaniales au cours des trente dernières années, a déclaré La Paix Maintenant dans un rapport publié en octobre.

Au moins 43 nouveaux avant-postes illégaux ont été créés au cours de l’année écoulée, contre une moyenne de moins de 7 par an depuis 1996, selon une autre analyse de La Paix Maintenant.

L’avant-poste de Givat Harel, près de l’implantation de Shiloh, en Cisjordanie, au nord de Ramallah, sur une photo aérienne prise le 3 février 2023. (Crédit : Menahem Kahana/AFP)

Les avant-postes, qui sont souvent des satellites d’implantations existantes situés au sommet de collines voisines et qui permettent à l’implantation d’origine de s’étendre, ont été desservis par des kilomètres de nouvelles routes et d’autres infrastructures. Souvent construits illégalement selon la loi israélienne, le Conseil de Yesha a déclaré que près de 70 d’entre eux ont bénéficié d’une aide gouvernementale cette année.

« C’est astucieux parce que c’est ennuyeux », a déclaré Ziv Stahl, directeur de Yesh Din, un autre groupe israélien qui suit l’évolution des implantations.

« Ils ne sont pas en train de légiférer en disant ‘nous annexons la Cisjordanie’, ils le font. »

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