Litzman entendu dans l’affaire Malka Leifer ; Netanyahu : « vous me tuez »
Des images montrent le Premier ministre au téléphone découvrir les soupçons pesant sur le chef de Yahadout HaTorah et son rôle dans l'extradition avortée d'une délinquante sexuelle
Jeudi, le Premier ministre Benjamin Netanyahu a appris, sous l’œil des caméras, que son ministre adjoint à la Santé, et dirigeant de Yahadout HaTorah, Yaakov Litzman avait été interrogé par des enquêteurs qui le soupçonnent d’avoir aidé une ancienne directrice d’école en Australie à échapper à une extradition.
« Je ne comprends pas. De quoi est-il [Litzman possiblement] soupçonné ? Avec qui il est ? Il a un avocat ? Tu ne dis rien, » demande le Premier ministre lors de sa conversation téléphonique avec une personne non identifiée.
Le chef du gouvernement a été filmé à Varsovie, où il participait à la conférence sur le Moyen-Orient et plus particulièrement sur la menace iranienne.
« Combien d’heures déjà ? C’est incroyable, » s’étonne Netanyahu. « Tu me tues avec cette histoire. »
למי אמר נתניהו בשיחת טלפון: ״כבר כמה שעות? אתה הורג אותי עכשיו״ | צפו בשיחה @gilicohen10 pic.twitter.com/0spoUE5RIA
— כאן חדשות (@kann_news) February 14, 2019
Le parti Yahadout HaTorah est un membre important de la coalition de Benjamin Netanyahu, même si ses députés sont à l’origine de nombreuses crises au sein du gouvernement, notamment au sujet la législation sur le service militaire et des travaux publics pendant Shabbat.
Vendredi, la ministre de la Justice Ayelet Shaked a fait part de son inquiétude après les révélations sur le ministre adjoint, tout en indiquant que Litzman était « un partenaire du gouvernement et un ami personnel. J’espère que [l’enquête} ne donnera rien. »
Le député ultra-orthodoxe est soupçonné d’avoir obtenu une fausse évaluation psychiatrique qui aurait empêché l’extradition de Malka Leifer vers l’Australie pour raisons médicales, a confirmé un représentant du ministère de la Justice au Times of Israel. L’ancienne directrice d’une école pour filles ultra-orthodoxe de Melbourne est en effet accusée de 74 cas d’agressions sexuelles dans le pays.
Ayelet Shaked a assuré qu’elle signerait toute demande d’extradition de la pédophile présumée et qu’elle était en contact avec l’ambassadeur australien et l’une des filles victimes de Malka Leifer, a rapporté le site Ynet.
Le représentant du ministère de la Justice a indiqué que la police détenait des enregistrements de Litzman et d’officiels du ministère s’adressant à des membres du ministère de la Santé, les appelant à agir pour le compte de Leifer.
Cette dernière a enseigné dans une école affiliée à la secte hassidique de Gour, dont Litzman est membre.
« Le ministre adjoint Yaakov Litzman est certain de son innocence et continuera à répondre à toute demande adressée à son cabinet, conformément aux lois et réglementations en vigueur, » a déclaré le cabinet de Litzman dans un communiqué.
Citoyenne israélienne, Leifer avait fui l’Australie pour Israël en 2008, quelques jours avant la révélation de soupçons d’abus sexuels, prévenue par des responsables de l’école Adass Israel où elle enseignait.
Après le début des poursuites par les autorités de Melbourne, l’Australie avait officiellement déposé une demande d’extradition en 2012. Deux ans plus tard, Leifer était arrêtée en Israël, avant d’être finalement libérée et assignée à domicile. Les juges l’avaient estimée inapte à comparaître, en raison de son état mental et ont ensuite levée toutes les restrictions contre elle, concluant qu’elle était trop malade pour sortir même de son lit.
Elle a été de nouveau appréhendée en février 2018 après une opération d’infiltration de la police qui avait suscité des doutes quant à son état mental prétendument instable. Elle est restée en détention depuis. L’opération avait été lancée après l’obtention d’images la montrant se déplacer dans sa ville de résidence sans difficulté apparente. L’ONG Jewish Community Watch avait en effet engagé des détectives privés, lesquels ont caché des caméras dans l’implantation ultra-orthodoxe d’Emmanuel où Leifer et sa famille avaient trouvé refuge.
Après la première arrestation de l’ancienne directrice d’école en 2014, le psychiatre du tribunal de Jérusalem, Jacob Charnes, avait établi deux avis médicaux la jugeant mentalement incompétente, ce qui avait permis sa libération. Après sa nouvelle interpellation en 2018, le médecin avait accepté – après des mois de refus – de signer une contre-expertise réfutant ses premières conclusions. Cependant, lors de la dernière audition d’extradition tenue le mois dernier, il a témoigné contre celles de plusieurs experts médicaux qui l’avaient estimé mentalement compétente et avait réaffirmé qu’elle était trop malade pour être renvoyée en Australie.
On ne sait pas s’il s’agit de l’expert sur lequel Litzman aurait fait pression pour empêcher l’extradition, mais il s’avère que le psychiatre avait été désigné par le ministre adjoint à la Santé.
La 43e audience de l’affaire est prévue en mai après de nombreuses tentatives de l’équipe de défense de la femme âgée de 52 ans de faire échouer la tenue d’un procès.
Un juge de la cour de district de Jérusalem a accepté d’organiser une audience de libération sous caution jeudi, à la demande des avocats de la pédophile présumée.
Jacob Magid a contribué à cet article.