L’Iran espère tirer profit de la crise entre le Qatar et ses voisins
L'Arabie saoudite a accusé Doha de soutenir des groupes jihadistes cherchant "à déstabiliser la région", mais des analystes estiment qu'en réalité, la véritable cible est l'Iran

Vue de Téhéran, la crise sans précédent entre le Qatar et ses voisins du Golfe présente de nombreux avantages, mais risque aussi d’envenimer la situation dans une région déjà instable, selon des analystes.
« Les Saoudiens ne savent pas mener de politique étrangère, ils se battent avec la plupart de leurs voisins », affirme Foad Izadi, professeur en relations internationales à l’université de Téhéran.
Cette crise donne à Téhéran l’opportunité « d’accroître ses relations avec le Qatar qui a désormais besoin de l’Iran pour ses liaisons aériennes et la fourniture de denrées alimentaires », affirme l’universitaire iranien.
Après la décision de Ryad et de plusieurs de ses alliés de rompre leurs relations diplomatiques, aériennes, terrestres et maritimes avec Doha, Téhéran n’a pas traîné à lui offrir l’accès à son espace aérien et à lui proposer d’importer de la nourriture.
L’Arabie saoudite a accusé Doha de soutenir des groupes jihadistes cherchant « à déstabiliser la région », mais des analystes estiment qu’en réalité, la véritable cible est l’Iran.
« Les Saoudiens cherchent à créer un front uni contre l’Iran et pour cela ils ont besoin d’éliminer toute opposition » au sein du Conseil de coopération du Golfe (CCG), affirme ainsi Farhad Rezaei, chercheur du Centre d’études iraniennes basé à Ankara.
« D’autres au sein de la coalition du Golfe ne partagent pas cette obsession [contre l’Iran], mais aucun d’eux n’a la capacité des Qataris de pouvoir résister à la pression saoudienne », estime Rezaei. Il cite en particulier les réserves gazières du Qatar et ses liens militaires étroits avec les Etats-Unis.
La crise entre le Qatar et ses voisins survient plus de deux semaines après la visite à Ryad du président américain Donald Trump qui y avait lancé un appel à toutes les nations « à isoler l’Iran ».
Le Qatar, mais aussi d’autres pays musulmans sunnites dont Oman, le Koweït et la Malaisie, ont exprimé leurs doutes à propos de cet appel et de l’incessante campagne de l’Arabie saoudite contre son grand rival chiite iranien.
Cela ne veut pas nécessairement dire que Téhéran se réjouisse des divisions entre ses rivaux sunnites, selon Adnan Tabatabai, directeur du centre de réflexion allemand Carpo.
« Je ne pense pas qu’à Téhéran on soit satisfait de cette querelle », dit-il, car « au bout du compte cela rend la région encore plus instable et ne sert les intérêts de personne ».
Intérêts partagés
En Syrie, Téhéran soutient le régime du président Bachar al-Assad que des groupes rebelles soutenus par Doha cherchent à renverser.
Mais dans le même temps, le Qatar et l’Iran partagent l’immense champ gazier de South Pars-North Dome dans les eaux du Golfe, dont ils assurent ensemble la direction et la sécurité.
Cela montre à d’autres pays « comment une coopération économique peut amener à une relation commune en matière sécuritaire », estime Adnan Tabatabai.
Encouragés par une administration américaine farouchement anti-iranienne, les Saoudiens sont plus déterminés que jamais à s’opposer à la puissance de l’Iran dans la région.
« Malheureusement pour les Saoudiens, le Qatar voit l’Iran comme partie prenante de la solution dans les crises régionales et sait que les conflits armés pourraient menacer ses liens économiques » avec Téhéran, selon Farhad Rezaei.
Quant à son homologue iranien Foad Izadi, il affirme que le pouvoir saoudien « n’accepte aucune dissidence, même venant de ses semblables sunnites ».