Quand un investisseur de New York aide jusqu’au bout une survivante de la Shoah
Brock Cvijanovich voulait faire une bonne action. Sa mère et lui ont "pris sous leur aile" Alice Schuman qui occupait un appartement de l'immeuble qu'il avait acheté en 2021
En enfonçant la porte de sa locataire âgée, Brock Cvijanovich était loin de se douter qu’il nouerait avec elle une relation qui changerait leur vie à tous les deux.
La rencontre se produit en 2021 lorsque Cvijanovich se porte acquéreur de l’immeuble dans lequel vit depuis 60 ans Alice Schuman, 93 ans.
L’ancien propriétaire avait stipulé que le nouvel acheteur devait emmener Schuman faire ses courses une fois par mois.
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Un de ces fameux jours de courses, il entend des gémissements de détresse de l’autre côté de la porte.
« J’ai enfoncé la porte à coups de pied et je l’ai emmenée », explique Cvijanovich.
À l’hôpital, Schuman est diagnostiquée inapte à vivre seule et transférée dans une maison de retraite.
Investisseur immobilier à Binghamton, dans l’État de New York, Cvijanovich devient le tuteur légal de cette survivante de la Shoah, à laquelle il tient la main lorsqu’elle rend son dernier souffle.
« Dans cette histoire, j’ai fait du bien à quelqu’un », confie Cvijanovich, dont la société gère des immeubles locatifs.
Les premiers temps, la relation entre ce jeune homme, âgé de 26 ans, et Schuman n’est pas facile. Elle est méfiante envers Cvijanovich et sa mère, une infirmière qui accompagne son fils lors de ses visites.
« Au début, ça a été difficile de se lier », explique Cvijanovich, « Puis ma mère et moi avons réfléchi à ce que nous pouvions faire. Nous avons commencé à lui rendre visite tous les jours. Je venais avec de la nourriture ou des livres, elle adorait lire », ajoute-t-il.
Au fil des mois et des visites quasi quotidiennes, Cvijanovich s’aperçoit que leur relation devient plus personnelle.
À l’hôpital, Cvijanovich se rend compte que Schuman n’a ni amis, ni famille, ni ressources. Avec sa mère, il se mobilise pour financer ses soins en maison de retraite.
Au début, Schuman est « méfiante » à l’idée que Cvijanovich prenne en charge ses frais médicaux et de soins. Mais, explique Cvijanovich, elle se rend progressivement compte qu’il ne lui demande rien en échange.
« Elle a commencé à parler davantage et montrer sa joie de nous voir », confie Cvijanovich.
« Evidemment, cela nous a encouragés à faire plus », ajoute-t-il.
Cvijanovich estime que ce qu’il sait de la jeunesse difficile de sa mère l’a aidé à construire sa relation avec Alice Schuman.
« Ma mère a survécu grâce à la gentillesse de gens de bonne volonté », explique-t-il.
« Elle a eu une jeunesse difficile. Elle ne serait pas là si elle n’avait pas croisé la route de certaines personnes qui lui ont témoigné de la gentillesse et de la bienveillance, sans rien demander en retour. »
Lorsque la santé de Schuman se détériore, Cvijanovich tient à lui faire un dernier cadeau.
« Ma mère et moi avions à cœur qu’elle ne meure pas seule », confie Cvijanovich.
« Les derniers instants »
Au fil du temps, Cvijanovich se rend compte qu’Alice Schuman, née en Allemagne, a survécu à la Shoah et est venue s’installer aux États-Unis à la libération.
Le père et la mère de Schuman ont été assassinés dans des camps de la mort allemands, ainsi que sa sœur, explique Cvijanovich.
Même après la Shoah, la vie de Schuman reste difficile.
Elle perdu son mari par deux fois, l’un par suicide et l’autre par accident. Elle qui avait toujours voulu avoir des enfants, se rappelle Cvijanovich, doit se contenter d’une collection de poupées.
Seule pendant des dizaines d’années, Schuman s’en sort grâce au propriétaire de son immeuble – et plus tard de Cvijanovich – qui maintient son loyer à 200 dollars, alors que les appartements du même immeuble se louent dix fois plus cher.
Cvijanovich se rappelle certains conseils de Schuman à propos de l’argent, comme par exemple : « Dès que l’argent rentre, quelqu’un cherche cherche déjà à le faire
sortir ».
A mesure que la relation de Schuman avec Cvijanovich et sa mère progresse, la personnalité de la survivante éclate au grand jour, explique-t-il.
« Elle était brillante et pleine d’humour : elle tenait des propos d’une grande profondeur », se rappelle Cvijanovich, qui dit d’elle qu’elle avait un « redoutable sens de la répartie ».
Cvijanovich dit que Schuman lui a beaucoup appris sur la reconnaissance.
« Une des choses qui la caractérisait était la gratitude », confie Cvijanovich.
« Quand on venait changer ses draps, elle disait ‘Comment être triste avec des draps propres ?’ Elle était reconnaissante pour tout, même si elle n’avait pas de famille, pas d’amis, pas d’argent. »
Cvijanovich dit qu’il n’oubliera pas le respect que Schuman avait pour autrui, ni ce qu’elle leur a « apporté ».
« Elle nous disait toujours que nous étions beaux. Cette femme nous donnait l’impression d’être merveilleux », confie Cvijanovich.
Quelques mois avant la mort de Schuman des suites d’une pneumonie, en janvier, la communauté juive de Binghamton se met en relation avec Cvijanovich pour s’assurer qu’elle est bien soignée.
« Voir toute cette communauté m’a redonné foi en l’humanité », explique Cvijanovich.
Lors de ses derniers instants, ce sont les mains de Cvijanovich et de sa mère qui tiennent celles d’Alice Schuman.
« Un jour, elle a fait non de la tête au moment de se dire à demain », confie Cvijanovich.
« Normalement, elle faisait toujours un signe de tête positif », ajoute-t-il.
« Cela faisait 4 à 5 jours qu’elle souffrait », explique-t-il.
« C’était très important d’être à ses côtés pour ses derniers moments. »
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