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L’opposition turque dénonce des tentatives de fraude électorale

Plus de 56 millions d'électeurs appelés à voter pour leur président et leurs députés ; Passage du système parlementaire à un régime hyper-présidentiel

Tandis qu'un boucher tranche de la viande, l'on aperçoit le reflet d'un portrait du président turc Recep Tayyip Erdogan dans la fenêtre d'un restaurant turc sur la place Taksim d'Istanbul le 20 juin 2018. (Crédit : AFP / Bulent Kilic)
Tandis qu'un boucher tranche de la viande, l'on aperçoit le reflet d'un portrait du président turc Recep Tayyip Erdogan dans la fenêtre d'un restaurant turc sur la place Taksim d'Istanbul le 20 juin 2018. (Crédit : AFP / Bulent Kilic)

Le principal parti d’opposition turc a dénoncé des tentatives de fraude lors des élections législatives et présidentielle anticipées qui se tiennent dimanche dans le pays.

« De nombreuses plaintes nous sont parvenues », surtout de la province de Sanliurfa (sud-est), a déclaré le porte-parole du CHP (social-démocrate), Bülent Tezcan, lors d’une conférence de presse au siège de son parti à Ankara.

« Nos amis sont intervenus au moment où c’est arrivé », a-t-il ajouté.

Il a énuméré plusieurs exemples de tentatives de bourrage d’urnes, avec notamment une urne comptant déjà une centaine de bulletins de vote, tous pour l’alliance dominée par le parti au pouvoir AKP (islamo-conservateur), avant même l’ouverture des bureaux.

Craignant des fraudes, en particulier dans le sud-est à majorité kurde, opposants et ONG ont mobilisé plusieurs centaines de milliers d’observateurs pour surveiller les urnes.

« Dans la région, il y a eu des assauts, des menaces pour arrêter nos observateurs », a affirmé M. Tezcan.

Il a aussi déploré la présence de « personnes armées dans les rues », qui essayent de créer selon lui « une atmosphère de terreur pour les électeurs ».

Le principal parti pro-kurde HDP a également dénoncé sur les réseaux sociaux des tentatives de fraude et d’intimidation similaires dans le sud-est.

Mais le président Recep Tayyip Erdogan a affirmé après avoir voté à Istanbul avoir appris « qu’il n’y avait pas de problème sérieux à travers la Turquie » dans le déroulement du double scrutin.

Une employée de l’aéroport embrasse le président turc Recep Tayyip Erdogan lors d’une conférence de presse après le premier atterrissage de son avion au nouvel aéroport d’Istanbul le 21 juin 2018. (Crédit : AFP / Aris Messinis)
Muharrem Ince, principal candidat de l’opposition turque au Parti républicain du peuple (CHP), lors d’un rassemblement à Istanbul. (Crédit : AFP / Yasin AKGUL)
Les partisans du président turc crient des slogans alors qu’ils assistent à un rassemblement de campagne à Istanbul le 23 juin 2018, un jour avant les élections présidentielles et parlementaires. (Crédit : AFP / Aris MESSINIS)

Plus de 56 millions d’électeurs sont appelés à voter pour leur président et leurs députés, dans un scrutin qui marquera le passage du système parlementaire en vigueur à un régime hyper-présidentiel, voulu par M. Erdogan, et décrié par ses opposants.

Le chef du CHP, Kemal Kiliçdaroglu, a lancé, peu après avoir voté à Ankara, un appel à « tous les fonctionnaires » à déjouer les tentatives de fraude : « S’il vous plait, n’oubliez pas que vous êtes fonctionnaires de l’Etat. Vous n’êtes pas fonctionnaires d’un parti politique. »

Le candidat du CHP, Muharrem Ince, s’est imposé comme le principal rival du président sortant et a réitéré dimanche sa volonté d’attendre les résultats des scrutins devant le siège de la haute autorité électorale.

Élections, mode d’emploi

Ces élections se tiendront simultanément en vertu d’une réforme constitutionnelle adoptée en avril 2017 qui renforce considérablement les prérogatives du président issu des urnes.

En tout, 56,3 millions d’électeurs sont appelés à voter dimanche, tandis que les quelque 3 millions de Turcs de l’étranger ont pu voter entre le 7 et le 19 juin, selon les pays.

Près de 181 000 bureaux de vote ont été mis en place en Turquie dimanche, et seront ouverts entre 08H00 (05H00 GMT) et 17H00.

Le président est élu au suffrage universel direct.

Si aucun candidat n’obtient plus de 50 % des voix dès le premier, un second tour aura lieu le 8 juillet.

Quant aux députés, ils sont élus en un seul tour au scrutin de liste dans chacune des 81 provinces du pays. Les sièges y sont attribués proportionnellement au nombre de voix qu’ils obtiennent.

Afin de favoriser des majorités stables, seuls les partis qui réunissent plus de 10 % des suffrages au niveau national participent à cette répartition.

Par ailleurs, en vertu de la réforme constitutionnelle d’avril 2017, 600 députés seront élus dimanche contre 550 dans la Chambre sortante.

Principales mesures de la nouvelle loi électorale

Aux termes d’une loi adoptée en mars, les partis pourront pour la première fois constituer des alliances lors des législatives. Cette mesure peut permettre à des partis qui n’auraient pas obtenu 10% de voix d’entrer au Parlement.

Sur les bulletins de vote, les partis sont regroupés par alliance mais les électeurs apposeront leurs tampons dans la case d’un seul parti.

La nouvelle loi autorise également la validation des bulletins de vote sur lesquels ne serait pas apposé le sceau officiel, une mesure qui avait été déjà été prise ponctuellement au cours du référendum d’avril 2017 et qui avait fait polémique, l’opposition mettant en avant des risques de fraude.

La loi autorise aussi la fusion de certaines circonscriptions électorales et le déplacement d’urnes d’une circonscription à une autre par « mesure de sécurité ».

Les forces de l’ordre sont par ailleurs autorisées à entrer dans les bureaux de vote en cas d’appel par un citoyen, un observateur ou un responsable, en cas de perturbations dans le bureau de vote. Elles pourraient ainsi en faire sortir les électeurs ou observateurs jugés responsables des troubles.

L’opposition dénonce des mesures visant à intimider certains électeurs, voire à compliquer le vote, notamment dans le sud-est à majorité kurde.

Muharrem Ince, principal candidat de l’opposition turque au Parti républicain du peuple (CHP), lors d’un rassemblement à Istanbul. (Crédit : AFP / Yasin AKGUL)

Les partis et candidats qui se présentent

Six candidats se présentent à l’élection présidentielle: Meral Akşener (Iyi Parti), Selahattin Demirtas (HDP), Recep Tayyip Erdogan (AKP), Muharrem İnce (CHP), Temel Karamollaoglu (SP) et Dogu Perinçek (VP).

L’actuel président, Recep Tayyip Erdogan, né le 26 février 1954 à Istanbul, brigue dimanche un nouveau mandat.

Ce père de quatre enfants est à la tête du pays depuis 2003, d’abord en tant que Premier ministre, puis en tant que président depuis 2014.

Il a démarré sa carrière politique en tant que maire d’Istanbul en 1994, et a créé en 2001 le Parti de la Justice et du Développement (AKP, islamo-conservateur), une véritable machine à gagner les élections qui domine la scène politique turque depuis les élections de 2002.

Les autres candidats à l’élection présidentielle

Né le 4 mai 1964 à Yalova (nord-ouest), Muharrem Ince, un ancien professeur de physique, a créé la surprise lors de cette campagne électorale grâce à sa pugnacité et son style combatif.

Il a été choisi pour représenter le Parti républicain du peuple (CHP, social-démocrate), bien qu’il ait échoué à deux reprises à en prendre la tête par le passé.

Adepte de discours enflammés, M. Ince, qui a un fils, s’est révélé un concurrent sérieux face à M. Erdogan, capable même de le mettre en difficulté.

Meral Aksener, née le 18 juillet 1956 à Izmit (nord-ouest), a été la première de l’opposition à annoncer sa candidature, sous la bannière du Bon Parti (Iyi Parti, droite nationaliste) qu’elle a fondé en octobre dernier seulement.

Cette nationaliste conservatrice, mère d’un fils, a été ministre de l’Intérieur dans les années 1990 et a longtemps été membre du MHP, un parti ultra-nationaliste désormais allié à M. Erdogan.

Son passage au gouvernement en 1996-1997 pendant les années les plus meurtrières pour la rébellion kurde dans le sud-est du pays, risque toutefois de la priver largement des voix des Kurdes, qui représentent environ un cinquième de la population.

Selahattin Demirtas, né le 10 avril 1973 à Diyarbakir (sud-est), a été désigné comme candidat du Parti démocratique des peuples (HDP, prokurde), bien qu’il soit en détention depuis novembre 2016.

Accusé d’appartenir et de diriger une organisation « terroriste », cet avocat de formation, père de deux filles, dénonce une « prise d’otage » politique, affirmant être visé en raison de son opposition farouche à M. Erdogan.

Il s’est notamment présenté face au chef de l’Etat lors de l’élection présidentielle de 2014 et avait frôlé les 10 %.

Né le 7 juin 1941 à Kahramanmaras (sud), Temel Karamollaoglu du Parti de la Félicité (SP, islamo-conservateur), a été trois fois député, notamment pour le Parti de la prospérité (Refah).

Selon la biographie publiée sur le site de son parti, il a également été un proche collaborateur de Necmettin Erbakan, le mentor en politique de M. Erdogan.

Ce père de cinq enfants était maire de la ville de Sivas en 1993 lors d’un incendie provoqué par des intégristes islamistes et qui a causé la mort de 37 personnes, en majorité des intellectuels, dans un hôtel de la ville.

Né le 17 juin 1942 à Gaziantep (sud), Dogu Perinçek dirige le Parti patriotique (Vatan, gauche).

Ce docteur en droit, père de quatre enfants, a été incarcéré à de nombreuses reprises, notamment après le coup d’Etat militaire de 1980.

Il a beaucoup fait parler de lui après avoir saisi la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) pour défendre son droit à nier le caractère génocidaire du massacre des Arméniens pendant la Première guerre mondiale en Turquie.

La CEDH lui avait donné raison.

Pour ce qui est des législatives, deux alliances ont été formées.

La première, l' »Alliance du peuple », regroupe le Parti de la justice et du développement (AKP, au pouvoir) et le Parti d’action nationaliste (MHP). Le parti de la Grande union (BBP) présente des candidats sur les listes de l’AKP.

La deuxième, l' »Alliance de la nation », regroupe le Parti républicain du peuple (CHP, social-démocrate), le Bon parti (Iyi Parti, droite nationaliste) et le Parti de la Félicité (Saadet, conservateur). Le Parti Démocrate (DP, centre-droit) présente des candidats sur les listes du Bon parti.

Le Parti démocratique des peuples (HDP, pro-kurde),Hüda-Par (islamiste kurde), et le Parti patriotique (VP) se présentent seuls.

Une employée de l’aéroport embrasse le président turc Recep Tayyip Erdogan lors d’une conférence de presse après le premier atterrissage de son avion au nouvel aéroport d’Istanbul le 21 juin 2018. (Crédit : AFP / Aris Messinis)

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