Macron rend hommage à Badinter, dont le nom « devra s’inscrire » au Panthéon
"Vous nous quittez au moment où (...) vos idéaux, nos idéaux, sont menacés. L'universel qui fait toutes les vies égales. L'Etat de droit qui protège les vies libres", a déclaré le président
Emmanuel Macron a rendu mercredi un hommage national à Robert Badinter, « la République faite homme », affirmant que « le nom » de celui qui porta l’abolition de la peine de mort « devra s’inscrire » au Panthéon.
« Il était une âme qui crie, une force qui vit et arrache la vie aux mains de la mort », a déclaré le chef de l’Etat dans son discours sur la place Vendôme.
C’est dans ce lieu symbolique et inédit que la France a salué la mémoire de l’ancien garde des Sceaux, devant le ministère de la Justice où il siégea de 1981 à 1986. Là où le ministre du président socialiste François Mitterrand rédigea la loi abolissant la peine de mort, dans une France alors majoritairement en faveur du châtiment suprême.
« J’ai l’honneur de demander, au nom du gouvernement de la République, l’abolition de la peine de mort en France »: la première phrase du discours de Robert Badinter à la tribune de l’Assemblée nationale le 17 septembre 1981 est restée dans l’Histoire.
L’entrée de son cercueil sur la place, depuis le ministère, comme la retranmission des images avec cette phrase célèbre, ont été applaudies par la foule de plusieurs centaines de personnes venues assister à cette cérémonie ouverte au public, malgré une pluie fine.
« Il a aussi beaucoup œuvré pour la dépénalisation de l’homosexualité et pour l’amélioration des conditions de vie dans les prisons. C’est un grand monsieur », dit Catherine Martin, une retraitée parisienne de 71 ans.
« Votre nom devra s’inscrire aux côtés de ceux qui ont tant fait pour le progrès humain et pour la France et vous attendent, au Panthéon », a lancé le chef de l’Etat en présence de la philosophe Elisabeth Badinter, veuve de celui qui fut, selon les mots du président, « l’avocat pour toujours de cette cause, l’abolition ».
Emmanuel Macron avait promis dès vendredi, à peine connue la nouvelle de sa mort à l’âge de 95 ans, de s’exprimer dans son discours sur une éventuelle entrée de l’avocat au Panthéon, ce temple républicain qui proclame sur son fronton « Aux grands hommes, la patrie reconnaissante ».
« Ces choses-là prennent du temps », a-t-il toutefois souligné. « C’est d’abord à la famille, en liberté, de prendre le temps qu’elle jugera nécessaire pour se prononcer », a expliqué l’entourage d’Emmanuel Macron, soulignant que « les différentes possibilités » lui avaient été « exposées ».
Le patron des socialistes Olivier Faure en a fait officiellement la demande au chef de l’Etat. « C’est légitime » car au Panthéon ce sont « les grands hommes qui ont porté de grandes idées », a estimé mercredi sur franceinfo le président du Conseil Constitutionnel Laurent Fabius, fonction occupée par Robert Badinter de 1986 à 1995.
Polémique avec LFI
Le rendez-vous solennel de mercredi a eu lieu sur fond de polémique.
Elisabeth Badinter avait exprimé le souhait que les élus du Rassemblement national et de La France insoumise ne viennent pas à la cérémonie.
Marine Le Pen a accepté de se soumettre à cette demande, sans nier ses désaccords avec cette figure longtemps honnie à droite pour avoir aboli la peine de mort.
Réaction inverse pour LFI qui était représentée par ses députés Caroline Fiat et Eric Coquerel. « C’est un hommage national, je n’ai pas envie de polémiquer », s’est agacé à son arrivée le député insoumis de Seine-Saint-Denis.
Pourfendeuse des extrêmes comme son mari, Elisabeth Badinter a toujours combattu le Front national puis le RN, mais a aussi plus récemment dénoncé un certain « islamo-gauchisme » et pointé la responsabilité « énorme » de LFI dans la montée de l’antisémitisme en France.
Robert Badinter, né dans une famille juive émigrée de Bessarabie (l’actuelle Moldavie), avait été témoin de l’arrestation de son père à Lyon pendant la Seconde Guerre mondiale. Il était mort en déportation en Pologne.
Son combat contre la peine de mort trouve son origine au matin du 28 novembre 1972: un de ses clients, Roger Bontems, complice d’une prise d’otages meurtrière, vient d’être guillotiné.
« Le combat contre la mort devint sa raison d’être. Après Patrick Henry, Robert Badinter sauva la tête de cinq autres condamnés », a rappelé mercredi Emmanuel Macron, faisant « le serment d’être fidèle » à son « enseignement ».
Mais le président a aussi eu des mots sombres. « Vous nous quittez au moment où (…) vos idéaux, nos idéaux, sont menacés. L’universel qui fait toutes les vies égales. L’Etat de droit qui protège les vies libres ».
Au tribunal de Bobigny, en Seine-Saint-Denis, souvent érigé en symbole d’une justice en souffrance, un hommage lui a aussi été rendu. Le procureur Loïc Pageot a rappelé le travail de l’ex-ministre « pour moderniser notre justice ».