L’ex-otage Almog Meir Jan évoque les relations tissées avec d’autres otages à Gaza
Lors d'une interview, le jeune homme kidnappé à la rave Nova a raconté comment ses compagnons de captivité et lui s'étaient soutenus pour ne pas devenir fous, huit mois durant
L’ex-otage Almog Meir Jan a évoqué le soutien émotionnel et mental que ses compagnons de captivité et lui se sont prodigué lors de leur détention dans la bande de Gaza, notamment en se rappelant quotidiennement les choses dont ils étaient heureux.
Meir Jan, qui est âgé de 21 ans, a passé huit mois en captivité aux mains du Hamas, entre le moment de son enlèvement par le groupe terroriste à la rave Nova, le 7 octobre, jusqu’à celui de son sauvetage par les troupes israéliennes, le 8 juin, dans un appartement du centre de Gaza.
Il a été séquestré aux côtés de Shlomi Ziv, 41 ans, et Andrey Kozlov, 27 ans, eux aussi kidnappés lors de la rave Nova. Kozlov était venu danser et Ziv faisait partie de l’équipe de sécurité de la fête.
Noa Argamani, elle âgée de 26 ans, a été détenue à proximité et libérée lors la même opération, mais ils ne se sont pas croisés lors de leur captivité.
Les trois hommes se sont mutuellement aidés tout au long de l’épreuve, a déclaré Meir Jan, en ayant de longues conversations, chaque jour, sur les détails de la vie quotidienne, histoire de passer le temps.
Dans une interview d’une heure donnée à la Douzième chaîne israélienne, ce week-end, Meir Jan a expliqué qu’il leur parlait de ses rêves chaque matin, et a précisé qu’il ne rêvait plus depuis son retour de Gaza.
« Chaque nuit, je me souvenais d’au moins trois rêves ; c’était un peu ma routine matinale. Je me réveillais et je racontais à Shlomi ce dont j’avais rêvé la nuit précédente. Pendant au moins une heure, je lui racontais mes rêves », a expliqué Meir Jan.
Il a également évoqué une chose que les hommes faisaient chaque matin, qui consistait à dire les dix choses dont ils étaient reconnaissants. Il dit de cet exercice : « Il m’a véritablement aidé à ne pas devenir fou. »
« Au début, c’est facile : ‘Je suis content d’avoir une famille et d’être en bonne santé.’ Et au bout de 70 jours, vous vous dites : ‘Je suis content d’avoir des chaussettes ou je suis content d’avoir un coupe-ongles.’ »
L’ex-otage libéré s’est remémoré les circonstances de son enlèvement lors de la rave Nova, le 7 octobre, lorsque les terroristes du Hamas se sont déchaînés dans le sud d’Israël en tuant 1 200 personnes et en faisant 251 otages.
« Ils se tenaient de chaque côté, et si vous tentiez de passer, ils vous frappaient d’ici, de là », a expliqué Meir Jan. « À ce moment précis, vous n’êtes rien de plus qu’une poupée de chiffon. » Il s’est souvenu d’avoir été frappé avec la crosse d’une arme à feu, et d’avoir eu les mains et les pieds ligotés, et les yeux bandés.
Les deux premiers mois, on l’a changé six fois d’endroit, a-t-il dit, jusqu’à ce qu’il atterrisse dans cet appartement de Nuseirat d’où il a été libéré.
Dès le début, il s’est trouvé avec Ziv et Kozlov – mais les trois premiers jours, il ne savait pas à quoi ils ressemblaient car ils avaient tous les yeux bandés et personne ne parlait.
Les deux premiers mois et demi, Meir Jan dit avoir eu les mains et les pieds menottés.
Les ravisseurs des hommes, a expliqué Meir Jan, se faisaient tous appeler « Mohammed », refusant de leur donner leur vrai nom.
Pour faire la distinction entre les « Mohammed », les otages les désignaient entre eux en utilisant des surnoms – « Le grand Mohammed », « Mohammed le chauve » et – pour Abdallah Aljamal, le journaliste palestinien chez lequel ils étaient séquestrés – « Mohammed aux grosses joues ».
« Ces noms étaient tout indiqués », a expliqué Meir Jan.
De tous les gardes du Hamas, Aljamal était le plus cruel, s’est confié Meir Jan. « Il était tout sourire, et d’un coup, il se mettait à hurler. Nous étions morts de peur à l’idée qu’il soit dans un de ses mauvais jours, et qu’à la moindre occasion, il nous punisse. »
Meir Jan s’est rappelé certaines de ces punitions : « Il prenait un bâton, nous attachait au bâton, mettait un stylo dans ta bouche et te bâillonait, sans le droit de parler ou de nous appuyer sur quoi que ce soit. » Cela pouvait durer « un jour la première fois, deux jours la deuxième, une semaine la troisième ».
« La plupart du temps, nous pouvions parler », se souvient Meir Jan, mais une fois, « Shlomi, Andreï et moi parlions depuis une bonne heure lorsque [Aljamal a dit] : « Quoi, pourquoi parlez-vous ? Je vous ai dit de vous taire ! Yalla, sur votre matelas, privés de toilettes, de tout. »
« Il ne nous appréciait pas, mais il était encore plus désagréable avec Andreï », a expliqué Meir Jan.
« Je suis avec toi, mon frère », disait alors Meir Jan à Kozlov. « Parfois, on n’avait pas besoin d’autre chose, là-bas. On avait juste besoin que quelqu’un nous dise : ‘Tu as raison, tu vas bien, tu n’es pas fou, tu n’es pas sale, tu ne sens pas mauvais, tu vas bien’ – mais il faut surtout être malin. Il est plus important d’être malin que d’avoir raison. »
Ce mantra « nous a accompagnés tout au long de cette épreuve », s’est confié Meir Jan.
Malgré tout, il est arrivé que Meir Jan ne parvienne pas à se retenir, et qu’il reproche à son ravisseur les horreurs commises par le Hamas le 7 octobre, en lui disant : « Tu n’as pas raison, tu as tué des enfants. »
« Durant toute une semaine, nous n’avons pas été autorisés à parler, bouger du lit ou nous lever », en guise de punition, a-t-il poursuivi.
Meir Jan a expliqué que ses gardes menaçaient de l’envoyer dans les tunnels du Hamas s’il ne se comportait pas bien.
« Ils nous disaient que la vie là-bas était effroyable, qu’on ne voyait jamais la lumière du jour. » Il a failli aller dans les tunnels, a-t-il dit.
Meir Jan se souvient que « lorsque le Ramadan a commencé », il s’est fait un calendrier avec 80 carrés et a commencé à en rayer un chaque jour, se disant qu’au 80e jour, il ne serait plus à Gaza. On les a secourus le 76e jour, a-t-il dit.
L’ex-otage a déclaré avoir vécu des moments difficiles à son retour, quelques heures seulement après la mort de son père.
La mère de Meir Jan a expliqué que la famille avait appris la mort du père – le couple s’était séparé il y a de cela longtemps – lorsque les militaires ont tenté de l’informer de la libération de son fils et qu’il n’a pas pris l’appel.
« Etais-je supposé être triste ou heureux ? », se souvient-il avoir pensé après le sauvetage. « Tous ces gens qui venaient me voir, chaque jour, étaient tout bonnement heureux que je sois là. Comment ne pas leur sourire ? Tout le pays nous attendait. »
« Mais au moment de me coucher, le soir, je pensais à papa, et à Tomer » – l’ami de Meir Jan, tué à la rave Nova – « et c’était vraiment dur ».
Meir Jan a dit qu’il se sentait mentalement stable jusqu’à présent, ajoutant toutefois : « J’ai peur de la nuit, de me réveiller d’un cauchemar, en sueur ou en ayant uriné dans mon sommeil, et je me dis : ‘Putain, ça recommence.’ »
« Pour l’heure, je suis encore avec tout ça, ce n’est pas encore derrière moi », s’est confié Meir Jan. « Il y a tous ces otages encore là-bas, ces otages encore à Gaza. Ça me fait mal d’y penser. Je pense à tout ce qu’ils vont endurer encore s’il n’y a pas d’accord. »
Interrogé sur le message qu’il souhaitait faire passer à Benjamin Netanyahu, dont la rumeur dit qu’il aurait sabordé un possible accord dans le seul but de préserver sa coalition, Meir Jan a répondu : « Regardez-moi dans les yeux et dites-moi si cela en vaut la peine. »
On lui a également demandé comment il répondrait à ceux qui soutiennent qu’Israël ne devrait pas conclure d’accord avec le Hamas tant que tous les objectifs de guerre ne sont pas atteints.
« S’ils avaient été là-bas, ils ne diraient pas ça », a-t-il conclu.