« Ne m’utilisez pas pour promouvoir des discours clivants », dit le réserviste qui a tué un terroriste
Hospitalisé après avoir été blessé lors d'un attentat en Cisjordanie, Hananya Ben Shimon s'en prend à l'exploitation, par les politiciens, de son "héroïsme" alors même que ses "droits fondamentaux sont parfois niés" en tant qu'homosexuel
Un réserviste de l’armée qui a été blessé pendant des échanges de coups de feu avec des terroristes aux abords d’un checkpoint, en Cisjordanie, s’est livré à un plaidoyer passionné, demandant à ce que son cas ne soit pas utilisé comme outil de promotion de discours « clivants ou agressifs ». Il a par ailleurs fait savoir qu’il ne voulait pas être exploité dans le cadre du débat portant l’assouplissement des lois sur le port d’arme.
Hananya Ben Shimon, 23 ans, a abattu l’un des trois terroristes qui avaient attaqué des automobilistes pris dans les embouteillages entre Jérusalem et Maale Adumim, une implantation de Cisjordanie, jeudi. Il a été lui-même modérément blessé dans l’échange de tirs qui a suivi. L’attentat a fait un mort et onze blessés.
Ben Shimon a dénoncé avec force, vendredi, les paroles prononcées par les députés et les posts publiés sur les réseaux sociaux qui ont exploité son « soi-disant acte d’héroïsme » pour promouvoir le déploiement du port d’arme chez le plus grand nombre d’Israéliens, de manière à pouvoir répondre rapidement aux incidents terroristes.
« Je n’ai aucun argument à opposer à l’importance des armes – ma vie a été sauvée grâce à une arme – mais avant d’emmener des armes partout avec nous, les politiciens doivent également trouver une meilleure solution parce qu’une arme n’est qu’un pansement, elle ne peut pas être une solution et ne l’est très certainement pas dans des pièges mortels comme peuvent l’être des embouteillages », a-t-il dit.
Au moment de l’attentat, Ben Shimon partait à son travail – il assure la garde des groupes touristiques – et était en possession d’une arme à feu confiée par son entreprise de sécurité.
Ses propos font référence à une déclaration faite par le ministre de la Sécurité nationale Itamar Ben Gvir sur la scène de l’attaque terroriste – il avait indiqué qu’une catastrophe plus grande encore avait pu être évitée grâce à la police et aux civils armés, affirmant que « tout le monde comprend bien que les armes sauvent des vies ».
Dans une série de publications écrites sur X, Ben Shimon a noté qu’il était homosexuel. Il a déploré une certaine ironie dans le fait de voir des ministres de droite l’utiliser – le qualifiant de « héros » – dans le but de faire avancer leurs « intérêts idéologiques » et ce même alors qu’ils « rejettent ses droits » et ceux de la communauté LGBTQ.
Avant de devenir ministre, Ben Gvir avait activement pris part aux mouvements de protestation contre la Marche des Fiertés de Jérusalem. Un certain nombre de membres de premier plan du gouvernement ont tenu des propos anti-LGBTQ et se sont prononcés en faveur de lois susceptibles de porter atteinte aux droits de la communauté.
« Je suis gay, en effet, et en tant que tel, je suis parfois privé de mes droits fondamentaux ; j’ai beaucoup de choses à dire et des désaccords déterminants sur des questions essentielles de ma vie, même avec mes parents – sans parler de certains responsables élus », a écrit Ben Shimon.
« Je tente toutefois d’avoir des discussions et des débats sur ces sujets de manière respectueuse, sans en faire quelque chose de personnel, et je demande le même respect quand c’est mon nom qui est utilisé », a-t-il poursuivi.
Ses posts ont été lus dans les heures qui ont suivi leur rédaction par des dizaines de milliers de personnes et ont fait réagir tout le spectre politique.
Almog Cohen, député du parti Otzma Yehudit, l’a remercié pour « avoir sauvé des vies » et lui a souhaité, comme l’a fait aussi Naama Lazimi, législatrice du parti Avoda, de se rétablir rapidement. Idan Roll, de Yesh Atid, a pour sa part écrit : « Ce n’est pas ‘soi-disant’ de l’héroïsme mais de l’héroïsme réel et c’est aussi un exemple personnel de la manière dont une discussion complexe doit être menée. »
Ben Shimon était assis dans sa voiture, aux côtés de sa mère, quand les terroristes ont ouvert le feu à l’arme automatique sur les véhicules qui étaient immobilisés par l’embouteillage. Il a tiré après avoir vu lui-même l’un des attaquants tirer.
Le réserviste, revenu de Gaza il y a trois semaines après avoir servi dans une unité de blindés pendant trois mois, dans le contexte de la guerre opposant Israël au Hamas, a aussi annoncé, vendredi, que son état s’améliorait.
« Aujourd’hui, je vais pouvoir poser du poids sur mes jambes ; vos prières sont exaucées », a-t-il fait savoir.
La guerre a éclaté à Gaza après le massacre du groupe terroriste du Hamas dans le sud d’Israël le 7 octobre – des milliers d’hommes armés ont tué environ 1 200 personnes et kidnappé plus de 250 personnes, des civils en majorité, prises en otage dans la bande de Gaza. Ils ont semé la désolation dans les communautés et commis des atrocités – notamment des viols et des violences sexuelles à grande échelle ainsi que des actes de torture et de mutilation.
Israël a riposté en lançant une campagne militaire dont l’objectif est de détruire le Hamas, de l’écarter du pouvoir à Gaza et de garantir la libération des otages. L’armée israélienne a procédé à une mobilisation massive des réservistes à cette occasion – et nombreux sont ceux qui sont restés pendant de longs mois au combat.