Naor à Shaked : ne reportez pas la nomination de mon remplaçant
La présidente de la Cour suprême fait pression sur la ministre de la Justice

Miriam Naor, la présidente de la Cour suprême, a prévenu lundi la ministre de la Justice Ayelet Shaked que reporter l’annonce de son remplaçant pourrait entraîner des actions juridiques.
Dans une lettre très dure, Naor a prévenu que si Shaked empêchait la commission des nominations judiciaires d’annoncer la nomination du prochain président de la Cour, qui sera probablement Esther Hayut, elle porterait l’affaire devant la Haute cour de Justice.
Shaked avait accepté sur le principe la nomination de Hayut, mais voudrait atteindre un consensus avec Naor sur les remplaçants des juges Yoram Danzinger et Uri Shoham, qui partent à la retraite.
La commission des nominations judiciaires doit se prononcer pendant sa prochaine réunion, prévue le 18 juillet, sur la nomination de Hayut, mais selon le site d’information Ynet, Naor s’inquiète que Shaked ne mette pas le vote au programme de la réunion parce que les deux femmes ne se sont pas mises d’accord.
La commission des nominations judiciaires est obligée de publier les votes à venir 45 jours à l’avance, ce qui l’oblige à publier dimanche au plus tard les votes de la réunion de juillet.
La ministre de la Justice contrôle seule le programme de la commission, ce qui signifie que Shaked peut techniquement repousser la nomination du nouveau président de la Cour suprême, même après la retraite de Naor en octobre.
« Shaked devrait utiliser son autorité pour établir le programme de manière uniquement sincère et professionnelle, a écrit Naor. Il semble que la seule raison pour repousser la réunion de la commission soit que nous ne puissions pas trouver un accord concernant les juges qui seront nommés à la place de Danzinger et Shoham. »
La commission de neuf membres est composée, en plus de Shaked, du ministre des Finances Moshe Kahlon, de deux députés de la coalition, Nurit Koren (Likud) et Robert Ilatov (Yisrael Beytenu), de représentants de l’Association du Barreau et de trois juges de la Cour suprême, Naor, Elyakim Rubinstein et Salim Joubran.
Au moins sept des neuf membres (ou deux de moins que le nombre de membres présents) doivent approuver les nominations, et les juges de la Cour suprême votent généralement la même chose. En pratique, ceci empêche toute nomination sans l’accord de la Cour.
Shaked, membre du parti de droite HaBayit HaYehudi, a souvent dit qu’elle souhaitait restreindre les pouvoirs de la Cour suprême, ou changer sa composition pour y intégrer des opinions plus conservatrices.
L’année dernière, la ministre de la Justice a affronté Naor sur un projet de loi, soutenu par Shaked, qui aurait vu les juges être nommés à la majorité des voix de la commission.
Naor avait accusé Shaked de vouloir réformer injustement le processus de nomination, et avait annoncé qu’elle mettrait fin à ses consultations privées avec la ministre. Le projet de loi a été abandonné et la commission a repris ses discussions sur le processus de nomination.
La cour a souvent été critiquée par la droite et les politiciens orthodoxes en raison de son ethos interventionniste, mis en place par Aharan Barak, qui a présidé la Cour suprême entre 1995 et 2006. Dans son autre rôle de Haute cour de Justice, la plus haute autorité judiciaire du pays, à qui quiconque peut faire appel contre des actions de toutes les branches de l’Etat, la Cour possède des pouvoirs considérés par beaucoup d’universitaires comme plus importants que dans toute autre démocratie.
Ces pouvoirs ont entraîné des luttes féroces sur sa composition.
Les détracteurs de la Cour affirment que le système actuel de sélection des juges entraîne une cour dont les juges pensent généralement de la même manière, et ne nomment que ceux qui partagent leurs idéologies.
Les défenseurs de la Cour affirment que ses pouvoirs se sont développés pour remplir le vide laissé par la Knesset, célèbre pour son incapacité à trancher des questions cruciales de droit et de société, esquivant ses responsabilités de décision sur les sujets de liberté religieuse, de protection des droits civiques, ou des droits des Palestiniens.
Dans une société divisée comme celle d’Israël, maintenir un pouvoir judiciaire fort et indépendant, disent-ils, sert de contrepoids au danger d’une « tyrannie de la majorité » au parlement unicaméral du pays, qui pourrait piétiner les droits de ceux qui ne sont pas correctement représentés ou insuffisamment protégés par le système politique.
Marissa Newman a contribué à cet article.