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Le journaliste juif sud-africain Jeremy Gordin tué lors d’un cambriolage

Le journaliste de 70 ans a été tué en mars après avoir dénoncé la criminalité à Johannesburg. Formé à Jérusalem, il avait dirigé un tabloïd et la version sud-africaine de Playboy

Jeremy Gordin porte un toast, sur une photo de famille non datée. (Autorisation : Famille Gordin via la JTA)
Jeremy Gordin porte un toast, sur une photo de famille non datée. (Autorisation : Famille Gordin via la JTA)

JTA — Jeremy Gordin, l’un des plus célèbres journalistes d’Afrique du Sud, avait à plusieurs reprises évoqué, ces derniers mois, les cambriolages dont il avait été victime, à son domicile de Johannesburg.

Dans sa chronique hebdomadaire, il disait sa consternation face au caractère quasi-endémique de la criminalité, au déclin de la qualité de vie dans les villes et aux coupures d’électricité régulières que connaissaient les Sud-Africains en raison de la mauvaise gestion et de la corruption.

Dans une chronique intitulée « Il fait sombre, bien trop sombre pour voir », d’après des paroles de Bob Dylan, il s’était adressé à ses deux enfants, âgés d’une vingtaine d’années.

« Je ne dis pas que vous allez vous allez devoir fuir votre propre pays, ni que votre tombe sera un jour retournée et jonchée d’ordures. Mais viendra le moment où les choses s’effondreront, c’est certain », concluait-il.

Dans une sorte de clin d’oeil à son identité juive, il avait ajouté :« Vous qui avez toute la vie devant vous (comme on dit), envisagez sérieusement d’aller vivre ailleurs. C’est ce que nous faisons depuis des siècles, après tout. »

Le 31 mars, les pires craintes de Gordin se sont matérialisées : il a été tué, à l’âge de 70 ans, lors d’un cambriolage de nuit, à son domicile.

La police sud-africaine a parlé d’un « vol qui a mal tourné », sans toutefois préciser la cause exacte du décès.

Sept personnes ont été arrêtées à Johannesburg deux semaines plus tard; l’un d’eux conduisait une voiture volée chez les Gordin.

C’est une fin tragique pour Gordin, qui, comme tant d’autres Juifs d’Afrique du Sud, avait épousé à la fois la cause d’Israël et celle des Sud-Africains noirs.

En sa qualité de journaliste, il avait dirigé la version sud-africaine de Playboy, un journal de la classe ouvrière noire et une initiative destinée à prouver l’innocence de personnes emprisonnées à tort.

Il avait à plusieurs reprises remporté le prix annuel du meilleur journaliste.

Gordin était également un très bon ami, qui n’hésitait pas à offrir l’hospitalité de sa maison du quartier Parkview, à Johannesburg, à ses invités. (L’auteur de ces lignes en a d’ailleurs fait l’expérience lors d’un passage à Johannesburg pour Efe, le journal espagnol.)

Gordin était né à Pretoria en 1952, dans une famille juive d’origine lituanienne et lettone.

Après un passage au Sud-Vietnam, où son père pharmacien travaillait pour les États-Unis, sa famille est retournée en Afrique du Sud.

Gordin est allé au lycée à Brakpan, une ville de l’est industriel de Johannesburg, emblématique de la classe ouvrière blanche afrikaner à laquelle il faisait souvent référence dans ses articles.

Gordin a obtenu une bourse pour étudier en Israël et obtenu une licence tout en jouant au rugby à l’Université hébraïque de Jérusalem.

De retour dans son pays, il a effectué un service militaire volontaire dans le 1er bataillon d’élite des parachutistes de l’armée sud-africaine, avant de se lancer dans une prolifique carrière de journaliste.

En 1998, il avait publié un livre inspiré de ses entretiens avec le chef de l’escadron de la mort du gouvernement d’apartheid, Eugen de Kock. Alors incarcéré, de Kock lui avait confié ce qu’il avait fait et révélé l’identité de ses donneurs d’ordres crimes, qui furent à peine interrogés et jamais jugés.

Gordin est l’auteur d’un autre ouvrage célèbre sur l’histoire récente de l’Afrique du Sud, à savoir sa biographie de l’ancien président sud-africain Jacob Zuma.

Publié en 2010, un an après l’arrivée au pouvoir de Zuma, il va au-delà du discours habituel sur ce combattant Zulu pour la liberté, qui a appris à lire et à écrire à l’âge adulte et a souvent été sous-estimé par les intellectuels sud-africains .

Zuma a quitté ses fonctions en 2018 après un mandat marqué par des accusations de corruption, népotisme et incompétence.

La biographie de Gordin a été critiquée pour son indulgence envers son sujet, mais elle demeure centrale pour comprendre la psychologie de Zuma et ses motivations profondes.

Au début des années 1990, après un passage à San Francisco, Gordin est devenu rédacteur en chef de Playboy South Africa. Il a posé nu, avec seulement un magazine en couverture, pour promouvoir le lancement du magazine dans son pays.

Dans un essai récent, Gordin disait avoir tenté d’obtenir la une avec Charlize Theron pour le premier numéro de son magazine.

En 2012, il devenait rédacteur en chef par intérim du Daily Sun, un tabloïd sud-africain très populaire parmi la classe ouvrière noire.

Le journal avait perdu beaucoup de son attrait à la mort de son fondateur, Deon du Plessis, charismatique dirigeant afrikaner et Gordin est parvenu à redonner son lustre et ses lecteurs à cette publication. Comme l’a dit un de ses confrères au moment où il a pris sa retraite, il avait « ramené l’esprit rock’n roll au Sun ».

Jeremy Gordin, à droite, devant des couvertures du Sun, tabloïd sud-africain qu’il a dirigé pendant de nombreuses années. (Avec l’aimable autorisation de la famille Gordin via JTA)

Le succès du tabloïd reposait pour l’essentiel sur la violence, les commérages et le sexe, et il faisait souvent référence aux « tokoloshes », créatures fantastiques de la mythologie africaine dont les rencontres avec les lecteurs du Sun trouvaient un écho à l’échelle nationale.

Le tabloïd traitait parfois de sujets sérieux.

Sous la direction de Gordin, le Daily Sun a ainsi révélé l’histoire de l’assassinat, par des policiers, du chauffeur de taxi immigré mozambicain Mido Macias.

Un lecteur avait filmé son arrestation brutale et l’avait envoyée au journal.

Huit policiers impliqués dans la mort de la victime en détention ont finalement été condamnés à 15 ans de prison.

Après avoir quitté le Daily Sun, Gordin a coordonné le Wits Justice Project, programme de journalisme axé sur les prisonniers innocents ou traités injustement.

En 2011, il a contribué à la libération de Fusi Mofokeng et Tshokolo Joseph Mokoena, qui avaient purgé 19 ans de prison pour un crime qu’ils n’avaient pas commis.

Les amis, nombreux, de Gordin disent que sa sympathie pour les opprimés était lié au judaïsme ainsi qu’à l’éducation qu’il avait reçue.

Juif non-pratiquant, Gordin parsemait ses articles d’histoires et de blagues juives, tout autant que de mots et expressions yiddish.

Il était extrêmement lettré et d’une extrême curiosité, heureux de partager ce qu’il avait découvert avec ses amis, même des commérages, impertinents mais inoffensifs, en privé comme dans ses articles.

Il est arrivé que journalisme et judaïsme se rejoignent, comme en 2016, lorsqu’il a couvert depuis Johannesburg l’audience d’extradition d’un rabbin hassidique, Eliezer Berland, recherché en Israël pour viol.

Sa dernière chronique, publiée la veille de sa mort, expliquait et condamnait les réformes judiciaires de droite proposées en Israël.

Le rabbin Saar Shaked de la synagogue progressiste Beit Emanuel à Johannesburg a déclaré que Gordin était un ami et un « esprit libre », qui ne venait pas souvent prier à la synagogue mais plus volontiers y parler de la Torah, de l’histoire et de la loi juives.

Gordin laisse derrière lui son épouse, Deborah Blake, et ses enfants, Jake et Nina.

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