L’extrême-droite veut défiler dans le quartier musulman de la Vieille Ville jeudi
L'inquiétude est réelle sur la possibilité que cette manifestation ultra-nationaliste n'entraîne des agitations dans la capitale et ne suscite la colère des Arabes israéliens
Jeremy Sharon est le correspondant du Times of Israel chargé des affaires juridiques et des implantations.
Deux organisations ultra-nationalistes d’extrême-droite et de multiples groupes activistes prônant la souveraineté juive sur le mont du Temple ont prévu de défiler dans le quartier musulman de la Vieille ville de Jérusalem, jeudi soir, pour appeler au rétablissement « du contrôle juif » dans le lieu saint.
Cette « marche des macchabées » – intitulée ainsi car elle aura lieu pendant la première nuit de la fête juive de Hanoukka – empruntera la porte de Damas et entrera dans le quartier musulman ; elle passera ensuite devant les bureaux du Waqf jordanien, qui administre le mont du Temple et elle s’achèvera à la rampe de la porte des Maghrébins, l’entrée du mont du Temple pour les non-musulmans qui est située aux abords de la place du mur Occidental.
Ce défilé qui suscite l’inquiétude. Un ancien responsable de la police de Jérusalem a indiqué que cet événement pourrait entraîner des tensions intercommunautaires à Jérusalem ainsi qu’avec les Arabes israéliens de tout le pays, renforçant davantage les crispations en Cisjordanie.
Selon la Douzième chaîne, le commissaire de la police de Jérusalem actuel, Doron Turgeman, décidera, jeudi matin, s’il approuve l’itinéraire du défilé dans le quartier musulman.
L’objectif de la marche – comme l’indique son annonce sur les réseaux sociaux – est de rendre hommage aux soldats qui sont morts au combat dans la guerre que mène Israël contre le Hamas, dans la bande de Gaza ; « d’écarter le Waqf du mont du Temple » et de « restaurer le contrôle juif plein et entier à Jérusalem et sur le mont du Temple ».
A l’origine de la manifestation, une nouvelle organisation extrémiste qui a été créée il y a seulement trois mois par un individu nommé David Ben Moriah, « Les Fils du mont Moriah ». Le mont Moriah est l’un des noms bibliques du mont du Temple.
Le compte sur X du groupe des « Fils du Mont Moriah » rend hommage à feu le rabbin suprématiste juif Meir Kahane. Il présente de nombreuses images d’un Temple juif remplaçant le Dôme du rocher, lieu saint de l’Islam – pris pour cible et détruit, dans certains autres montages figurant sur le site, par des frappes aériennes.
Autre groupe ayant annoncé qu’il prendrait part à la marche, « la Vérité Juive », un mouvement kahaniste dont le président Baruch Marzel était l’ancien secrétaire de faction du parti suprématiste Kach, fondé par feu le rabbin Meir Kahane, et l’un des fondateurs de la formation Otzma Yehudit d’extrême-droite. Marzel figure aussi parmi les organisateurs de la marche.
Le mouvement prône la disparition des lieux saints musulmans sur le mont du Temple, la reconstruction d’un Temple juif et le transfert forcé d’Israël de toutes celles et ceux qui ont voté pour un parti politique arabe.
— בני הר מוריה (@TheTempleMoun) June 24, 2023
Selon Ben Moriah, une requête a été soumise à la police concernant l’autorisation de la marche avec l’aide de Baruch Ben Yosef, avocat et conseiller juridique de « la Vérité Juive ».
Ben Moriah a probablement fait appel aux services de Ben Yosef dans la mesure où son tout nouveau groupe n’a pas encore été enregistré de manière officielle et qu’à ce titre, il n’est pas en droit de réclamer et d’obtenir une autorisation des forces de l’ordre pour organiser un événement public.
La police a approuvé le défilé. Toutefois, 200 personnes seulement pourront y participer et la demande des organisateurs de pouvoir pénétrer sur le mont du Temple a été refusée.
« Le mont du Temple doit être vidé des ennemis en particulier parce qu’il est le site le plus saint pour le peuple juif et parce que celui qui le gouverne gouverne toute la Terre sainte », a dit Ben Moriah, qui a expliqué que son organisation demandait des droits pleins et entiers sur le mont et « la souveraineté juive sur tout le pays ».
La police empêche généralement les non-musulmans de prier ouvertement sur le mont du Temple. Leurs horaires de visite sont extrêmement limités.
Ben Moriah a nié le caractère provocateur de la manifestation et il a dit qu’ignorer les activités islamistes sur le mont du Temple – comme certains slogans palestiniens et notamment « Nous libérerons al-Aqsa avec notre sang et de toute notre âme » – avait permis aux atrocités commises par le Hamas de se dérouler, le 7 octobre.
« Nos ennemis ont déterminé les objectifs de la guerre. Ils ont appelé cette guerre ‘Le déluge d’al-Aqsa’. Ils disent toujours que tout est à cause d’Al-Aqsa. Et si nous ignorons cela, la prochaine fois, il y aura 14 000 Juifs assassinés et la fois d’après, il y en aura 1 400 000, » a-t-il affirmé.
L’ancien commissaire de la police de Jérusalem, Yair Yitzhaki, a expliqué au micro de la radio militaire, mercredi matin, que l’influence du chef du parti Otzma Yehudit, Itamar Ben Gvir, se faisait clairement ressentir.
« La police ne travaille pas en dehors de tout contexte. Elle travaille dans le cadre d’une réalité politique spécifique – une réalité dans laquelle le ministre de la Sécurité nationale tient aujourd’hui le rôle d’un pyromane dangereux, d’un criminel condamné par la justice qui rejoindrait Marzel dans son défilé s’il n’était pas ministre. »
« On est en train de mettre délibérément le feu au territoire et lorsque le Premier ministre ne met pas un terme à tout cela, qu’il ne dit pas ‘Stoppez cette folie’, c’est vous, c’est moi et c’est tout le monde qu’il met en danger », a dit Yitzhaki.
Le Hamas a émis un communiqué concernant le défilé, appelant les Palestiniens à se mobiliser et le royaume de Jordanie à agir.
De son côté, la police de Jérusalem a fait savoir dans une déclaration qu’elle allait envoyer des renforts pour la manifestation et qu’elle prendra en charge « avec détermination » tous ceux qui tentent de contrevenir aux autorisations telles qu’elles ont été accordées ou qui refusent d’écouter les instructions données par les forces de l’ordre, « qu’ils participent ou non au défilé. »