Nides à Chikli : les États-Unis continueront à se mêler des affaires d’Israël
L’envoyé américain rappelle l’importance du soutien américain, commente la réunion d’Aqaba et la nécessité des relations avec l’AP, confirme la mort des accords avec l’Iran
Jacob Magid est le correspondant du Times of Israël aux États-Unis, basé à New York.

L’ambassadeur des États-Unis en Israël, Tom Nides, a répondu mardi au ministre des Affaires de la diaspora, Amichai Chikli, qui avait déclaré au début du mois que le diplomate devrait « s’occuper de ses affaires » après les appels lancés par Nides au gouvernement israélien pour qu’il freine son projet controversé de refonte du système judiciaire.
« Un officiel israélien – je ne le connais pas, je ne pense pas l’avoir rencontré – a suggéré que je ne devrais pas me mêler des affaires d’Israël », a déclaré Nides lors d’une interview en direct à une conférence organisée par l’Institut d’études de sécurité nationale (INSS) à Tel Aviv.
« Mais je crois sincèrement que la plupart des Israéliens veulent que l’Amérique se mêle de leurs affaires », a-t-il ajouté, une référence claire au soutien sécuritaire, politique et diplomatique que Washington apporte à Jérusalem depuis des dizaines d’années.
Ces propos interviennent à la suite du différend qui a pris de l’ampleur le 16 février, date à laquelle Nides a recommandé de freiner la réforme du système judiciaire, et ce, juste après une rare déclaration du président américain Joe Biden lui-même, où il exhortait le gouvernement à « trouver un consensus » pour les « changements fondamentaux » que la coalition cherche à instaurer.
Mais ce sont les commentaires de Nides qui ont touché une corde sensible chez les ministres israéliens.
« Comme je le dis à mes enfants, il faut freiner », a déclaré Nides à propos de la poussée législative du gouvernement lors d’une interview pour un podcast avec David Axelrod, ancien responsable de l’administration Obama.
« Freinez vous-même et occupez-vous de vos affaires », avait rétorqué Chikli lors d’une interview à la radio publique Kan quelques jours plus tard.
Chikli a affirmé qu’il serait ravi de discuter de questions diplomatiques et de sécurité avec Nides, mais a insisté sur le fait que l’envoyé devait « respecter notre démocratie. »

Plus tard dans la journée, le Premier ministre Benjamin Netanyahu a déclaré lors d’une conférence de cadres de la communauté juive américaine : « Toutes les démocraties doivent respecter la volonté des autres peuples libres, tout comme nous respectons leurs décisions démocratiques. »
Lors de l’interview de mardi, Nides a réitéré sur le plateau, son appel à la coalition à « ralentir un peu » et à « essayer de trouver un consensus », plutôt que de propulser ses propositions avec un bulldozer à la Knesset.
Il a fait observer que le président Isaac Herzog avait formulé le même souhait, et a souligné l’importance de maintenir un système judiciaire fort.
« La semaine dernière, lorsque nous défendions l’État d’Israël à l’ONU, et notre référence depuis toujours », sont les institutions indépendantes d’Israël, a déclaré Nides.
Et dans un geste pour minimiser le désaccord, il a déclaré : « Ne vous méprenez pas, nous sommes aux côtés d’Israël. Nous travaillons avec Israël. C’est une très belle démocratie. Et [cela] a été prouvé tous les jours, de toutes sortes de manières, et cela continuera ».
Répondant à l’ambassadeur, Chikli a tweeté : « Les États-Unis sont notre plus proche allié et un phare pour la démocratie. Je suis convaincu qu’ils respecteront notre conviction que les citoyens israéliens peuvent gérer leurs propres affaires et jouir – selon les mots de Thomas Jefferson – ‘d’un gouvernement qui tire ses justes pouvoirs du consentement des gouvernés’. »

Que s’est-il passé au Conseil de sécurité de l’ONU ?
Lors de l’entretien en plateau, Nides a également été interrogé sur les efforts déployés par les États-Unis pour désamorcer les tensions entre Israël et l’Autorité palestinienne. L’ambassadeur a déclaré que les deux parties avaient tenu des négociations au début du mois, à la demande de l’administration Biden, lesquelles ont amené l’Autorité palestinienne à retirer une résolution du Conseil de sécurité des Nations unies exigeant l’arrêt immédiat des implantations.
Mais la version des événements donnée par le haut responsable de l’Autorité palestinienne, Hussein al-Sheikh, est différente. Il a déclaré lundi à Palestine TV que les États-Unis avaient fait pression sur les membres du groupe de travail de l’ONU pour qu’ils abandonnent la proposition.
Selon al-Sheikh, l’administration Biden aurait tenté la semaine dernière d’amadouer l’AP pour qu’elle ne soumette pas la résolution avant 24 heures. Lorsque le président de l’AP, Mahmoud Abbas, a refusé, « les États-Unis ont fait pression sur les 15 membres du Conseil de sécurité pour que la résolution ne soit pas soumise au vote », a déclaré al-Sheikh.
Pressé pour donner plus de détails, al-Sheikh a déclaré qu’il ne voulait pas « révéler des informations embarrassantes pour l’une ou l’autre des parties ».
Il a insisté sur le fait que l’AP n’était pas responsable de la suppression de la résolution rédigée par les Émirats et a suggéré que les membres du Conseil de sécurité avaient cédé sous la pression des États-Unis.
Plutôt que d’adopter une résolution contraignante, le Conseil de sécurité s’est contenté de publier une déclaration collective condamnant les implantations israéliennes. Bien que la déclaration présidentielle soit essentiellement symbolique, c’est la première déclaration relative au conflit israélo-palestinien que le groupe publiait en neuf ans.

L’importance d’Aqaba
Malgré la recrudescence actuelle des violences en Cisjordanie et les relations tendues entre l’AP et le nouveau gouvernement israélien, les parties ont participé à un sommet régional à Aqaba, en Jordanie, dimanche, en compagnie de responsables américains, égyptiens et jordaniens.
Alors que deux responsables impliqués dans la planification du sommet d’Aqaba ont confié au Times of Israel que c’étaient les États-Unis qui avaient incité les parties à y participer, Nides a affirmé mardi que la Jordanie était le pays qui avait « poussé à la roue » et a minimisé l’importance de la conférence.
« Ne nous emballons pas, les amis. Ce ne sont pas les accords de Camp David. Ce n’est pas la paix au Moyen-Orient. Ce sont des petits pas pour essayer d’éviter des actions, qui [sont] préjudiciables pour les États-Unis, Israël, le peuple palestinien », a-t-il déclaré, en se référant clairement aux engagements pris par Jérusalem et Ramallah dans un communiqué publié après le sommet.
Bien que le communiqué conjoint soit resté vague par rapport aux engagements de l’AP, il indique qu’Israël a accepté de ne pas donner suite aux projets de nouvelles implantations pendant quatre mois et de ne pas autoriser la légalisation d’avant-postes pendant six mois.

Israël a toutefois précisé que cet engagement ne s’étendrait pas à l’annonce faite au début du mois approuvant la légalisation de neuf avant-postes et autorisant les projets de construction de près de 10 000 logements dans les implantations. En outre, Netanyahu a expliqué à son parti du Likud la semaine dernière que l’organe du ministère de la Défense qui autorise l’expansion dans les implantations ne se réunit de toute façon que tous les trimestres et qu’il continuera à le faire comme prévu.
Nides a noté que le sommet a eu lieu le même jour qu’une fusillade terroriste qui a coûté la vie à deux jeunes frères israéliens qui traversait la ville palestinienne de Huwara en voiture, suivie par un saccage meurtrier des habitants des implantations dans la communauté, tuant un Palestinien, en blessant grièvement quatre autres et en incendiant des dizaines de bâtiments et de véhicules.
« Nous avons de très sérieux problèmes en Cisjordanie. La violence des habitants des implantations, est source d’une énorme souffrance », a déclaré Nides. « Je pense qu’aucun Israélien [n’a] éprouvé de fierté en voyant les habitants des implantations israéliennes brûler des voitures et briser des vitres ».
« Cette [violence] a eu lieu en même temps que [le sommet], mais arriver à réunir [les parties] dans une pièce pendant 24 heures et en sortir avec un document stipulant quoi que ce soit est un progrès », a-t-il ajouté. « Je sais que ce ne sera pas le prix Nobel de la paix, mais c’était utile ».
« Nous entrons dans une période très compliquée. Nous devons maintenir le calme autant que possible afin d’éviter de perdre le contrôle de la situation, ce qui pourrait facilement arriver », a-t-il déclaré.
Les drones iraniens en Russie signent l’arrêt des négociations nucléaires
En ce qui concerne le programme nucléaire iranien, Nides a indiqué que l’administration Biden respecterait ses engagements envers Israël, à savoir qu’elle ne permettrait pas à l’Iran de se doter de l’arme nucléaire, qu’elle ne « lierait pas les mains d’Israël » si Jérusalem cherchait à se défendre contre cette menace et qu’elle « soutiendrait Israël » si celui-ci décidait d’agir.
Il a reconnu que les avis sont partagés et que les États-Unis continuent à privilégier une solution diplomatique au problème tandis qu’Israël continue à appeler Washington à menacer l’Iran d’une action militaire.
Nides a néanmoins déclaré qu’un retour aux négociations nucléaires, moribondes depuis longtemps, n’était pas envisageable tant que Téhéran continuerait à réprimer les manifestants contre le régime et à vendre des drones à la Russie qui les utilise contre l’Ukraine.