Malgré les contradictions, Filber maintient la validité de son témoignage
« On ne peut pas effacer des faits de sa mémoire », dit Filber, accusant la police de l’avoir manipulé durant l’enquête, ce que nie l’ex-chef de la police
Le témoin d’État Shlomo Filber a indiqué, mercredi, à l’occasion de son témoignage au procès de Benjamin Netanyahu, que ses déclarations au tribunal étaient correctes, en dépit d’inexactitudes concernant le calendrier de ses réunions avec l’ex-Premier ministre, qui ont porté un dur coup au dossier de l’accusation.
Les procureurs ont subi un revers majeur, mardi, lorsque le tribunal a rejeté leur demande de modification de l’acte d’accusation en raison de contradictions apparentes dans la chronologie des événements exposée par Filber. L’événement-clé est une réunion que Filber, ex-directeur général du ministère des Communications, affirme avoir eue avec Netanyahu, au cours de laquelle ce dernier lui aurait demandé de favoriser Shaul Elovitch, alors actionnaire majoritaire de la société de télécommunications Bezeq, en échange d’une couverture médiatique positive de la part du site d’information Walla, propriété de Bezeq.
Filber a fourni des détails contradictoires sur la réunion en question, témoignant plus tôt ce mois-ci qu’il avait peut-être mal interprété un geste de la main de l’ex-Premier ministre et jetant même le doute sur la date de la réunion.
Le bureau du procureur de l’État aurait souhaité obtenir la modification de l’acte d’accusation dans l’affaire 4000, afin qu’il indique que la réunion avait eu lieu après que Netanyahu ait décidé de la nomination de Filber au poste de directeur général du ministère des Communications, plutôt qu’après la nomination en tant que telle, comme établi actuellement.
Le tribunal a rejeté cette demande.
Filber a déclaré mercredi que, quel qu’en soit le moment, il avait un souvenir précis de la réunion.
« On ne peut pas effacer des faits de sa mémoire », a-t-il déclaré au tribunal.
L’accusation soutient que les allégations concernant le contexte de la réunion se tiennent, malgré des détails rendus flous par le témoignage de Filber.
L’affaire 4000 est considérée comme la plus grave des trois poursuites en cours contre l’ex-Premier ministre. La réunion en question, en particulier, est perçue comme une pièce maîtresse de l’accusation, car ce serait la première fois, selon l’acte d’accusation, que Netanyahu aurait ordonné à Filber de favoriser Elovitch, le début de la relation corrompue entre l’ex-Premier ministre et le magnat des médias.
« J’ai écouté [Netanyahu], j’ai compris l’idée générale et je suis parti de là », a déclaré Filber lors de son contre-interrogatoire par la défense, mercredi, affirmant que cette réunion avait bel et bien eu lieu, et avait initié sa relation avec Elovitch.
Filber a accusé les enquêteurs de la police d’avoir tenté de le manipuler lors de l’enquête.
« Si, au moment de l’enquête, j’avais su tout ce que je sais maintenant, je ne serais pas resté », a-t-il déclaré. « Ils ont essayé de me relier à tous les faits et ne m’ont pas dit la vérité pendant l’enquête, ce qui a clairement eu un impact. »
En réponse aux propos de Filber, l’ex-chef de la police, Roni Alsheich, a assuré que la police avait respecté la procédure.
« Je crois que la police a fait du très bon travail et, ce qui n’est pas moins important, elle a gardé les mains propres », a-t-il déclaré lors d’une conférence sur la sécurité et la stratégie, à Netanya.
« J’ai passé en revue chacun des mots des témoignages fournis par les accusés et témoins de l’État », a-t-il ajouté. « Il faut bien avoir conscience que chaque action… au cours d’une enquête doit être approuvée. Les forces de police ne peuvent pas tout examiner; elles se limitent à ce qu’elles ont le pouvoir et le droit d’examiner. »
En guise de tout premiers propos publics sur l’affaire Netanyahu, la procureure générale Gali Baharav-Miara a déclaré, mardi, que l’État ne ferait pas appel de la décision de la cour de rejeter la demande de modification de l’acte d’accusation. Elle a toutefois rappelé que l’article 184 du code pénal israélien permettait de condamner un individu sur la base de preuves absentes de l’acte d’accusation.
« L’accusation a indiqué au tribunal son intention d’évaluer la possible utilisation de l’article 184. Pour que la défense puisse anticiper », peut-on lire dans le communiqué, publié à l’issue d’une réunion entre Baharav-Miara et l’accusation.
Micha Fettman, ex-avocat de Netanyahu, a déclaré mardi que la décision du tribunal de rejeter toute modification de l’acte d’accusation était « un jour heureux » pour la défense et un faux pas de l’accusation. Le Parquet, a-t-il noté, a commis une erreur en précisant dans l’acte d’accusation quand la réunion en cause avait eu lieu, plutôt que de ne pas donner de précisions de date.
Par ailleurs, mardi soir, le porte-parole de Netanyahu s’est elevé contre les spéculations des médias israéliens selon lesquelles l’ex-Premier ministre pourrait relancer les négociations de plaidoyer, avec une meilleure position. « C’est faux ! », a déclaré le porte-parole de Netanyahu, Ofer Golan. « Rien de tel n’est envisagé. »
Netanyahu est également jugé dans deux autres affaires de corruption, sur des accusations de fraude et abus de confiance dans les affaires 1000 et 2000. Il a affirmé que toutes les accusations avaient été fabriquées de toute pièce, dans le cadre d’un coup d’État politique fomenté par la police et le Parquet.
Baharav-Miara a précisé que l’acte d’accusation de l’affaire 1000 pourrait encore être modifié en y ajoutant trois nouveaux témoins.
L’affaire 1000 porte sur des soupçons selon lesquels Netanyahu aurait illégalement accepté des cadeaux de valeur – bijoux, cigares et champagne – de la part de deux milliardaires, le producteur de films israélien d’Hollywood Arnon Milchan et le magnat australien James Packer.
Dans l’affaire 2000, Netanyahu est accusé d’avoir tenté d’obtenir du rédacteur en chef de Yedioth Ahronoth, Arnon Mozes, une couverture médiatique favorable.