L’UE donne de bonnes notes à des manuels scolaires attribués à tort à l’AP
Le groupe israélien IMPACT-se affirme qu'un rapport allemand sur les manuels scolaires palestiniens est truffé d'erreurs, négligeant l'antisémitisme et les appels à la violence
LONDRES — Une querelle pro-Brexit – qui a été qualifiée de « festival d’erreurs » – a éclaté entre l’Union européenne et la Grande-Bretagne concernant le réexamen de manuels scolaires palestiniens qui avait été commandité avant le départ des Britanniques de l’Union européenne, le 31 janvier 2020.
Le groupe de veille israélien IMPACT-se, qui se consacre à l’éducation, estime que les examens préliminaires des manuels – qui ont été réalisés par l’institut Georg Eckert, en Allemagne – contiennent de nombreuses erreurs. La première d’entre elles : L’institut se serait penché sur les mauvais livres.
Selon IMPACT-se, il aurait ainsi étudié les manuels utilisés dans les écoles arabes de la municipalité de Jérusalem, et pas ceux utilisés dans les territoires palestiniens.
L’organisation à but non lucratif basée en Israël IMPACT-se – l’Institut pour la supervision de la paix et de la tolérance culturelle dans l’éducation scolaire – analyse les manuels scolaires, les guides pour enseignants, et les programmes scolaires au Moyen-Orient et dans le monde, et soumet régulièrement des rapports sur le niveau de préjugés et d’intolérance qui s’y trouve.
Après qu’IMPACT-se a analysé l’étude préliminaire allemande, obtenue via une demande de libre-accès à l’information, l’organisation à but non lucratif a conclu qu’elle était « gangrenée par une mauvaise compréhension de l’arabe, une terminologie défectueuse et des erreurs factuelles ».
Interrogé par le Times of Israel sur les erreurs présumées dans le rapport à venir, l’Institut allemand Georg Eckert n’a fait aucun commentaire sur les affirmations d’IMPACT-se et a publié une déclaration selon laquelle « l’étude d’environ 150 manuels, publiés par le ministère de l’Éducation sous la direction de l’Autorité palestinienne depuis 2017, sera achevée et rendue publique en octobre 2020, conformément à l’accord entre l’UE et l’Institut Georg Eckert. »
Le 11 mai 2020, le ministre britannique pour le Moyen-Orient James Cleverly avait déclaré au Parlement que la date finale de réalisation du rapport intérimaire serait juin 2020, le rapport complet devant être achevé « plus tard dans l’année ». Selon un porte-parole du Département pour le développement international (DfID) du Royaume-Uni, le rapport final devrait être publié fin 2020.
Le DfID a refusé de divulguer la contribution du Royaume-Uni au premier rapport « initial ». L’Union européenne a payé 217 833 € pour le deuxième rapport « intermédiaire ».
La Grande-Bretagne, via le DfID, a par ailleurs financé différents projets de la fonction publique palestinienne, notamment le paiement des salaires des enseignants palestiniens – l’élément le plus onéreux du budget du ministère de l’Éducation de l’AP.
L’an dernier, le DfID a donné 20 millions de livres sterling pour financer les salaires des enseignants palestiniens et encore 65,5 millions de livres sterling à l’Office de secours et de travaux des Nations Unies (UNRWA) qui soutient l’éducation de 500 000 réfugiés palestiniens à travers le Moyen-Orient, notamment plus de 320 000 enfants en Cisjordanie et dans la bande de Gaza qui suivent le programme officiel de l’Autorité palestinienne.
La Grande-Bretagne soutient qu’elle ne finance pas la production des textes et ne paie que les salaires des « enseignants agréés » – c’est-à-dire de ceux qui ne sont pas des membres officiels du Hamas – qui travaillent dans les écoles palestiniennes. Mais IMPACT-se affirme que ce sont les enseignants qui écrivent et utilisent les manuels.
Passer sous silence l’antisémitisme
Des groupes de pression en Grande-Bretagne, notamment le Parti travailliste parlementaire et les Amis conservateurs d’Israël, ont insisté à plusieurs reprises auprès du gouvernement britannique afin qu’il enquête sur ce qui est enseigné dans les écoles palestiniennes dans le cadre du programme scolaire.
À ce jour, deux rapports ont été réalisés par les mêmes équipes de l’Institut Georg Eckert : un rapport « initial » payé par le Royaume-Uni, et un rapport « intermédiaire » financé par l’UE.
Un premier résumé de 177 pages du rapport intermédiaire – retiré depuis du site Web de Georg Eckert – montrait des recherches identiques au rapport initial, ainsi que les mêmes membres du personnel, dirigés par Aurelia Streit.
Streit est une ancienne stagiaire du député travailliste à la Chambre des communes Afzal Khan, membre des Amis travaillistes de la Palestine.
Selon trois parlementaires britanniques conservateurs qui ont fait part de leur inquiétude au ministre des Affaires étrangères Dominic Raab, une dissection par IMPACT-se des informations contenues dans le rapport intérimaire encore non-publiée indique qu’il existe « des exemples troublants d’incitation à la violence et à l’antisémitisme [qui] semblent avoir été inexplicablement passés sous silence. »
Raab sera le principal ministre responsable du traitement des réclamations car le ministère des Affaires étrangères et le DfID devraient fusionner sous peu.
Les membres de la Chambre des Lords Eric Pickles et Stuart Polak, ainsi que le député Stephen Crabb, affirment que les informations sur la recherche de Georg Eckert « remettent en question l’ensemble de l’étude de façon fondamentale », laquelle « semble bien en deçà des standards de qualité sur lesquels le gouvernement et le Parlement britanniques pouvaient raisonnablement compter. »
« Les membres des deux chambres du Parlement ont exprimé des inquiétudes quant au contenu du matériel pédagogique fourni par l’Autorité palestinienne pour leur utilisation dans les écoles. Il y a un programme qui glorifie la violence et encourage la discorde », ont-ils déclaré à M. Raab.
Notant que les livres étudiés par l’institut allemand semblent être les manuels utilisés dans les écoles arabes de la municipalité de Jérusalem, plutôt que ceux utilisés dans les écoles palestiniennes, Pickles, Polak et Crabb ont exprimé leur inquiétude quant à la méthodologie et aux recherches de l’institut, et demandent la publication du rapport intérimaire dès que possible.
Mise en garde préventive contre les contenus incendiaires
En mars de cette année, Marcus Sheff, PDG d’IMPACT-se, a fait une présentation au Parlement britannique sur le contenu des manuels scolaires palestiniens actuels, attirant l’attention sur des éléments incitatifs tels qu’un exercice de compréhension de lecture comportant une histoire qui décrit un cocktail Molotov dans un bus rempli de passagers civils juifs, en utilisant l’expression « barbecue party ».
Une histoire pour un cours de langue arabe décrit des attentats-suicides dans lesquels des Palestiniens « portaient des ceintures d’explosifs, transformant ainsi leurs corps en feu qui brûlait le char sioniste ». Un autre manuel parle des Juifs qui contrôlent la finance, les médias et la politique internationale pour leur propre bénéfice.
Ces éléments incendiaires étaient absents de ce qui a été extrait de la revue de l’Institut George Eckert. Les conclusions de l’institut indiquent que les rédacteurs de l’Autorité palestinienne ont « une implication sérieuse… avec des liens liés au conflit… et une considération et une différenciation soigneuses envers les individus israéliens ».
Cependant, l’institut avait examiné les manuels scolaires de la municipalité de Jérusalem, et non ceux de l’AP, affirme IMPACT-se.
« Le Royaume-Uni a, à juste titre, mené des appels à une révision internationale du contenu des manuels scolaires palestiniens », a déclaré le député Crabb au Times of Israel. « Les ministres du gouvernement ont montré une nette préférence pour la transparence en encourageant l’UE à publier le rapport intérimaire, attendu depuis longtemps, avant la nouvelle année universitaire. Nous demandons instamment aux ministres de faire la lumière sur les rapports faisant état d’erreurs de traduction de base et sur la présentation des manuels israéliens comme des manuels de l’Autorité palestinienne ».
« Alors que le DfID fusionne avec le Foreign Office, une nouvelle stratégie cohérente pour le soutien britannique au peuple palestinien, prenant en compte ces préoccupations, est cruciale », a déclaré M. Crabb.
Les politiciens du Parti conservateur, demandant au ministre des Affaires étrangères des assurances que le gouvernement britannique a l’intention de publier le rapport, insistent sur le fait que « les contribuables britanniques ont le droit de savoir ce qui est réellement enseigné » dans les programmes palestiniens qu’ils financent partiellement.
Le Labour Friends of Israel (LFI), parti de gauche, a exprimé une préoccupation similaire, en écrivant au ministre du Moyen-Orient Cleverly pour demander des éclaircissements.
Le vice-président du LFI, le député John Spellar, l’a dit à Cleverly : « Les exemples spécifiques qui sont salués par les chercheurs ne sont pas contenus dans les manuels de l’AP, mais ceux utilisés par les élèves des écoles de langue arabe de la municipalité de Jérusalem. Si ce n’est pas une erreur, je vous serais reconnaissant de m’expliquer quel intérêt le gouvernement britannique et l’UE ont à étudier les manuels scolaires qui sont financés par les contribuables israéliens et qui ne sont pas utilisés dans les écoles de l’AP ? ».
Je souhaiterais avoir une explication sur l’intérêt que le gouvernement britannique et l’UE portent à l’étude des manuels scolaires qui sont financés par les contribuables israéliens et qui ne sont pas utilisés dans les écoles de l’AP ?
« Si elles sont exactes, les allégations d’IMPACT-se sapent sérieusement la crédibilité de la révision des manuels scolaires et remettent en question son utilité comme moyen de traiter la question de l’incitation à la violence dans le programme de l’AP », a ajouté M. Spellar.
« Tolérance zéro » pour la violence
Un porte-parole du DfID a déclaré au Times of Israel que le gouvernement britannique a une approche de « tolérance zéro » envers l’incitation à la violence. Le DfID « a fait pression sur nos partenaires européens pour qu’ils procèdent à un examen indépendant approfondi des manuels scolaires utilisés dans les territoires palestiniens occupés, examen qui est actuellement en cours ».
« Cet examen est en cours, et le rapport final ne devrait pas être publié avant la fin de 2020. Nous étudierons ses conclusions avec soin », ont-ils déclaré.
La Grande-Bretagne, selon le DfID, n’a pas commenté les rapports d’inexactitudes qui ont fait l’objet de fuites, une position reprise par l’ancien ministre qui a commandé la recherche britannique, Alistair Burt, qui a pris sa retraite du Parlement en 2019.
« En tant que ministre, j’ai soutenu l’enquête sur les manuels scolaires palestiniens, car les allusions à la violence, pour quelque raison que ce soit, n’ont pas leur place dans les manuels scolaires pour enfants, notamment dans le contexte délicat des questions non résolues entre le peuple palestinien et Israël », a déclaré Burt au Times of Israel. « Tous les enfants méritent une vie libérée de l’atmosphère de terreur et d’oppression qui y règne encore, et ils comptent sur leurs dirigeants respectifs pour y parvenir ».
Les allusions à la violence, quel qu’en soit le but, n’ont pas leur place dans les manuels scolaires pour enfants
« L’enquête n’a pas encore terminé ses travaux, mais je m’attends à ce qu’elle remplisse pleinement son mandat, et je pense que cela devrait rester le point de vue du gouvernement britannique », a-t-il ajouté.
Sheff de IMPACT-se qualifie toute la chaîne d’événements de « vraiment regrettable ».
« L’Union européenne et le Royaume-Uni ont eu l’occasion d’enrichir notre compréhension collective de ces manuels scolaires extrémistes et de remplir leur devoir de vigilance envers les étudiants palestiniens », a déclaré M. Sheff.
« Au lieu de cela, la révision a été une comédie d’erreurs du début à la fin. Les chercheurs ont examiné les mauvais manuels, prenant des manuels pour les écoles arabes d’Israël à Jérusalem, les complimentant sincèrement et les présentant comme provenant du programme de l’Autorité palestinienne.
« L’introduction des chercheurs contient des traductions erronées embarrassantes en arabe de base, un manque de familiarité avec la culture palestinienne et, bizarrement, la citation de recherches inexistantes. Ce n’est pas un projet particulièrement complexe. Il est difficile de comprendre comment il a pu mal tourner.
Ajoutant l’insulte à l’injure, a-t-il dit, le rapport a été « miné » par le retard.
« Le gouvernement britannique souhaite clairement que ce document soit rendu public le plus rapidement possible, mais l’UE a déclaré qu’il resterait secret. Franchement, étant donné la débâcle qu’est devenu ce projet de recherche, on peut comprendre pourquoi », a déclaré M. Sheff.