Lutte contre le cancer : Sanofi investit gros dans une firme israélienne
La multinationale française a signé un accord de licence ce mois-ci pour le médicament d'immunothérapie anti-cancéreuse phare de Biond Biologic, le BND 22
Biond Biologics espère que sa thérapie, qui comprend trois phases immunitaires distinctes, se révélera une « réponse anti-tumorale forte et durable » d’après son directeur général. Les essais cliniques doivent commencer à la mi-2021.
Le médicament anti-cancer développé par Biond Biologic, que la startup israélienne va dès lors essayer sur des humains dans le cadre d’essais cliniques en collaboration avec le Français Sanofi, propose une approche multidimensionnelle pour lutter contre les tumeurs, activant simultanément trois types de cellules du système immunitaire.
La multinationale française Sanofi, basée à Paris, a signé un accord de licence au début du mois de janvier pour le médicament anti-tumoral phare de Biond Biologic, le BND 22, un médicament d’immunothérapie anti-cancéreuse.
Selon les termes de l’accord, Biond doit recevoir une avance de 125 millions de dollars en cash et jusqu’à un milliard de dollars de jalons potentiels de développement, de réglementation et de vente ainsi que des paiements de redevance échelonnés à deux chiffres, selon un communiqué de l’entreprise israélienne. La première phase de test 1A, visant à évaluer la bénignité du médicament et sa tolérabilité, sera orchestrée par Biond. Une fois cela abouti, Sanofi prendra la relève notamment pour assurer le développement et la commercialisation du médicament comme l’a annoncé Biond.
« L’oncologie immunitaire consiste à activer le système immunitaire pour lutter contre le cancer. En général il s’agit d’un médicament qui active un type de cellules – les cellules T – soit d’autres cellules », nous explique lors d’un entretien téléphonique la PDG et co-fondatrice de Biond, Tehila Ben Moche.
De plus, le médicament développé par Biond est d’autant plus spécial « qu’il active simultanément trois types différents de cellules immunitaires : les cellules macrophages, les cellules T ainsi que les cellules tueuses naturelles (NK) ». Trois types de cellules jouant un rôle central dans la lutte contre le cancer.
« Du fait que le médicament active trois types de chemins immunitaires, nous espérons qu’il apportera une réponse anti-tumorale forte et durable et qu’il fournira une réponse efficace », dit-elle.
Concrètement, le médicament est un anticorps biologique qui se lie à un récepteur appelé ILT2, présent sur les cellules immunitaires. Lorsque l’organisme-contact présente des cellules cancéreuses, le ILT2, se greffe à une protéine générée justement par ces dernières. La liaison entre ce récepteur et cette protéine crée des signaux inhibiteurs dans trois cellules immunitaires différentes, diminuant ainsi leur activité anti-cancéreuse et rendant ainsi la réaction immunitaire au cancer plus faible.
Lorsque l’anticorps développé par Biond se lie à l’ILT2, il empêche le ILT2 de s’attacher aux cellules cancéreuses.
En se liant à l’ILT2, cet anticorps « ne permet pas aux cellules cancéreuses de générer des signaux inhibiteurs. En fait, c’est un anticorps qui bloque les signaux inhibiteurs », explique Ben Moshe. « Par conséquent, sans cette inhibition, ces cellules immunitaires peuvent faire leur travail. Leur champ d’activité est donc élargi et dynamisé ce qui leur permet de générer une activité anti-tumorale ».
Contrairement à beaucoup d’autres médicaments, le BND-22 n’a pas été développé dans un laboratoire universitaire. Il l’a été par l’équipe de Biond, composée d’entrepreneurs et de scientifiques qui en 2016, au moment de sa création, s’était fixé comme objectif de révolutionner le monde de l’immunothérapie.
L’immunothérapie étant un champ de recherche qui consiste à étudier et à développer des traitements qui permettent au corps de se soigner « tout seul » contre le cancer.
Biond est dirigée par Ben Moshe, ancienne dirigeante de CAM Biotherapeutics, qui a été racheté par la firme pharmaceutique allemande MERKER, en 2015.
L’autre co-fondateur de Biond, le directeur financier Ori Shilo, est également le fondateur de la société biopharmaceutique cotée en bourse, RedHill Bipharma.
Il a plus de 15 années d’expérience dans le domaine de l’investissement bancaire auprès de l’industrie pharmaceutique.
Biond est également composé d’acteurs impliqués dans l’immunothérapie. A l’instar de Alan Korman, ancien vice-président du laboratoire de recherche sur l’immuno-oncologie au sein de la firme Bristol-Mayers Squibb ou encore du Docteur Jeff Weber, directeur-adjoint du Perlmutter Cancer Center du Centre médical Langone de l’Université de New York.
« Quand nous avons commencé, nous avions beaucoup d’idées, beaucoup de projets de recherche mais nous ne nous attendions pas à ce que l’ILT2 deviennent notre principal centre d’intérêt », déclare Ben Moshe. Après de longues années d’exploration de la littérature scientifique sur l’immunothérapie, les scientifiques ont découvert que l’ILT2 était une « piste importante et centrale » et ont axé leur recherche sur ce récepteur. « Tout a été fait en interne ».
Ben Moshe confie que l’entreprise n’a pas publié d’articles scientifiques dans des revues à comité de lecteurs. Mais les dirigeants de Sanofi, avant de demander la licence, ont effectué une vérification de six mois des travaux réalisés par Biond. Toujours selon Ben Moshe « le partenariat – avec Sanofi – témoigne de la validité de notre recherche scientifique et de nos méthodes de travail ».
En réalisant les essais cliniques, les deux firmes vont continuer à développer main dans la main le médicament.
Depuis l’annonce du partenariat entre Biond et Sanofi, l’entreprise israélienne a reçu de la part du FDA américain le label « IND » qui lui permet de procéder dès lors à des essais cliniques. Ces derniers devront commencer dès la mi-2021 aux Etats-Unis et en Israël, selon Biond.
L’attention sera d’abord portée sur les tumeurs solides a déclaré Itay Friedman, vice-président du développement clinique de l’entreprise, sur lesquels le ILT2 devrait être très actif.
Cependant Ben Moshe reste prudente. Les conclusions de recherche sur le médicament ne découlent que d’essais en laboratoire. Mais seuls des tests sur les humains permettront de prouver réellement la « forte valeur anti-tumorale » du nouveau médicament. « Tant que nous ne réalisons pas de tests sur les humains, nous ne pouvons pas être sûrs à 100 % de son efficacité. D’autant plus que pour bien l’évaluer, nous devrons attendre 2 à 3 ans au moins ».
Outre le médicament BND-22, Biond développe d’autres médicaments. Il s’agit notamment du BND-35, qui empêche la suppression des lymphocytes par d’autres cellules immunitaires et améliore leur activité contre les cancers.
L’entreprise a également découvert ce qu’elle affirme être un nouveau mécanisme de régulation des lymphocytes, le CD28. Celui-ci, s’il est dérégulé, rend les lymphocytes anti-cancéreux inactifs afin qu’ils n’attaquent pas les cellules tumorales.
« Nous avons été les premiers à décrire le mécanisme de régulation du CD28. Nous essayons actuellement de développer un médicament qui permette de restaurer le bon fonctionnement de cette molécule. Ainsi les lymphocytes seront de nouveau actifs et pourront attaquer les sites tumoraux », nous explique Ben Moshe.
De plus, Biond essaie actuellement de trouver un moyen de permettre aux anticorps de pénétrer dans les cellules cancéreuses. L’objectif étant qu’ils entrent pour se lier à des cibles et ne plus rester à l’extérieur, comme ce que propose l’immunothérapie contemporaine. »