Israël en guerre - Jour 370

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Inside story"Il y a une différence entre sympathie et soutien envers le Hamas"

Malgré les appels du Hamas, la guerre ne s’est pas étendue à Jérusalem durant le ramadan

Les Palestiniens étaient peu enclins à répondre à l'appel du Hamas à semer le trouble à Al-Aqsa, Ben Gvir a été muselé et la Jordanie a joué un rôle stabilisateur

Jacob Magid

Jacob Magid est le correspondant du Times of Israël aux États-Unis, basé à New York.

Des milliers de fidèles musulmans assistent aux prières du vendredi pendant le Ramadan, dans l'enceinte d'Al-Aqsa au sommet du Mont du Temple dans la Vieille Ville de Jérusalem, le 29 mars 2024. (Crédit : Jamal Awad/Flash90)
Des milliers de fidèles musulmans assistent aux prières du vendredi pendant le Ramadan, dans l'enceinte d'Al-Aqsa au sommet du Mont du Temple dans la Vieille Ville de Jérusalem, le 29 mars 2024. (Crédit : Jamal Awad/Flash90)

À l’approche du mois sacré du ramadan, le chef du Hamas, Ismail Haniyeh, avait lancé un appel aux Palestiniens qui avait alarmé Washington.

« Nous appelons notre peuple à Jérusalem et en Cisjordanie à marcher vers Al-Aqsa le premier jour du ramadan », avait déclaré Haniyeh le 28 février, visiblement déterminé à étendre la portée de l’opération « Déluge d’Al-Aqsa », nom donné par le groupe terroriste à ses attaques contre Israël le 7 octobre dernier.

Quelques jours plus tard, le président des États-Unis, Joe Biden, déclarait aux journalistes : « Il faut parvenir à un cessez-le-feu, car [si] nous nous retrouvons dans une situation où cette [guerre] se poursuit pendant le ramadan […], Jérusalem […] pourrait devenir très, très dangereuse ».

Malgré cela, c’est l’un des ramadans les plus calmes depuis des années qui s’est achevé cette semaine à Jérusalem, alors même que la guerre continue de faire rage dans la bande de Gaza.

Les Palestiniens ont certes afflué à Al-Aqsa, avec une moyenne de 100 000 personnes assistant à chacun des quatre offices du vendredi du ramadan, mais la grande majorité d’entre eux l’ont fait pour prier paisiblement.

Il n’y a pas eu de scènes de police israéliens pénétrant dans les mosquées du mont du Temple pour maîtriser les émeutiers qui s’y étaient barricadés, comme ce fut le cas ces dernières années, et notamment pendant la période qui a conduit à la dernière guerre de Gaza, en mai 2021.

Les représentants du gouvernement et les analystes qui se sont entretenus avec le Times of Israel ont mis en évidence une série de facteurs qui expliquent en partie pourquoi la ville, éternel lieu sensible, a réussi à défier les espoirs de Haniyeh et les craintes de Biden. Ils ont notamment relevé le fait que le soutien actif au Hamas parmi les Palestiniens était plus limité que ce qui avait été initialement supposé, la mise à l’écart du ministre de la Sécurité nationale d’extrême droite, Itamar Ben Gvir, lors des préparatifs de sécurité d’Israël pour le mois sacré, et la coopération de la Jordanie comme facteurs ayant contribué à promouvoir le calme sur le mont du Temple.

Des fidèles musulmans après les dernières prières du vendredi du mois sacré du Ramadan, dans la Vieille Ville de Jérusalem, le 5 avril 2024. (Crédit : Chaim Goldberg/Flash90)

Autonomie palestinienne

Danny Seidemann, qui dirige l’institut de recherche Terrestrial Jerusalem, a noté que les mois précédant le ramadan n’avaient pas non plus été marqués par des actes de violence à Jérusalem-Est, malgré ce qu’il a qualifié d’efforts du Hamas et de certains membres de la ligne dure du gouvernement israélien pour enflammer les tensions.

« Nous avons constaté que, depuis le début de la guerre, les citoyens palestiniens d’Israël s’étaient volontairement tenus à l’écart du mont Temple jusqu’au ramadan », a indiqué Seidemann, contrairement à ce qui s’était passé lors de la guerre de Gaza en mai 2021, quand des dizaines de milliers d’Arabes israéliens avaient été transportés en bus à Jérusalem-Est pour prier à Al-Aqsa et se joindre aux manifestations nationalistes palestiniennes sur le mont Temple.

« Le calme a régné à Jérusalem parce que les Palestiniens de Jérusalem-Est ont décidé qu’ils voulaient le calme – que ce n’était pas le moment », a expliqué Seidemann.

« Il est important de mentionner leur rôle, car certains les présentent comme des objets. Si nous les frappons au mauvais endroit, ils vont exploser – non », a-t-il affirmé.

Des troupes israéliennes vérifient les cartes d’identité et les permis des Palestiniens à un point de contrôle à Bethléem en Cisjordanie, en route pour participer aux premières prières du vendredi midi du Ramadan dans l’enceinte de la mosquée Al-Aqsa à Jérusalem, au sommet du mont Temple, le 15 mars 2024. (Crédit : Hazem Bader/AFP)

L’expert de Jérusalem a reconnu « que les Palestiniens de Jérusalem-Est ont beaucoup de sympathie pour le Hamas », mais il a précisé que tres peu « le soutiennent, et qu’il y a une différence entre les deux. »

Un responsable israélien de la sécurité a fait une évaluation similaire, notant que les alertes de sécurité avaient diminué des deux côtés de la Ligne verte pendant le ramadan.

« Si les Palestiniens s’identifient à la lutte du Hamas, notamment parce qu’ils n’ont pas vu ce que le Hamas a fait le 7 octobre grâce à des chaînes comme Al Jazeera, même en Cisjordanie, où le soutien au Hamas est plus important, nous n’avons pas vu de Palestiniens se joindre à la lutte parce que très peu d’entre eux veulent payer le prix que [les Palestiniens] de Gaza paient actuellement », a déclaré le responsable, sous couvert d’anonymat.

Ben Gvir tenu à distance

Les responsables israéliens ont également reconnu que les décisions prises par le gouvernement avant le ramadan avaient contribué au calme observé pendant le mois, même si cela avait pris un certain temps.

Ben Gvir avait suscité de vives inquiétudes à l’approche du mois sacré en demandant que l’accès au mont du Temple soit interdit non seulement aux Palestiniens de Cisjordanie, mais aussi aux Arabes israéliens.

Le Premier ministre Benjamin Netanyahu s’est dans un premier temps montré hésitant face aux recommandations du ministre d’extrême-droite. Des fuites provenant des premières réunions du cabinet de sécurité indiquaient qu’il était pourtant possible qu’il le fasse.

Suite à cela, l’administration Biden a exercé de fortes pressions, craignant que Ben Gvir ne se rende lui-même sur le mont du Temple, ce qui, selon Washington, aurait pu faire exploser les tensions régionales déjà très vives, a expliqué le responsable israélien de la sécurité.

Des fidèles se heurtent à la police lors de la dernière prière du vendredi du mois sacré musulman du Ramadan, dans la Vieille Ville de Jérusalem, le 5 avril 2024. (Crédit : Chaim Goldberg/Flash90)

Alors que Washington comptait sur le ministre et membre du cabinet de guerre Benny Gantz pour convaincre le reste du forum de faire plier Ben Gvir, ce sont finalement les pressions exercées par les chefs des services de sécurité israéliens qui ont eu raison de la politique israélienne menée pendant le ramadan sur le mont du Temple, pour la rendre plus mesurée, a déclaré un responsable américain.

Un haut responsable israélien s’est félicité de l’importante préparation des services de sécurité, qui ont permis à un nombre de plus en plus important de visiteurs de se rendre sur le mont du Temple au fil des semaines qu’a duré le ramadan, sans qu’aucun incident majeur n’ait été à déplorer.

Quelques arrestations ont eu lieu tout au long du mois, notamment celle de plusieurs Palestiniens qui, selon la police, avaient hissé des drapeaux du Hamas le dernier vendredi du mois, mais ces incidents ont été traités de manière rapide et ciblée, a précisé le responsable israélien de la sécurité.

Aucune restriction générale n’a été imposée aux Arabes israéliens, et des milliers de Palestiniens de Cisjordanie ont été autorisés à entrer en Israël et à assister aux prières du vendredi du ramadan à Al-Aqsa, sous réserve de certaines restrictions d’âge.

Les dix derniers jours du ramadan, les visiteurs non-musulmans ont été interdits d’accès au mont du Temple. Cette mesure fait partie d’une politique israélienne de longue date visant à limiter les tensions sur le site au plus fort du mois sacré musulman.

Des visiteurs juifs sur le mont du Temple, le 18 mai 2023. (Crédit : Beyadenu)

Une décision qui n’allait pas de soi cette année, alors que la guerre faisait rage, en raison notamment de l’opposition de Ben Gvir.

Avant même la fin du ramadan, le nombre de visiteurs juifs sur le mont du Temple était en forte baisse – moins de 1 500 visiteurs contre 4 200 l’année dernière, selon le groupe d’administration du mont du Temple -, même si cela s’explique en grande partie par le fait que le mois sacré musulman ne coïncidait pas cette année avec la fête de Pessah.

Alors que ces dernières années, il y a eu de plus en plus de cas de visiteurs juifs surpris et filmés en train de prier sur le site, en violation du fragile statu quo qui y règne, « cette année, la police a exercé des contrôles très stricts, interdisant la moindre provocation », a affirmé Seidemann, citant des témoignages de Palestiniens présents sur le mont du Temple.

Il y a eu des allégations de violences policières contre les Palestiniens autour du mont du Temple la première nuit du ramadan, avec des signalements d’officiers refusant arbitrairement l’entrée à des Israéliens arabes, ce qui avait provoqué des échauffourées.

« Si cette situation avait perduré quelques jours de plus, il y aurait eu une flambée de violence », a affirmé Seidemann, suggérant que Ben Gvir, dont le ministère supervise la police, était à l’origine des préparatifs de sécurité de cette nuit-là.

En début de semaine, le ministère de Ben Gvir s’est vu attribuer compétence sur une unité chargée de l’application des règlements de construction. Les groupes de défense des droits de l’Homme ont prévenu que le législateur intransigeant s’en servirait pour cibler les communautés arabes dans tout le pays.

Interrogé pour savoir si le timing de cette décision était lié aux discussions que Netanyahu a eues avec Ben Gvir pour le convaincre de s’aligner sur les préparatifs israéliens du ramadan, le responsable de la sécurité israélienne n’a pas nié cette possibilité.

Les bureaux de Netanyahu et de Ben Gvir n’ont pas répondu aux demandes de commentaires.

Le ministre de la Sécurité nationale Itamar Ben Gvir et le Premier ministre Benjamin Netanyahu rencontrant les troupes qui ont participé à l’opération de sauvetage des otages à Gaza, le 12 février 2024. (Crédit : Kobi Gideon/GPO)

L’aide de la Jordanie

Seidemann a expliqué qu’un autre des facteurs ayant contribué au calme relatif à Jérusalem pendant le ramadan était les sermons des dirigeants musulmans au mont Temple « qui étaient enflammés, mais pas incendiaires. »

« De toute évidence, cela s’explique par l’influence jordanienne sur le Waqf », a-t-il affirmé, faisant référence à la fondation religieuse soutenue par Amman qui administre le lieu saint.

Le responsable israélien de la sécurité a exprimé le même sentiment, soulignant que la Jordanie n’avait pas fait de déclaration, jugée excessive par Jérusalem, condamnant Israël pendant le ramadan.

« La Jordanie a le pouvoir de jouer un rôle stabilisateur et elle a choisi de le faire cette fois-ci », a déclaré le responsable de la sécurité.

Il a souligné l’inquiétude croissante du royaume hachémite face à l’influence du Hamas dans le royaume, qui a été secoué par des manifestations en faveur du groupe terroriste ces dernières semaines.

« Ils reconnaissent qu’autoriser l’incitation à la violence sur le mont du Temple ne fera qu’alimenter les partisans du Hamas à l’intérieur de la Jordanie », a expliqué le fonctionnaire.

Une troisième source israélienne, un responsable diplomatique, a indiqué que son bureau avait remarqué que les communiqués concernant Jérusalem publiés par Amman au cours du mois dernier étaient plus mesurés, ce qui, selon lui, s’inscrivait dans le prolongement des efforts déployés par la Jordanie pour éviter une nouvelle escalade des tensions au cours de cette période déjà délicate.

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