Netanyahu cède son poste de ministre à un autre député accusé de corruption
Contraint de céder ses portefeuilles, le Premier ministre nomme David Bitan ministre de l'Agriculture ; Hotovely du Likud et Cohen du Shas reçoivent également des ministères
Jacob Magid est le correspondant du Times of Israël aux États-Unis, basé à New York.
Le Premier ministre Benjamin Netanyahu a annoncé dimanche une série de nominations à des postes ministériels de haut niveau après avoir été contraint d’abandonner tous ses postes ministériels en raison des accusations criminelles portées contre lui.
Le Premier ministre a notamment fait appel au député du Likud David Bitan, qui sera ministre de l’Agriculture malgré sa propre situation juridique. En mars dernier, la police a recommandé qu’il soit inculpé de multiples chefs d’accusation, dont corruption, fraude et blanchiment d’argent.
La police a déclaré que son enquête de deux ans avait fourni suffisamment de preuves pour accuser Bitan, un allié clé de Netanyahu, d’avoir accepté de l’argent en échange de faveurs politiques alors qu’il était député et auparavant maire adjoint de Rishon Lezion.
Bien qu’il ait nié tout méfait, Bitan, 59 ans, a démissionné de son poste de député de la coalition en 2017, peu après que la nouvelle de l’enquête policière ait été divulguée.
Le cabinet de Netanyahu comprend un autre ministre que la police a recommandé de faire passer en jugement pour corruption : le ministre de l’Intérieur Aryeh Deri, du parti Shas. Le député Likud Haim Katz a démissionné de son poste de ministre des Affaires sociales en août après que le procureur général ait annoncé des accusations de corruption contre lui.
Prévenant les critiques sur la nomination controversée de Bitan, le porte-parole de Netanyahu a publié un communiqué disant que le Premier ministre avait promis à Bitan un poste ministériel bien avant l’enquête de police sur la conduite de ce dernier. « Le Premier ministre a tenu sa promesse », a ajouté le porte-parole.
Ont également été promus dimanche la députée du Likud Tzipi Hotovely, qui a été nommée au poste de ministre des Affaires de la diaspora, et le député Shas Yitzhak Cohen, qui a été nommé ministre du Logement, en remplacement de la députée Koulanou devenue Likud, Yifat Shasa-Biton, qui a été promue à la tête du ministère des Affaires sociales.
Les ministres du Cabinet qui font l’objet d’une inculpation pénale sont tenus de démissionner de leur poste, bien qu’aucun ordre explicite de ce type ne soit prévu dans le droit israélien pour les Premiers ministres.
En novembre, Netanyahu est devenu le premier Premier ministre en exercice à être inculpé quand le procureur général Avichai Mandelblit a annoncé qu’il le mettrait en examen pour corruption, fraude et abus de confiance. Netanyahu nie les accusations.
Mandelblit a jugé que Netanyahu n’avait pas à démissionner de son poste de Premier ministre, car il dirige actuellement un gouvernement intérimaire, de sorte qu’une telle action n’aurait « aucune pertinence pratique ». Mais il a déclaré que le Premier ministre devait renoncer à ses autres postes.
Netanyahu avait promis à la Haute Cour de justice qu’il quitterait tous ses postes à l’exception de celui de Premier ministre d’ici la fin 2019. Dans un accord de coalition avant les élections de la 20e Knesset – maintenant dissolue mais qui n’a pas encore été remplacée –, un portefeuille avait été promis à un député du parti Shas tandis que deux autres avaient été réservés à des députés du Likud.
Il y a un peu plus de deux ans, Hotovely s’est retrouvée visée par une polémique suite à des commentaires lors d’une interview télévisée. Elle avait affirmé que les Juifs américains avaient du mal à comprendre le Moyen-Orient parce qu’ils menaient une vie confortable et n’avaient pas à effectuer leur service militaire.
Elle s’est plus tard excusée, mais n’a pas retiré ses remarques, ce qui a profondément irrité de nombreux dirigeants juifs américains. Netanyahu aurait même envisagé brièvement de la renvoyer de son poste de vice-ministre des Affaires étrangères suite à cette affaire.
Remerciant Netanyahu pour sa nomination, Hotovely a déclaré qu’elle travaillerait à faire avancer les politiques qui garantiront que les Juifs de tous bords « se sentiront chez eux en Israël ».
Elle a promis de travailler avec les dirigeants des communautés juives « dans la lutte contre la vague montante d’antisémitisme à travers le monde ».
Netanyahu a également déclenché de vives critiques ces derniers jours en faisant appel au président du parti Yahadut Hatorah, Yaakov Litzman, pour le remplacer au poste de ministre de la Santé.
Cette décision a provoqué une sévère condamnation de la part d’organisations juives australiennes, révulsée par la nomination d’un homme visé par une recommendation d’inculpation de la police. Le ministre est accusé d’avoir tenter d’empêcher l’extradition d’une pédophile recherchée par les autorités australiennes.
En réponse à la nomination de Bitan, le parti centriste Kakhol lavan a déclaré que « le gouvernement Netanyahu est en train de se transformer en organisation criminelle dont le seul but est d’assurer l’immunité à l’homme qui le dirige ».
Le Camp démocratique a également fustigé la décision. « Le ministère de l’Agriculture n’est pas un prix à remettre aux politiciens corrompus », a déclaré l’alliance de gauche dans un communiqué.
Le parti d’opposition de droite Yisrael Beytenu a critiqué Netanyahu pour avoir nommé Cohen à la tête du ministère du Logement. « Il ne suffisait pas que le Shas détienne le ministère de l’Intérieur, par lequel il transfère des fonds aux villes ultra-orthodoxes au détriment des villes de périphérie. Désormais, le ministère du Logement transférera également des terres agricoles aux municipalités ultra-orthodoxes », a accusé le parti.