L’homme préhistorique et les Néandertaliens vivaient au Neguev il y a 50 000 ans
Grâce à une datation carbone de précision et à des contextes archéologiques sûrs, les chercheurs ont prouvé pour la première fois que les deux cultures se chevauchaient - et où
Amanda Borschel-Dan édite la rubrique « Le Monde Juif »
Une nouvelle étude archéologique multidisciplinaire visant à déterminer, quand et où, les premiers hommes ont rencontré et vécu aux côtés de leurs cousins néandertaliens plus âgés a permis, de situer cette rencontre, dans le désert du Néguev, en Israël, il y a environ 50 000 ans.
Selon l’étude, c’est au cours de cette période que les ancêtres de l’homme moderne ont pu croiser leurs voisins néandertaliens, ce qui a donné lieu à une empreinte génétique néandertalienne durable, même après la disparition de l’espèce elle-même.
« Quelle était la nature de la rencontre que nous avons identifiée entre les deux espèces humaines ? Les Néandertaliens de tout le pays se sont-ils éteints naturellement, en fusionnant avec l’homme moderne, ou ont-ils disparu de manière violente ? Ces questions continueront à nous préoccuper en tant que chercheurs dans les années à venir », a déclaré le Dr Omry Barzilai, directeur des fouilles sur le site de Boker Tachtit pour le compte de l’Autorité israélienne des antiquités (IAA).
Selon un communiqué de presse de l’IAA, il s’agit de la première étude qui fournit des preuves scientifiquement recueillies et analysées de la coexistence des deux cultures préhistoriques au Moyen-Orient.
« Cela montre que les Néandertaliens et les Homo sapiens du Néguev, ont coexisté et ont très probablement interagi, les uns avec les autres, ce qui a entraîné non seulement des croisements génétiques, comme le postule la théorie de l’origine africaine récente, mais aussi des échanges culturels », ont déclaré les auteurs principaux, le professeur Elisabetta Boaretto de l’Institut Weizmann des sciences et le professeur Barzilai de l’IAA, dans un communiqué de presse de l’Institut Weizmann.
Une partie des preuves a été recueillie, lors de fouilles récentes à Boker Tachtit, situé au sud de l’actuel kibboutz Sde Boker. « Boker Tachtit est le premier site connu atteint par l’homme moderne en dehors de l’Afrique, c’est pourquoi le site et sa datation précise sont si importants », a déclaré M. Barzilai.
Selon les auteurs de l’étude, grâce à de nouvelles méthodes de haute technologie et à la réévaluation d’anciens échantillons, les chercheurs ont réussi à identifier les premières preuves d’une activité humaine moderne qui se déroulait en même temps que l’occupation néandertalienne dans la même région.
L’étude, publiée mercredi dans la prestigieuse revue Proceedings of the National Academy of Sciences of the United States of America (PNAS), fait appel à des méthodes archéologiques traditionnelles, ainsi qu’à une méthodologie de datation au carbone 14 en laboratoire et à de nouvelles méthodes hi-tech de luminescence stimulée optiquement (OSL).
« La datation du site à il y a 50 000 ans prouve que l’homme moderne, vivait dans le Néguev en même temps que l’homme de Neandertal, dont nous savons qu’il habitait la région à la même époque. Il ne fait aucun doute que, comme ils habitaient et se déplaçaient dans le Néguev, les deux espèces étaient conscientes de l’existence de l’autre. Nos recherches sur le site de Boker Tachtit placent un point de référence important et bien défini sur la ligne de temps de l’évolution humaine », a déclaré M. Barzilai.
Rédigé par une grande équipe comprenant Boaretto de Weizmann et Barzilai de l’IAA, l’article de PNAS, « The absolute chronology of Boker Tachtit (Israel) and implications for the Middle to Upper Paleolithic transition in the Levant », décrit comment de récentes études chronologiques basées sur des datations au radiocarbone provenant d’autres sites du Levant, ont incité l’équipe, à repenser la datation, précédemment reconnue sur le site de Boker Tachtit, déterminée à partir de fouilles antérieures.
L’équipe, financée par le Centre Max Planck-Weizmann pour l’archéologie et l’anthropologie intégratives, a donc mené de nouvelles fouilles de 2013 à 2015 et a recueilli de très petits fragments individuels de charbon de bois. D’au moins un millimètre dans leur plus grande dimension, les échantillons minuscules ont été analysés par Boaretto et son laboratoire Weizmann.
Les échantillons appartenaient à quatre espèces principales : Pistacia atlantica (une espèce de pistachier), Juniperus cf phoenicea (genévrier de Phénicie), Tamarix sp. (tamaris, cèdre de sel) et Hammada scoparia. Selon l’article, les échantillons de datation au radiocarbone provenaient de contextes archéologiques clairs pouvant être associés à d’importantes concentrations de silex, qui constituent une source de datation typologique.
Les datations au C-14 et les datations de luminescence stimulée optiquement (OSL) se chevauchent entre 50 000 et 44 000 ans, soit un écart de 6 000 ans.
« Nous sommes maintenant, en mesure de conclure, avec plus de certitude, que la transition du Paléolithique moyen au Paléolithique supérieur, était un événement à évolution plutôt rapide qui a commencé à Boker Tachtit il y a environ 50-49 000 ans et s’est terminé il y a environ 44 000 ans », a déclaré Boaretto dans un communiqué de presse de Weizman.
Selon l’étude, beaucoup de choses se sont passées, pendant cette période relativement courte, qui correspond à trois périodes, marquées par le développement et la dispersion des premiers hommes au Levant : Paléolithique moyen tardif (LMP), Paléolithique supérieur initial (IUP) et Paléolithique supérieur précoce (EUP).
« Pour la première fois dans la recherche préhistorique, les résultats de la datation prouvent l’hypothèse d’un chevauchement spatial certain entre la culture moustérienne tardive, identifiée à l’homme de Néandertal, et la culture émirienne, qui est associée à l’émergence de l’homme moderne au Moyen-Orient », a déclaré Barzilai.