Opposition des autorités israéliennes et d’un proche de Netanyahu à la confirmation des mandats d’arrêt internationaux
Malgré une victoire procédurale, les autorités israéliennes regrettent que la Cour n'ait pas annulé les mandats d'arrêt pour crimes de guerre émis à l'encontre de Netanyahu et Gallant
Jeremy Sharon est le correspondant du Times of Israel chargé des affaires juridiques et des implantations.

C’est à l’unanimité de ses voix que la Chambre d’appel de la Cour pénale internationale (CPI) a décidé, jeudi, de renvoyer à une chambre de degré inférieur le recours d’Israël contre la compétence de la Cour pour juger des ressortissants israéliens pour crimes de guerre, expliquant que la décision initiale sur la question n’avait pas suffisamment abordé les arguments de Jérusalem selon lesquels elle était en droit de contester la compétence de la Cour.
Dans ce qui constitue une véritable victoire procédurale pour l’État juif, la décision des cinq juges a confirmé les arguments de Jérusalem, à savoir qu’elle avait le droit de faire appel de la compétence, sans examiner le fond de l’affaire. La Chambre d’appel a critiqué le fait que la Chambre préliminaire n’avait pas examiné le bien-fondé des arguments d’Israël. Elle a ajouté qu’elle ne se prononçait pas sur la demande de suspension des mandats d’arrêt délivrés l’an dernier à l’encontre du Premier ministre, Benjamin Netanyahu, et de l’ex-ministre de la Défense, Yoav Gallant, pour crimes de guerre à Gaza, la question n’étant pas directement liée à celle de la compétence mais du ressort de la Chambre préliminaire.
Un proche collaborateur de Netanyahu a condamné cette décision de ne pas suspendre les mandats d’arrêt en disant qu’Israël « souhaite que la CPI annule les mandats immédiatement ». L’ambassadeur d’Israël aux Nations Unies, Danny Danon, a déclaré que la décision de réexaminer la question de la compétence « mettait en évidence le manque de légitimité de mandats d’arrêt politiques ».
Le professeur Yuval Shany, de la Faculté de droit de l’Université hébraïque, qui a déposé un mémoire d’amicus curiae auprès de la CPI en juillet dernier pour contester la compétence de la Cour, a déclaré que la décision de la Chambre d’appel « ne donnait pas une image très positive du travail de la Chambre préliminaire ».

En mai 2024, le procureur de la CPI, Karim Khan, avait annoncé sa décision de demander l’émission de mandats d’arrêt contre Netanyahu et Gallant pour leur conduite de la guerre contre le Hamas à Gaza, crimes contre l’humanité et autres crimes de guerre. Plus précisément, Khan avait accusé les deux dirigeants d’avoir « provoqué l’extermination », « provoqué la famine comme méthode de guerre, à commencer par le refus de fournir des prestations humanitaires », et d’avoir délibérément pris pour cibles des civils en temps de guerre.
Malgré les recours introduits par Israël et d’autres pays à cette décision du procureur, notamment sur des questions de compétence, la Chambre préliminaire I de la CPI a rejeté ces arguments et approuvé la demande de mandats d’arrêt de Khan en novembre 2024.
Israël a fait appel de cette décision à deux reprises en décembre dernier.
L’un de ces recours portait sur la question de la compétence, Israël ayant fait valoir que, puisque les termes des accords d’Oslo signés par Israël et les Palestiniens refusaient explicitement à toute entité palestinienne une juridiction légale sur les ressortissants israéliens, l’Autorité palestinienne n’aurait jamais dû avoir le droit de déléguer sa compétence à la CPI.
Lorsque la CPI a annoncé l’ouverture d’une enquête sur Israël en 2021, Israël a soulevé cette question et la Cour a statué qu’elle ne se prononcerait sur « d’autres questions de compétence » que si et quand le procureur déposerait une demande d’émission de mandats d’arrêt contre des Israéliens.
Lorsqu’elle s’est prononcée sur la demande de Khan de délivrer des mandats d’arrêt à l’encontre de Netanyahu et Gallant, la Chambre préliminaire I de la Cour a affirmé qu’il était trop tôt pour examiner ces arguments.
Mais la Chambre d’appel a statué jeudi que la Chambre préliminaire avait l’obligation d’examiner l’exception d’incompétence soulevée par Israël, soulignant que la décision de 2021 stipulait clairement que « les questions relatives à l’impact des accords d’Oslo sur la compétence de la Cour « peuvent être soulevées par les États intéressés… » à un stade ultérieur.

La Chambre d’appel a ajouté que la chambre basse avait donc « commis une erreur de droit » en n’examinant pas suffisamment les arguments d’Israël concernant son droit de contester la compétence de la Cour.
Dans son deuxième recours, Israël a soutenu que Khan aurait dû lui notifier une nouvelle fois son enquête sur les accusations liées à la poursuite de la guerre à Gaza, mais qu’il s’était appuyé sur la notification émise en 2021 de l’enquête ouverte à cette époque.
La notification est un principe fondamental de la Cour, selon lequel le procureur doit informer l’État en question de l’enquête menée sur ses ressortissants, et ce, de façon à permettre à ce pays de mener sa propre enquête.
Dans le cadre d’une décision technique rendue à la majorité de trois voix contre deux, la Chambre d’appel avait statué qu’Israël n’avait pas le droit de faire appel de cette question, mais qu’il pouvait demander à la Chambre préliminaire de lui accorder l’autorisation de faire appel, ce qu’il a fait parallèlement.
Suite à cette décision, un proche collaborateur de Netanyahu a déclaré au Times of Israël que la décision de la Chambre d’appel « mettait en évidence l’injustice dont sont victimes le Premier ministre Netanyahu et à l’ex-ministre de la Défense, avec l’émission par la Cour de mandats absurdes, sans la compétence pour le faire ». La source a ajouté qu’« Israël souhaitait que la CPI annule immédiatement les mandats d’arrêt ».
Le ministre des Affaires étrangères, Gideon Saar, a écrit sur X que « les mandats de la CPI avaient été émis illégalement. Ils sont nuls et non avenus », ajoutant que la CPI « n’a pas et n’a jamais eu compétence pour émettre des mandats d’arrêt à l’encontre du Premier ministre d’Israël et de son ancien ministre de la Défense ».
Saar a déclaré que la Cour d’appel avait « demandé aujourd’hui à la Cour de faire ce qu’elle aurait dû faire dès le départ, à savoir prendre une décision sur la question de la compétence. Sur ce point, il n’y a qu’une seule bonne réponse : la Cour n’a pas compétence sur Israël. »
Danon a expliqué, pour sa part, que la CPI « fonctionnait comme un outil politique au service des ennemis d’Israël », ajoutant : « Lorsque les institutions internationales punissent les démocraties et ignorent le terrorisme, elles portent non seulement atteinte à Israël mais aussi aux valeurs mêmes sur lesquelles est bâti le monde libre », peut-on lire dans un communiqué de son cabinet.