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Nord de la France: la mémoire fragile de la grève anti-nazis des mineurs de 1941

"On n'imagine pas la force de ce mouvement, une grève extraordinaire, qui a surpris tout le monde", s'enthousiasme l'historien Pierre Outteryck

Otello Troni (Crédit : capture d'écran d'une vidéo Viméo de Pierre Outteryck et Jean-Louis Accettone)
Otello Troni (Crédit : capture d'écran d'une vidéo Viméo de Pierre Outteryck et Jean-Louis Accettone)

L’un de ses derniers acteurs vient de disparaître, elle peine à entrer dans les manuels : la mémoire de la grève des mineurs du Nord et du Pas-de-Calais contre l’occupant nazi en 1941, il y a 80 ans, vacille mais peut compter sur une poignée de passionnés.

Au son de l’Internationale et de « L’Italien » de Serge Reggiani, par un jour de décembre glacial, Billy-Montigny, petite commune de l’ancien bassin minier, rend hommage à son ancien maire communiste, Otello Troni, décédé à 94 ans.

Le vieil homme était l’un des derniers témoins de la grande grève de 1941, qu’il avait racontée en 2017 à l’historien Pierre Outteryck. Il avait 15 ans à l’époque.

Le 27 mai 1941, face au blocage des salaires et au rythme de travail imposé par les Allemands, le mouvement démarre à la fosse dite « du Dahomey », puis fait tache d’huile, avec 100 000 mineurs en grève.

« Le chef d’équipe me disait : ‘Les enfants, vous allez arrêter les machines ? Si les Allemands arrivent à le savoir, vous allez passer à la casserole’ « , racontait Otello Troni. « Crac, je t’arrête les machines », se souvenait celui qui travaillait alors dans une usine fournissant des pièces aux compagnies minières.

Répression féroce

Les leaders syndicaux mobilisent sur le ravitaillement en savon et en nourriture, ainsi que sur les conditions de travail. Mais « les mineurs voient bien qu’une bonne partie du charbon qu’ils extraient part pour l’Allemagne et constatent la présence répressive très forte des autorités allemandes dans ces départements occupés », explique Pierre Outteryck, qui prépare une thèse sur le sujet.

Revendications sociales et « patriotiques » se nouent rapidement. Des femmes manifestent au cri de « pas de charbon pour les Boches ».

ILS, ELLES, ONT OSÉ LA GRÈVE – Otello Troni – Réalisation Pierre Outteryck et Jean-Louis Accettone – 13mn 44 – 2017 from Équipe MONAC.1 on Vimeo.

« On n’imagine pas la force de ce mouvement, une grève extraordinaire, qui a surpris tout le monde », s’enthousiasme cet historien engagé.

Le silence s’installe sur le bassin minier. Avant une répression féroce. « Du 27 mai au 9 juin, il y a un arrêt à peu près total de l’extraction », résume-t-il.

Ce mouvement précurseur de la Résistance serait la plus grande grève de l’Europe occupée. Il a pourtant laissé peu de traces, même dans la région.

En cette année de commémoration, les élèves de plusieurs établissements locaux ont visité le fort de Huy, en Belgique, par où ont transité des mineurs déportés ensuite vers le camp de Sachsenhausen. Sur 244 déportés, souvent militants syndicalistes ou communistes, 136 ne reviendront pas.

Le fort de Huy, en Belgique (Crédit : CC BY-SA 3.0)

A la citadelle d’Arras, 218 plaques rappellent le souvenir de résistants fusillés, dont 133 mineurs.

« Résistance »

Chaque année, pour la commémoration de cet événement, « le sous-préfet est présent systématiquement, alors que pendant longtemps cela n’a pas été le cas. Et il y a toujours un beau discours sur le monde ouvrier et son rôle dans la Résistance », souligne Christian Champiré, professeur d’histoire et maire communiste de Grenay, autre ville nichée entre les anciens terrils.

Mais les derniers témoins disparaissent et « dans les familles du bassin minier, les traditions liées aux mines ont plutôt tendance à être oubliées », constate l’enseignant.

Pierre Outteryck (Crédit : capture d’écran YouTube)

La quasi-absence d’archives photographiques complique le devoir de mémoire. « C’était la volonté des occupants nazis de faire comme si cette grève n’avait pas existé », insiste M. Champiré, mais « on peut rappeler la parole des grévistes, des déportés, dénoncés par des ingénieurs des mines, arrêtés par la police française ».

« Il faut que cette histoire soit connue des jeunes générations parce qu’elle porte des valeurs importantes pour le présent », complète Pierre Outteryck.

Malgré la création par l’ex-Garde des Sceaux Christiane Taubira d’une mission pour mieux la faire connaître, son enseignement reste un « voeu pieu ». « La majorité des collègues n’est pas au courant que la grève a existé », déplore M. Champiré.

L’enseignement de l’évènement relève « de la liberté pédagogique de l’enseignant », indique-t-on à l’Éducation nationale. L’Académie de Lille ajoute que si « les programmes de collège et de lycée » ne le citent pas, les professeurs ont « la possibilité de l’utiliser comme exemple ».

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