Israël en guerre - Jour 433

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L’UE songe à réévaluer sa relation avec Israël

Lassés de l’expansion des implantations, les responsables de Bruxelles étudient d'éventuelles sanctions à appliquer

Raphael Ahren est le correspondant diplomatique du Times of Israël

La Commission européenne à Bruxelles (Crédit : JLogan/Wikipédia)
La Commission européenne à Bruxelles (Crédit : JLogan/Wikipédia)

L’Union européenne menace implicitement, mais de manière déterminée, de réexaminer ses liens bilatéraux avec Israël si le gouvernement de Netanyahu ne s’implique pas dans une solution à deux Etats et continue de mettre en œuvre sa politique actuelle, qui est d’autoriser les constructions au-delà des lignes antérieures à 1967.

Cette nouvelle position de l’UE est passée inaperçue en raison de l’opération Bordure protectrice de cet été. Mais les responsables de l’UE travaillent sur une série de sanctions contre Israël qui seront mises en action dès qu’ils recevront le feu vert de l’échelon politique.

En effet, certains responsables de l’UE envisagent actuellement de mettre en place un mécanisme qui permettrait de sanctionner immédiatement Israël pour chaque décision qui sera jugée comme étant nuisible au processus de paix (comme l’expansion des implantations), a déclaré un diplomate européen au Times of Israel.

Le 22 juillet, pendant la guerre de 50 jours avec le Hamas, les 28 ministres des Affaires étrangères de l’UE ont publié une déclaration commune qui a été considérée comme ayant une position pro-Israël, car elle condamnait les tirs aveugles de roquettes contre des civils israéliens et appelait au désarmement de toutes les organisations terroristes dans la bande de Gaza. Même le ministère des Affaires étrangères à Jérusalem, Avigdor Liberman, s’est félicité de cette déclaration européenne.

Toutefois, ce texte critiquait également Israël, comme l’Union européenne l’a déjà fait dans le passé, pour les différentes politiques concernant les Palestiniens, y compris l’expansion continue des implantations, « la violence des résidents des implantations », la « dégradation des conditions de vie des Palestiniens », les démolitions des maisons, « les expulsions et les transferts forcés » et « les tensions croissantes » se déroulant sur le mont du Temple.

Fondamentalement, la déclaration commune a poursuivi en précisant que l’avenir des relations bilatérales sera soumis aux mesures prises par Israël et que l’UE juge utile pour parvenir à la paix. C’est la première fois qu’un tel lien est mentionné de façon explicite.

« L’UE souligne que le développement futur des relations entre l’UE et ses partenaires israéliens et palestiniens dépendra de leur engagement pour une paix durable fondée sur une solution à deux Etats », insiste le communiqué de presse.

La semaine dernière, la porte-parole en chef de la politique étrangère de l’UE, Catherine Ashton, a utilisé une formulation similaire dans un communiqué de presse qui condamnait la décision d’Israël de construire des immeubles dans le quartier de Givat Hamatos de Jérusalem et d’autoriser les Juifs à s’installer dans des maisons à Silwan. Les deux zones sont situées au-delà des lignes antérieures à 1967.

Le Premier ministre Netanyahu et Catherine Ashton (Crédit : Amos Ben Gershom/GPO/Flash90)
Le Premier ministre Netanyahu et Catherine Ashton (Crédit : Amos Ben Gershom/GPO/Flash90)

« Nous soulignons que l’avenir des relations entre l’UE et Israël dépend de l’engagement de ce dernier envers une paix durable fondée sur une solution à deux Etats », pouvait-on lire dans le communiqué récemment publié.

La juxtaposition des liens avec Israël et la volonté de l’UE que Jérusalem établisse un Etat palestinien sonnait comme une menace pour certains.

« Certains experts considèrent [cette déclaration] comme le signe d’une action imminente », note Andrew Rettman de l’EUObserver.com, un site d’information géré par une organisation non-gouvernementale de Bruxelles. Pour le journal qatari, Gulf Times, la déclaration de l’UE signifie que le projet d’Israël pour Jérusalem-Est « est une menace pour … les relations d’Israël avec l’Union européenne ».

Pour le moment, il convient de souligner que l’UE n’a pas l’intention de rompre ses liens avec Israël et ne cherche pas à adopter des sanctions sévères dans l’immédiat. Cependant, il y a peu de doute que l’UE et ses 28 Etats membres soient de plus en plus lassés de devoir publier une condamnation à chaque fois que Jérusalem annonce de nouveaux plans de construction à Jérusalem-Est ou en Cisjordanie sans être en mesure de faire quoi que ce soit.

Par conséquent, les responsables de l’UE ont commencé à travailler sur des mécanismes qui lui permettraient d’imposer des sanctions sur Israël, précise un diplomate européen au Times of Israel. Le plan à l’étude est de répondre à chaque action israélienne jugée préjudiciable au processus de paix en mettant en œuvre une mesure qui nuirait à Israël, explique le diplomate.

Comment cela fonctionnerait-il ?

L’UE a longtemps insisté pour que la législation européenne existante soit mise en œuvre, ce qui, dans de nombreux cas, n’est pas encore une réalité. Si Jérusalem devait approuver un autre projet de construction à Jérusalem-Est, par exemple, l’UE pourrait choisir de mettre en place un système d’étiquetage pour les produits provenant des implantations de Cisjordanie.

Bruxelles fait valoir que le droit communautaire exige un tel étiquetage, mais l’UE s’est, jusqu’à présent, abstenue de mettre en œuvre un tel régime d’étiquetage, en partie, afin de ne pas perturber les négociations de paix entre Israël et les Palestiniens.

Mais maintenant que les négociations ont été rompues, et qu’Israël continue de construire au-delà de la Ligne verte, il y a très peu de choses qui empêchent l’UE d’exiger la mise en place d’un tel étiquetage sur tous les produits des implantations importés en Europe, a indiqué le diplomate.

Une ouvrière palestinienne à l'usine SodaStream à Mishor Adumim, le 2 février  2014 (Crédit: Nati Shohat/Flash90)
Une ouvrière palestinienne à l’usine SodaStream à Mishor Adumim, le 2 février 2014 (Crédit: Nati Shohat/Flash90)

Bien que les sanctions concrètes puissent ne pas être annoncées lors de la réunion de ministres des Affaires étrangères de l’UE le 20 octobre prochain au Luxembourg, les détails des mesures punitives possibles (comme l’étiquetage) sont actuellement à l’étude dans plusieurs cabinets de travail à Bruxelles, précise le diplomate. Une fois le travail bureaucratique terminé, les dirigeants politiques de l’Union pourraient mettre en œuvre ces mesures à n’importe quel moment.

L’UE ne se contente pas de brandir seulement le bâton, elle laisse entrevoir aussi les carottes. Si les Israéliens et les Palestiniens signent un accord de paix, l’UE promet aux deux parties d’accorder un « partenariat spécial et privilégié » – une amélioration significative des liens qui incluraient une assistance politique, financière et sécuritaire.

« L’UE émerge lentement comme un acteur politique dans le monde. Il lie de plus en plus sa puissance économique à des politiques spécifiques », indique Caspar Veldkamp, l’ambassadeur des Pays-Bas en Israël.

« En ce qui concerne Israël, l’UE a proposé l’idée d’un partenariat privilégié, qui s’apparenterait aux relations de la Suisse avec l’UE, dans le cas d’un accord sur un statut final. Dans le même temps, si Israël continue d’annoncer des décisions de construire [au-delà] et ainsi de suite, la tendance qui se développera au sein de l’UE sera de répondre à de telles décisions israéliennes par des mesures spécifiques européennes ».

Plusieurs de ces mesures ont déjà été décidées par les ministres européens des Affaires étrangères en 2012, indique l’ambassadeur.

L’ambassadeur Caspar Veldkamp (Crédit : Bibi Neury/Photo Republic)

Veldkamp a diagnostiqué une « érosion du soutien envers Israël dans les pays européens » en raison de l’absence de progrès dans le processus de paix. « Je suis pleinement conscient que vous avez besoin de deux parties pour faire des progrès. »

« Mais les Européens attendent plus d’initiative de la part des Israéliens, car ils voient Israël comme la partie plus forte », explique-t-il. « En outre, les Européens sont de plus en plus agacés par les décisions continuelles d’Israël de construire au-delà de la Ligne verte ».

Certains petits Etats membres ont déjà indiqué leur désir de sanctionner Israël si le processus de paix n’avance pas aussi rapidement qu’ils le souhaitent.

Le mois dernier, le ministre finlandais des Affaires étrangères Erkki Tuomioja a mis en garde Jérusalem que les relations commerciales et les autres types de relations pourraient souffrir si le processus de paix n’avançait pas à un rythme satisfaisant. L’UE a offert suffisamment de carottes, a-t-il déclaré à Haaretz, ajoutant qu’« il semblerait que le bâton soit aussi nécessaire. S’il n’y a pas de progrès, on doit montrer à [Israël] que cela implique un coût », a-t-il affirmé.

Quelques jours plus tard, le ministre des Affaires étrangères du Danemark, Martin Lidegaard, a aussi menacé Israël de mettre en place « de nouvelles mesures, y compris un changement dans nos relations commerciales avec Israël », au cas où les négociations de cessez-le-feu au Caire avec le Hamas n’aboutissaient pas au résultat que les Européens attendent.

La Première ministre danoise Helle Thorning-Schmidt a précisé ultérieurement que la déclaration de Lideggard ne représentait que lui-même et non la position du gouvernement. « Je ne pense pas que cette question soit examinée par l’UE », précise-t-elle.

Mais si Jérusalem poursuit sa politique actuelle envers les Palestiniens et les implantations, ce n’est qu’une question de temps avant que l’UE et ses Etats membres ne décident de réévaluer l’avenir de ses relations bilatérales avec Israël, y compris la mise en œuvre de certaines sanctions.

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