L’UE aide une start-up israélienne qui développe de la viande cultivée en labo
Profuse a indiqué que la subvention de 2,4 millions d'euros sera utilisée pour obtenir l'approbation réglementaire de son cocktail à base de petites molécules
Sharon Wrobel est journaliste spécialisée dans les technologies pour le Times of Israel.
L’approbation réglementaire de la vente de bœuf cultivée en laboratoire, qui avait été accordée en Israël au début de l’année 2023, avait fait le buzz dans le monde entier. La viande de culture, fabriquée à partir de cellules animales, gagne du terrain – mais son coût élevé et son processus de production, très long, restent des obstacles déterminants qui l’empêchent pour le moment de se faire une vraie place sur les tables.
Une start-up israélienne spécialisée dans la technologie alimentaire a récemment reçu un financement de l’Union européenne de manière à l’aider à obtenir une approbation règlementaire pour sa technologie qui, dit la firme, peut aider les entreprises qui se consacrent à la viande cultivée à produire davantage en une période de temps plus courte – ce qui pourrait faire baisser les coûts de production d’environ 50 %.
Profuse Technology a donc reçu une subvention d’un montant de 2,4 millions d’euros de la part du programme EIC Transition dans le cadre d’Horizon Europe. Objectif : développer encore davantage sa technologie qui, selon la compagnie, réduit le délai nécessaire pour cultiver les tissus musculaires qui serviront à fabriquer de la viande de culture de 80 % – tout en améliorant la qualité nutritionnelle, la texture et le goût de cette dernière.
« Produire de la viande cultivée est un défi énorme et cette industrie n’en est qu’à ses balbutiements », a commenté le directeur-général de Profuse, Guy Nevo Michrowski, auprès du Times of Israel. « Nous n’apportons pas une solution à tous les problèmes mais nous apportons un élément de solution nécessaire pour, à terme, pouvoir cultiver et produire des morceaux de steak à grande échelle ».
La technologie développée par Profuse se base sur les six années de recherche de sa cofondatrice, la docteure Tamar Eigler-Hirsh, une immigrante américaine – des recherches qu’elle a menées à l’Institut Weizmann des Sciences et qui ont permis de comprendre la manière dont le corps régénère et répare les muscles. Se fondant sur ce travail, la start-up, basée à Kiryat Shmona et ouverte en 2021, a développé une technologie non pas pour réparer des tissus musculaires mais pour aider à cultiver de la viande en laboratoire plus rapidement, et de façon plus concurrentielle.
Les producteurs de viande de culture exploitent la capacité des animaux à développer des tissus musculaires en permanence, isolant les cellules souches responsables de ce processus. Ils reproduisent ensuite les conditions optimales permettant à ces cellules de développer les tissus dans des bioréacteurs qui agissent comme des cuves de fermentation – similaires à celles d’une brasserie. Le tissu est nourri et modelé en structure 3D, sous la forme d’un steak ou d’un nugget de poulet, de manière à créer des produits carnés qui ont le goût du produit original, son apparence, mais qui ont été créés hors de l’animal.
Alors que les start-ups spécialisées dans les viandes cultivées ont œuvré à mettre sur le marché leurs produits développés en laboratoire, elles se sont focalisées sur la culture de biomasse cellulaire avec une proportion limitée de tissu musculaire, déclare Michrowski.
« Nous fournissons aux producteurs de viande cultivée un mélange sous forme de cocktail à base de petite molécule, une poudre qui, ajoutée au bon moment biologiquement parlant, accélère la formation du muscle à partir de cellules-souches », explique Michrowski. « Dans le processus de production où les cellules-souches se transforment en muscle, cela représente au moins dix jours. Nous parvenons à réduire ce délai à seulement 48 heures. »
Michrowski ajoute que ce supplément renforce également la valeur nutritionnelle de la viande cultivée, offrant ainsi une alternative plus riche en protéines.
« Si vous comparez la quantité de protéines que vous allez trouver dans le muscle qui a été produit avec notre supplément à celle qui a été obtenue sans notre supplément, vous avez un apport cinq fois plus important en protéines grâce à notre cocktail », poursuit-il.
Michrowski fait remarquer que la start-up a collaboré avec la plus grande partie des entreprises leaders du marché – elles développent du poulet, du bœuf ou du poisson produits en laboratoire – et que la subvention accordée par l’UE sera déterminante pour obtenir l’autorisation nécessaire pour l’utilisation de son supplément dans la production à grande échelle de viande cultivée lorsque le marché sera plus mature, dans les années à venir.
Jusqu’à présent, Profuse a levé la somme d’environ 7 millions de dollars de fonds, avec notamment environ quatre millions provenant de firmes de capital-risque et trois millions issus de subvention. La subvention accordée par l’UE vient s’ajouter au financement soutenu par le gouvernement dont l’entreprise a bénéficié par le biais de l’incubateur Fresh Start Foodtech, avec l’appui de l’Autorité israélienne de l’Innovation. En 2022, Profuse avait obtenu la somme de trois millions de dollars en financement de démarrage de la part notamment de Green Circle, un fonds basé à New York qui consacre ses activités à la Foodtech. Parmi les autres investisseurs, la firme de capital-risque israélienne OurCrowd, le fabricant agro-alimentaire israélien Tnuva, et le fabricant de boissons Tempo.
Profuse cherche à accéder au marché mondial de la viande cultivée qui devrait atteindre les 25 milliards de dollars à l’horizon 2030, selon l’entreprise internationale de conseil Mckinsey & Company.
Ces dernières années, Israël est devenu un pôle technologique important dans le secteur de la viande cultivée, qui est un sous-secteur déterminant dans le marché des protéines alternatives – qui comprend les substituts végétaux à la viande, aux produits laitiers et aux œufs ; les produits laitiers, les viandes et les fruits de mer cultivés ; les protéines à base d’insecte et les produits et autres processus liés à la fermentation. L’État juif s’est hissé à la deuxième place, après les États-Unis, en matière d’attractivité pour les investisseurs dans le développement du marché de la protéine alternative, ces dernières années, selon le Good Food Institute (GFI) Israel, une organisation à but non-lucratif qui cherche à promouvoir la recherche et l’innovation dans les technologies alimentaires. Dans l’écosystème israélien, il y a plus de 80 start-ups expertes des protéines alternatives. Quinze d’entre elles ont été fondées en 2023.
Le classement où Israël prend la deuxième place, derrière les États-Unis, s’est basé sur le nombre de compagnies spécialisées dans la food-tech et dans le secteur de la viande cultivée – il y en a 19 en Israël, a fait savoir le Good Food Institute. Parmi les plus notables, Future Meat, une firme qui crée des produits carnés – poulet, agneaux, bœuf – à partir de cellules-souches et Aleph Farms, la start-up qui a obtenu la toute première autorisation régulatoire en Israël pour vendre de la viande cultivée, du bœuf. Cette autorisation avait été sans précédent dans le monde entier.
« Les protéines alternatives n’en sont qu’à leurs balbutiements et exploiter tout leur potentiel nécessite des investissements significatifs en matière de recherche et de développement ainsi que dans la mise à l’échelle – comme cela avait été largement le cas à l’aube des innovations en matière de véhicule électrique et d’énergie renouvelable », déclare Aviv Oren, directeur de l’engagement commercial et de l’innovation au sein de GFI Israel. « Au fur et à mesure que le secteur va croître, qu’il va mûrir, nous nous attendons à voir un soutien continu de la part du gouvernement en faveur de la commercialisation massive de produits de protéines alternatives et nous nous attendons aussi à voir des avancées enregistrées par les entreprises, comme celle qui a été développée par Profuse ».