Midrash visuel : une artiste israélienne photographie les femmes bibliques
Dikla Laor utilise son plateau du Golan natif en décor pour réinventer les héroïnes de la Bible
On peut facilement confondre les photographies de Dikla Laor de femmes de la Bible avec des peintures. Avec leurs poses théâtrales, leurs costumes colorés et très lumineux, ces images frappantes ressemblent à des oeuvres de maîtres du Baroque. Et pourtant, les oeuvres artistiques de Laor ont été prises au cours des dernières années à l’aide d’un appareil photo numérique sur le plateau du Golan.
Pour Pessah, les photographies de Laor de personnages féminins du récit de l’Exode comme la Fille du pharaon, Zipporah, la plus belle épouse de Moïse et fille de Jethro, le prêtre des Madianites, et les sage-femmes Shifra et Puah – avec des dizaines d’autres femmes bibliques – sont disponibles pour la première fois dans un nouveau livre publié.
Les femmes dans la Bible sur le paysage du Golan contient les 42 premières oeuvres d’un projet de l’Israélienne Laor qui souhaite créer des images interprétant chaque femme mentionnée dans la bible hébraïque. Ce livre est le point culminant de la première phase du projet, qui inclut plusieurs expositions en Israël.
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Laor, qui a commencé le projet en 2013, a déclaré au Times of Israël lors d’une récente interview qu’elle estime avoir couvert seulement environ un tiers des femmes mentionnées dans la Bible.
Âgée de 42 ans, Laor a encore beaucoup de travail devant elle. Et cela promet d’être difficile : les commentaires rabbiniques qu’elle utilise pour s’informer et s’inspirer sur la manière de représenter les femmes bibliques ne donnent pas beaucoup de détails. Dans certains cas, la seule information disponible dans le texte biblique est le nom de la femme. Elle doit inventer un propre commentaire visuel à partir de rien.
« Le travail individuel qui va dans la mise en place de chaque personnage, le besoin fondamental d’avoir des informations et de mener des recherches avant chaque photographie, la préparation et la recherche constantes de détails – et tout cela avant même que je pense à prendre mon appareil photo », a écrit Laor dans l’introduction de son livre, qui propose des textes en hébreu et en anglais avec ses photographies.
De manière très intéressante, Laor, qui pourrait assez facilement prendre la plupart de ses photos dans les endroits où les histoires bibliques ont eu lieu, a choisi de ne pas le faire. Au lieu de cela, elle prend ses photos exclusivement dans différents endroits du plateau du Golan, où elle vit à Givat Yoav avec son mari et ses trois enfants.
« Le Golan est ma maison. Je l’aime, cela représente pour moi un défi technique et artistique », a-t-il déclaré.
« La magnificence du Golan me donne un paysage unique et varié : la sécheresse représente le désert, le vert représente la fertilité et la jeunesse, et les montagnes complètement nues font penser à la mort », a écrit Laor dans son introduction.
Pour chaque photo, Laor repère l’endroit parfait et réfléchit à quelle saison et quel moment de la journée serait le meilleur pour la métaphore visuelle qu’elle souhaite créer et l’histoire qu’elle veut raconter. Elle doit y penser précisément, et longtemps en avance, en prenant en compte chaque détail. Elle fabrique les costumes à la main, en drapant ses modèles dans des tissus colorés et en les attachant avec des épingles.
Plus intéressée par représenter les femmes bibliques dans un style Renaissance qui les fait ressembler à d’anciens levantins, Laor ne recherche pas forcément l’authenticité historique. Au départ, elle a demandé à des amies et à des proches de servir de modèles.
Plus récemment, son groupe de modèles s’est élargi. La photographe a même embarqué dans l’aventure une femme qu’elle a rencontrée quand les deux femmes se sont percutées au cours d’un petit accrochage pour faire le portrait de la Reine de Sheba. (Dans cette photo, on peut voir la femme tremper son orteil, alors qu’elle confond le plancher en verre du palais du Roi Salomon avec de l’eau, selon la légende). Dans une photo, avec ses longs cheveux blonds et alors qu’elle porte une jupe bleue qui ondule, Laor elle-même pose devant un paysage marron comme Hannah, la mère stérile du prophète Samuel.
Laor a déclaré que ses photos les plus difficiles étaient celles avec des animaux. « Je m’en tire toujours avec quelques égratignures et des bleus, mais ça en vaut la peine », a-t-elle déclaré.
Pour sa photo de Batsheba, Laor a dû attendre un an jusqu’à ce qu’un corbeau blessé fasse son apparition dans un zoo local. Elle voulait que le corbeau (qui ne pourrait pas s’envoler) soit posé sur une pierre dans la photo – une référence à la légende rabbinique selon laquelle l’oiseau, qui représente le diable, est venu tenter le roi David.
Jusqu’à présent, sa photographie d’Eve, qui a nécessité un serpent de 70 kg, a été son plus grand défi.
La Dr Amy Kalmanofsky, la doyenne de l’Université Albert A. List des Etudes juives et professeure associée de Bible au Séminaire théologique juif, a déclaré au Times of Israël qu’elle appréciait ce que Laor faisait avec ses photographies.
« C’est louable qu’elle cherche à mettre en lumière toutes les femmes dans le Tanach [Bible], tout spécialement celles qui sont moins connues, a déclaré Kalmanofsky, qui a écrit des livres et de nombreux articles pour examiner la représentation biblique des femmes et les rôles joués par les femmes dans la Bible.
Kalmanofsky a dit qu’elle aimait comment les photographies de Laor capturaient la vitalité des femmes bibliques et leur histoires, transmettant ainsi le rôle essentiel que les femmes jouent dans la Bible.
« Il y a des différences de genre et une hiérarchie qui existe dans la Torah, mais le texte utilise les femmes avec une grande intentionnalité. Elles sont des personnages puissants et importants. Les femmes sont en première ligne et au centre du Tanach. Le défi pour les lecteurs modernes est de laisser de côté leurs préjugés [qu’elles ne sont pas importantes] », a-t-elle déclaré.
Selon Kalmanofsky, la Torah (les cinq livres de Moïse) et les Premiers prophètes contiennent de nombreux personnages féminins forts. Dans ces livres, l’unité de base de la société est la famille, dont certaines femmes disposent d’un pouvoir énorme. Pourtant, alors qu’Israël va vers un système plus centralisé – une monarchie – plus tard, les femmes perdent leur rôle central.
Quel que soit l’endroit où elles apparaissent dans la Bible, Laor présente les personnages féminins comme forts et positifs. Cela se fait parfois à l’aide d’ajouts au texte biblique, comme une représentation d’une prophétesse et de la juge Déborah sur un cheval.
A d’autres occasions, Laor s’accorde elle-même une plus grande liberté artistique, alors qu’elle fait le portrait de Jezebel comme une femme forte, positive et indépendante.
« Il n’y a pas de signe dans la photographie que Jezebel est la méchante comme elle est représentée dans la Bible. Dans le texte, elle est une menace forte pour Elijah, son ennemi juré. Elle est la figure du Baal en opposition à Dieu », a noté Kalmanofsky.
Selon Kalamofsky, l’interprétation de Laor n’est pas seulement créative, mais aussi légitime. En tant qu’universitaire, les interprétations de Kalmanofsky vont toujours vers le texte original. Pourtant, Laor en tant qu’artiste, a la liberté de créer des interprétation qui partent du texte mais qui s’en écartent.
« Elle a créé son propre midrash [commentaire] qui voit [les femmes] dans leur force et leur beauté », a déclaré Kalmanofsky.
En présentant les femmes seules – il n’y a pas de personnages hommes dans les photographies à part quelques jeunes garçons quand c’est nécessaire – il ne fait aucun doute que Laor invite les spectateurs à appliquer leur sensibilités féministes modernes à son interprétation visuelle de la Bible.
« Ce n’était pas mon intention de faire un manifeste féministe. C’est juste ressorti naturellement des photographies », a dit Laor.
Les femmes dans la Bible sur le paysage du Golan est disponible seulement à travers le site internet de Dikla Laor.
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