Optimistes impénitents : L’approche des États-Unis face aux négociations sur les otages
Le porte-parole de Biden a indiqué au ToI que la positivité exprimée tout au cours des pourparlers a toujours été justifiée même si rien ne s'est matérialisé pour le moment - et que Washington reste "lucide"
WASHINGTON — Depuis au moins six mois, les responsables américains n’ont pas hésité à ouvertement affirmer qu’un accord entre Israël et le Hamas – qui permettrait à la fois de mettre un terme aux combats à Gaza et de garantir la remise en liberté de tous les otages détenus dans la bande – était imminent.
Des réunions au sommet ont régulièrement eu lieu dans des capitales arabes et européennes – sans parvenir à déboucher sur un accord, qui semble rester hors de portée pour le moment.
Au début du mois, Washington a soumis « une proposition finale de compromis », selon sa propre expression. Ils ont indiqué que les médiateurs intervenant dans les pourparlers – les États-Unis, le Qatar et l’Égypte – se réuniraient une semaine plus tard lors d’une rencontre de haut-niveau, « avec pour objectif de finaliser enfin un accord ».
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Une rencontre au sommet qui a eu lieu le week-end dernier au Caire, et au cours de laquelle il a été décidé d’organiser de nouvelles discussions de plus bas-rang à Doha, cette semaine.
Dans un entretien accordé mardi au Times of Israel, le porte-parole du Conseil de sécurité nationale américain, John Kirby, a pris la défense de la communication pour laquelle a opté, depuis six mois, l’administration Biden sur la question de l’accord.
« Je ne pense pas que nous devions nous excuser de garder espoir », explique-t-il.
Un négociateur israélien et deux responsables arabes ont, pour leur part, exprimé auprès du Times of Israel leur scepticisme, ces derniers jours, face à la possibilité que le Premier ministre Benjamin Netanyahu et que le chef du Hamas, Yahya Sinwar, souhaitent véritablement faire les compromis nécessaires dans le cadre d’un accord. Ils ont ajouté que les délégations impliquées dans ces pourparlers étaient toujours en désaccord sur l’ampleur du retrait de l’armée israéliennes de zones considérées comme stratégiques à Gaza et dans ses environs.
Les États-Unis, de leur côté s’obstinent à faire part de leur indécrottable optimisme.
Expliquant la raison de ce choix de positivité impénitente, Kirby évoque les attaques transfrontalières qui ont été lancées par le Hezbollah, ce week-end, et qui ont été largement déjouées par l’État juif.
« Etre en capacité de dire que les discussions n’ont pas été perturbées par ce qui s’est passé et qu’en fait, elles ont même continué après le tir, par le Hezbollah, de plusieurs centaines de drones et de roquettes en direction du sol israélien – qu’il y ait encore des pourparlers au niveau des groupes de travail, je pense que ça mérite d’être noté », dit le porte-parole de la Maison-Blanche.
Il explique que la dernière phase de discussion est toujours difficile dans des négociations, insistant sur la trajectoire positive qui caractérise ces dernières.
Des propos qui sont, en somme, une répétition de ce que lui et d’autres officiels américains n’ont cessé de répéter depuis des mois.
« Nous sommes plus proches aujourd’hui d’un accord que nous ne l’avons jamais été », avait-il expliqué aux journalistes au mois de juillet.
Une déclaration presque identique avait été formulée une nouvelle fois par Kirby, deux semaines plus tard, et par Biden, neuf jours après les propos tenus par le porte-parole.
« Oui, nous avons prononcé des paroles qui voulaient transmettre un sentiment d’optimisme – une fois encore, nous n’allons pas nous en excuser – parce que c’est ainsi que nous percevions les choses à ce moment-là », explique Kirby lors de notre entretien qui se déroule dans son bureau, à la Maison Blanche.
« Mais nous avons également fait part de nos réserves à chaque fois, en partant du principe que rien ne doit être considéré comme négocié avant que tout, absolument tout, ait été réglé ; nous étions conscients que nous n’en étions pas encore là et nous sommes restés lucides, quoi qu’il advienne, sur les difficultés que nous serions amenés à rencontrer », continue-t-il.
Mais nourrir ainsi l’espoir, n’est-ce pas prendre le risque de rendre encore plus amère encore la déception en cas d’échec des pourparlers ? A cette question, Kirby répond par la négative.
« Ce n’est pas ce qui est important. Ce qui est important, c’est d’être aussi honnête et transparent à l’égard du public que nous pouvons l’être dans les circonstances actuelles », dit-il.
« Nous ne restons pas là à pleurer sur l’hypothèse d’un échec possible, ou à nous tordre les mains à l’idée que le public puisse avoir eu le sentiment que nous n’avons pas été honnêtes », continue Kirby. « La vérité, c’est que nous avons été honnêtes en permanence. Mais nous n’avons pas pour le moment atteint le niveau de réussite que nous avions pu espérer précédemment ».
Il souligne alors le sauvetage par l’armée, dans la journée de mardi, d’un otage, Farhan al-Qadi, qui était retenu en captivité dans le sud de la bande de Gaza – un rappel de l’importance, insiste-t-il, de conserver une communication optimiste en ce qui concerne les efforts livrés pour obtenir la libération des 104 personnes qui se trouvent encore aujourd’hui dans les geôles du Hamas.
« Mon Dieu, mais n’est-ce pas une nouvelle merveilleuse ? », s’exclame Kirby. « Mais elle nous rappelle également que chaque jour qui passe sans finalisation d’un accord, des vies courent des risques qui deviennent toujours plus grands. »
« Si vous perdez votre sens de l’optimisme, alors vous allez avoir un réel problème de crédibilité auprès du public », affirme-t-il.
La chasse aux coupables
La semaine dernière, le secrétaire d’État américain Antony Blinken a fait le déplacement dans la région et après avoir rencontré Netanyahu, il a déclaré que le Premier ministre israélien avait accepté « la proposition de compromis » qui avait été soumise par Washington – et que le Hamas devait encore se prononcer sur cette dernière.
Des propos qui ont surpris les médiateurs arabes qui ont, de leur côté, eu le sentiment que l’offre faite par les Américains accommodait de manière démesurée les nouvelles revendications israéliennes, ont confié trois officiels au Times of Israel, la semaine dernière.
Dans les jours qui se sont écoulés depuis, les médiateurs ont renégocié certaines dispositions inscrites dans cette proposition, ont noté les trois responsables, qui ont ajouté que les États-Unis avaient depuis soigneusement évité de désigner le Hamas comme étant le seul obstacle à la finalisation d’un accord.
Plus généralement, Kirby fait remarquer que les événements qui ont eu eu lieu, cette année, auraient pu être évités si le Hamas n’avait pas commis son pogrom, le 7 octobre, et si le groupe terroriste avait libéré la totalité des 251 otages qui avaient été kidnappés ce jour-là.
Toutefois, s’exprimant plus largement au sujet des négociations les plus récentes, il s’abstient d’attribuer la responsabilité de l’impasse à une partie ou à une autre.
« Je sais que c’est tentant d’essayer de dénoncer un coupable dans cette incapacité à finaliser enfin un accord… mais je ne vais pas entrer dans ce jeu-là », dit-il.
Il évite également d’entrer dans les détails concernant l’un des principaux points de friction dans les négociations – la question du retrait de l’armée israélienne du couloir Philadelphi.
Netanyahu insiste avec vigueur sur la nécessité de maintenir la présence des troupes israéliennes le long de ce corridor qui court sur la frontière séparant l’enclave côtière de l’Égypte de manière à empêcher tout trafic d’armes – une nouvelle demande soumise par le Premier ministre le mois dernier et qui a ralenti les pourparlers.
Kirby fait remarquer que le cadre général soutenu par les deux parties exige le départ de l’armée israélienne des centres majeurs de population pendant la première phase de mise en œuvre de l’accord. « Au-delà de ça, je ne veux pas faire de commentaire », ajoute-t-il.
Netanyahu a initialement cherché à conserver une présence de Tsahal dans le couloir Philadelphi jusqu’à une date indéterminée – au-delà des trois phases de six semaines prévues dans le projet d’accord. Une revendication rédhibitoire pour le Hamas ainsi que pour l’Égypte, les autres acteurs, dans les négociations, menant une bataille difficile pour trouver un compromis.
Six semaines à chaque fois
Alors même qu’ils négocient un cessez-le-feu, les États-Unis l’affirment : ils s’opposent à tout avenir où le Hamas serait autorisé à rester au pouvoir dans la bande après la guerre.
Comment ces deux objectifs peuvent-ils donc coexister ?… Kirby répond que l’important, aujourd’hui, est de finaliser la première phase seulement de l’accord sur les otages.
« Pour le moment, nous travaillons sur un accord visant à mettre en place un cessez-le-feu pour six semaines de façon à ce que nous puissions faire entrer des aides humanitaires et de manière à ce que nous puissions aussi faire sortir certains captifs », explique-t-il. « Si nous arrivons à la phase deux, alors nous pourrons commencer à parler d’une fin plus permanente de la guerre ».
Le porte-parole de la Maison Blanche reconnaît que l’administration s’efforce encore de trouver une stratégie de mise en œuvre de la deuxième phase et de la troisième phase de l’accord, une stratégie qui garantirait que le Hamas ne restera pas à la tête de la bande.
« C’est une question que nous nous posons, avec nos homologues, depuis le 8 octobre. Nous n’avons pas les réponses à toutes nos questions », reconnaît Kirby. « Mais rien n’a changé concernant notre point de vue, qui est que les Israéliens ne doivent pas vivre avec pour voisine une bande de Gaza placée sous l’autorité du Hamas et d’un terroriste tel que Sinwar ».
Alors qu’il lui est demandé si les États-Unis ont un plan de secours s’agissant de l’accord qu’ils ne sont pas parvenus à finaliser après presque onze mois, Kirby ne semble guère intéressé à l’idée d’évoquer le sujet.
« Il serait irresponsable de commencer à entrer dans un hypothétique inconnu, à l’heure actuelle, alors que nous estimons être si proches de la conclusion d’un accord », déclare-t-il.
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