Malgré les lois qui l’interdisent, les activités de l’UNRWA restent presque normales à Jérusalem-Est
Les écoles et la majorité des structures de l'agence restent ouvertes dans la capitale malgré les ordres donnés par la police et par la ville, tandis que l'interruption des services de l'UNRWA en Cisjordanie et à Gaza serait causée par la guerre, pas par la loi

A la fin du mois d’octobre, la Knesset avait adopté deux lois qui interdisaient les activités sur le territoire israélien de l’Office controversé de secours et de travaux des Nations unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient, l’agence des Nations unies. La législation avait également interdit aux responsables israéliens de coopérer avec l’organisation – une interdiction qui était considérée comme susceptible de limiter radicalement le travail effectué par l’UNRWA en Cisjordanie et dans la bande de Gaza.
Passant outre les critiques qui avaient été proférées à l’international concernant ces deux textes de loi, les députés israéliens avaient célébré leur adoption. « Aux terroristes de l’UNRWA : Votre histoire se termine ici ; les ennemis n’ont pas le droit d’exister au sein de l’État d’Israël », avait écrit sur X le député Boaz Bismuth, élu sous l’étiquette du Likud, qui avait parrainé ces législations.
Pourtant, cinq mois plus tard, l’UNRWA poursuit ses activités à Jérusalem-Est presque sans interruption, selon des sources palestiniennes et selon l’agence elle-même, la police n’ayant pris des mesures que ces derniers jours. De plus, la loi n’aurait eu que peu d’effet sur les opérations de l’UNRWA dans les autres secteurs où la coopération avec Israël était toutefois requise.
Peu après l’entrée en vigueur de la loi, à la fin du mois de janvier, Israël avait fermé le centre logistique de l’agence à Jérusalem-Est. Mais les centres de l’UNRWA restent opérationnels à travers toute la partie orientale de la ville sainte.
Le principal pôle d’activités de l’UNRWA se trouve dans le camp de réfugiés de Shuafat, le seul camp de réfugiés palestiniens situé sur le territoire déclaré souverain d’Israël – qui est donc soumis à la loi. Deux écoles, plusieurs dispensaires et autres bureaux de services sociaux, placés sous la houlette de l’agence des Nations unies, ont ainsi maintenu leurs activités à Shuafat, sans aucun changement.
« Les employés en charge de ces structures, dans le camp, disent que si la police ou l’armée viennent avec un ordre de fermer les lieux, ils obéiront », explique un résident du camp de réfugiés de Shuafat qui, lui-même, bénéficie de l’aide de l’UNRWA et qui demande à ne pas être identifié. « Mais pour l’instant, tout se passe comme d’habitude ».

L’agence, créée en 1948 pour apporter des services aux réfugiés palestiniens et ultérieurement à leurs descendants, mène principalement ses opérations à l’intérieur des camps de réfugiés qui, au cours des 77 dernières années, sont passés du statut de simples campements de tentes à celui de bidonvilles urbains densément peuplés.
Elle est également active en dehors de ces camps, offrant ses services aux réfugiés et à leurs descendants qui vivent dans des quartiers ordinaires de Jérusalem-Est, comme à Silwan.
Si la police et les autorités municipales ont émis des ordres de fermeture des centres de l’UNRWA – cela a encore été le cas cette semaine – il est difficile de dire si des mesures réelles ont été prises pour garantir la clôture de ces structures.
Sollicité pour une réaction dans la journée de mardi, un porte-parole de la police israélienne a déclaré au Times of Israel que « vous devriez contacter les autorités compétentes » – laissant entendre que la mise en œuvre de l’interdiction ne relève pas des forces de l’ordre.

Il y a trois semaines, des représentants de la police israélienne ont ordonné au centre de formation de Kalandia de l’UNRWA, qui est situé dans le quartier de Kafr Aqab à Jérusalem-Est, de fermer ses portes dans les 30 jours.
Le centre, ainsi que des écoles de Jérusalem-Est, avait reçu exactement le même ordre un mois auparavant – apparemment sans grand effet.
Mardi, l’UNRWA a fait savoir que des responsables de la ville de Jérusalem et de la police avaient donné à six écoles de Jérusalem-Est – avec parmi elles, semble-t-il, des petits centres éducatifs de Silwan et de la Vieille ville – l’ordre de fermer dans un délai de 30 jours. L’agence s’est plainte, disant que « ces ordres de fermeture illégaux » mettront en péril l’éducation de 800 élèves.

Les écoles et le centre de formation étaient encore ouverts mercredi.
Selon la ville, des préparatifs ont été effectués, avant que la loi ne commence à être appliquée, dans le but de trouver des lieux d’apprentissage temporaires pour les quelques centaines d’élèves actuellement inscrits dans les écoles de l’UNRWA, sur un total de 105 000 élèves enregistrés à Jérusalem-Est.
La municipalité a déclaré avoir contacté les parents après l’adoption de la loi et une nouvelle fois après son entrée en vigueur pour leur rappeler qu’ils pouvaient transférer leurs enfants dans des écoles n’appartenant pas à l’UNRWA. Les contacts avec les parents ont été facilités par les associations de parents et par les activistes au sein des conseils communautaires, avec une campagne d’annonces numériques.

« Tous les résidents de Jérusalem – y compris ceux qui vivent dans le camp de réfugiés de Shuafat – ont toujours eu la possibilité d’inscrire leurs enfants dans les écoles municipales, même avant l’adoption de la loi », a expliqué la municipalité au Times of Israel. Elle a aussi démenti être responsable de la mise en œuvre de l’interdiction.
Si les actions entreprises par la police ne se sont apparemment pas élargies aux services de santé de l’UNRWA, la ville a également noté que les résidents de Shuafat n’avaient pas besoin de compter sur l’UNRWA pour se soigner et qu’ils avaient accès aux organisations israéliennes du secteur de la santé et aux dispensaires pédiatriques qui se trouvent à Jérusalem-Est.
Perpétuer le statut de réfugié
Israël exerce des pressions depuis longtemps en faveur du démantèlement de l’UNRWA, affirmant que l’agence ne fait que perpétuer le statut de victime des Palestiniens et leur dépendance à l’égard des aides en accordant, de manière controversée, le statut de réfugié aux descendants des personnes qui avaient été déplacées lors de la guerre d’indépendance d’Israël en 1948.
Le pays accuse également l’organisation – qui mène aussi ses opérations en Jordanie, en Syrie et au Liban – d’avoir adopté une idéologie anti-israélienne virulente dans ses manuels pédagogiques. L’État juif affirme qu’elle emploie des membres de groupes terroristes palestiniens à des postes d’enseignants, d’administrateurs et autres.
Les résidents palestiniens des camps de réfugiés qui se sont exprimés auprès du Times of Israel soulignent que le rôle tenu par l’UNRWA ne consiste pas seulement à fournir des services essentiels tels que l’éducation et les soins de santé – que certains réfugiés reçoivent effectivement ailleurs. Ils font remarquer que l’agence est aussi profondément liée à leur identité de Palestiniens déplacés en 1948.
« Il s’agit d’une question politique et morale », déclare un résident du camp de réfugiés de Shuafat. « Avoir une carte de réfugié de l’UNRWA, c’est une déclaration : ‘Je suis un réfugié’. Mon père avait une maison et il avait des biens qui lui ont été enlevés pendant la guerre de 1948 et un jour, je retournerai chez moi ».

Mais même si l’État juif, dans le passé, s’était opposé à l’existence de l’UNRWA, le pays avait coopéré avec l’agence, l’autorisant à mener ses activités et à fournir ses services dans les zones placées sous son contrôle – certains responsables considérant que c’était le moyen d’empêcher les Palestiniens de sombrer dans une pauvreté encore plus profonde, avec le risque de se laisser séduire par le passage à l’action violente.
Une situation qui avait paru changer dans le sillage du massacre commis par le Hamas dans sud d’Israël, le 7 octobre 2023. Jérusalem avait alors fourni la preuve qu’un certain nombre d’employés de l’UNRWA avaient pris part aux atrocités, aidant au kidnapping d’Israéliens. L’armée avait également révélé que les terroristes du Hamas avaient installé un centre de données directement sous le siège de l’UNRWA, dans la bande de Gaza.
Si la plus grande partie des pays qui aidaient à financer l’UNRWA avaient recommencé à donner de l’argent à l’agence après une brève pause – affirmant que l’aide apportée par l’organisation était indispensable alors que la guerre à Gaza faisait rage – les preuves de l’implication de certains employés de cette dernière dans le pogrom du 7 octobre avaient donné un important coup de pouce aux politiciens de Jérusalem désireux de prendre des mesures contre l’agence.

C’est ainsi que le 28 octobre, les députés de la Knesset avaient voté à 92 voix contre 10 une loi interdisant à l’UNRWA de mener des opérations sur le territoire israélien, et qu’ils avaient adopté, à 87 voix contre 9, une autre mesure qui interdisait aux autorités de l’État d’avoir le moindre contact avec l’agence.
Si certains responsables politiques israéliens avaient reconnu le risque humanitaire et le tollé international résultant de ces mesures, « le coût politique d’une éventuelle opposition à ces législations est devenu trop important pour être supporté », avait confié un officiel israélien, à l’époque, au Times of Israel.
Coopération réduite
Une grande partie des inquiétudes suscitées par l’adoption de ces textes de loi avait porté sur la mesure interdisant toute coopération entre les responsables israéliens et l’UNRWA, l’agence étant considérée comme le principal fournisseur d’aide humanitaire dans la bande de Gaza. Les experts avaient prévenu que la loi rendrait impossible le travail de l’organisation à Gaza ou en Cisjordanie dans la mesure où Jérusalem ne délivrerait plus de permis d’entrée dans ces territoires et n’autoriserait plus la coordination avec Tsahal, dont les soldats contrôlent tous les accès à l’enclave côtière.
L’UNRWA confirme au Times of Israel que quelques cadres internationaux ont quitté la Cisjordanie lorsque la loi est entrée en vigueur et qu’ils travaillent désormais à distance, depuis la Jordanie, dans le but d’échapper aux éventuelles restrictions de voyage imposées par la nouvelle législation.
Toutefois, si les opérations de l’UNRWA à Gaza et en Cisjordanie ont été réduites ces derniers mois, l’agence affirme que cette réduction a été davantage entraînée par les activités militaires israéliennes que par les changements survenus au niveau législatif.
Dans le nord de la Cisjordanie, par exemple, les écoles et les dispensaires de santé de l’UNRWA situés dans les camps de réfugiés adjacents aux villes de Jénine et de Tulkarem ont été fermés en raison d’une importante campagne antiterroriste lancée par les militaires, qui a entraîné l’évacuation de dizaines de milliers de résidents. À Gaza, les écoles de l’UNRWA qui avaient été rouvertes pendant le cessez-le-feu ont été refermées lorsque les combats ont repris, il y a un mois.

Au mois d’octobre, le Premier ministre Benjamin Netanyahu avait fait savoir qu’Israël souhaitait remplacer l’UNRWA par d’autres organisations internationales en tant que principal fournisseur d’assistance humanitaire dans la bande de Gaza. Avant même l’adoption de la législation, Israël avait envisagé de remplacer l’UNRWA par le Programme alimentaire mondial, l’UNICEF et d’autres agences.
Quoi qu’il en soit, au mois de mars, Israël a annoncé que l’entrée des aides serait dorénavant interdite au sein de l’enclave côtière. De son côté, l’UNRWA a continué à distribuer les produits qui se trouvaient encore dans ses entrepôts sur ce territoire.
La mesure qui a mis un terme à la coopération pourrait également avoir été liée à des informations qui avaient laissé entendre que l’agence était à court de médicaments en Cisjordanie – même si Salah Haj Yahya, un haut responsable de l’organisation Médecins pour les droits de l’Homme en Israël (PHRI), a attribué l’origine de cette pénurie à l’aggravation de la crise financière de l’UNRWA, et non à la législation.

Selon PHRI, qui fournit une assistance médicale bénévole aux Palestiniens de Cisjordanie, la pénurie de médicaments dans les dispensaires de l’UNRWA s’est accrue au cours des derniers mois.
Haj Yahya, qui dirige le dispensaire mobile de l’organisation israélienne, indique au Times of Israel que lors de sa dernière visite au camp de réfugiés de Balata à Naplouse, des milliers de personnes sont venues chercher des médicaments après avoir été dans l’incapacité d’obtenir ce dont elles avaient besoin auprès de l’UNRWA.
« Les gens sont arrivés avec des ordonnances à la main parce que l’UNRWA n’avait tout simplement pas pu leur fournir les médicaments », explique-t-il.
Un résident du camp de réfugiés de Jalazone, à proximité de Ramallah, qui demande à s’exprimer sous couvert d’anonymat, déclare au Times of Israel que les dispensaires de l’UNRWA, dans le camp, ont connu des pénuries récurrentes de médicaments au cours des dernières semaines.

« Il y a des médicaments disponibles dans les premiers jours du mois, probablement lorsque de nouvelles livraisons arrivent, mais ils sont épuisés dans les cinq jours qui suivent », déplore-t-il.
Dans une réponse officielle, l’UNRWA a nié qu’il y avait une pénurie de médicaments.
Certains aspects de la législation restent flous – il est notamment difficile de savoir si elle oblige les banques israéliennes à fermer les comptes détenus par l’agence, ce qui empêcherait l’UNRWA de payer ses employés, qui sont, dans leur majorité, des résidents palestiniens de Cisjordanie et de la bande de Gaza.
L’UNRWA indique que son seul compte bancaire israélien, ouvert à la Banque Leumi, a été gelé à la fin de l’année 2024, avant même l’entrée en vigueur de la loi. Selon l’agence, le compte servait à payer les fournisseurs israéliens pour leurs services – comme les frais de bureau et de téléphone. Il ne servait pas à verser les salaires des employés palestiniens.

La Banque d’Israël indique, pour sa part, au Times of Israel que les banques qui fournissent des services à l’UNRWA à l’intérieur du pays sont susceptibles d’être sanctionnées.
« Le système bancaire en Israël est tenu de se conformer à toutes les dispositions légales régissant ses opérations », commente un porte-parole. « La loi sur la cessation des activités de l’UNRWA rend illégales les activités de l’UNRWA sur le territoire israélien. En conséquence, toute activité financière qui autorise l’UNRWA à mener des opérations en Israël expose les sociétés bancaires à divers risques, que ce soit en matière juridique ou au niveau de la conformité, des risques que les banques sont tenues de gérer ».
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