Quels seraient les enjeux d’un accord américano-saoudien sur le nucléaire civil ?
Conçu dans le cadre d'un accord plus large au Proche-Orient comprenant une normalisation israélo-saoudienne, le programme nucléaire serait soumis à des conditions de non-prolifération
Le conseiller à la Sécurité nationale de la Maison Blanche, Jake Sullivan, s’est rendu en Arabie saoudite ce week-end pour des entretiens qui devraient porter sur un accord de coopération nucléaire civile, l’un des éléments d’un dispositif plus large dont Washington espère qu’il conduira à la normalisation des relations israélo-saoudiennes.
Voici une description des principaux enjeux d’un accord américano-saoudien sur le nucléaire civil, des risques et des avantages qu’il pourrait offrir aux États-Unis et à l’Arabie saoudite, et de la manière dont il s’inscrit dans le cadre des efforts déployés par les États-Unis pour favoriser la réconciliation entre Israël et l’Arabie saoudite.
Accords de coopération nucléaire civile
En vertu de l’article 123 de la loi américaine sur l’énergie atomique de 1954, les États-Unis peuvent négocier des accords de coopération nucléaire civile significative avec d’autres nations.
Cet article précise neuf critères de non-prolifération que ces États doivent respecter pour éviter qu’ils n’utilisent la technologie pour développer des armes nucléaires ou transférer des matériaux sensibles à d’autres.
La loi prévoit un examen de ces pactes par le Congrès.
Ce que l’Arabie saoudite espère gagner
Premier exportateur mondial de pétrole, l’Arabie saoudite n’est pas, à première vue, un candidat évident à un pacte nucléaire visant généralement à construire des centrales pour produire de l’électricité.
Il y a deux raisons pour lesquelles Ryad pourrait souhaiter le faire.
La première est que, dans le cadre de l’ambitieux plan de réforme Vision 2030 du prince héritier Mohammed ben Salmane, le royaume vise à produire une quantité importante d’énergie renouvelable et à réduire les émissions. Une partie au moins de ces énergies devrait provenir de l’énergie nucléaire.
Les critiques citent une deuxième raison potentielle : Ryad pourrait vouloir développer une expertise nucléaire au cas où il souhaiterait un jour acquérir des armes nucléaires, malgré les garanties inscrites dans tout accord avec Washington pour empêcher cela.
Le prince héritier saoudien affirme depuis longtemps que si l’Iran mettait au point une arme nucléaire, l’Arabie saoudite ferait de même, une position qui a suscité de vives inquiétudes parmi les défenseurs du contrôle des armements et certains législateurs américains au sujet d’un éventuel accord nucléaire civil entre les États-Unis et l’Arabie saoudite.
Le royaume musulman sunnite et l’Iran révolutionnaire chiite sont en conflit depuis des dizaines d’années.
Ce que les États-Unis espèrent gagner
L’accord pourrait avoir des retombées stratégiques et commerciales.
L’administration du président américain Joe Biden n’a jamais caché son espoir de négocier un accord à long-terme et en plusieurs parties qui amènerait l’Arabie saoudite et Israël à normaliser leurs relations. Elle estime que le soutien de l’Arabie saoudite à la normalisation pourrait dépendre en partie de la conclusion d’un accord sur le nucléaire civil.
L’avantage stratégique serait de renforcer la sécurité nationale d’Israël, d’élargir la coalition contre l’Iran et de consolider les liens entre les États-Unis et l’une des nations arabes les plus riches, à un moment où la Chine cherche à étendre son influence dans le Golfe.
L’avantage commercial serait de placer l’industrie américaine dans une position privilégiée pour obtenir des contrats de construction de centrales nucléaires saoudiennes, alors que les entreprises atomiques américaines sont en concurrence avec la Russie, la Chine et d’autres pays pour le commerce mondial.
Obstacles à la conclusion d’un accord
Un accord sur le nucléaire civil est envisagé dans le cadre d’un accord plus large sur la normalisation israélo-saoudienne, ce qui est pratiquement inconcevable tant que la guerre entre Israël et le groupe terroriste palestinien du Hamas fait rage dans la bande de Gaza.
La guerre a éclaté en octobre lorsque des milliers de terroristes dirigés par le Hamas ont fait irruption en Israël par voie terrestre, aérienne et maritime, tuant près de 1 200 personnes et prenant 252 otages au cours d’actes de brutalité et d’agressions sexuelles.
Plus de 35 000 personnes seraient mortes à Gaza depuis le début de la guerre, selon le ministère de la Santé du Hamas. Les chiffres publiés par le groupe terroriste sont invérifiables, et ils incluraient ses propres terroristes, tués en Israël et à Gaza, et les civils tués par les centaines de roquettes tirées par les groupes terroristes qui retombent à l’intérieur de la bande de Gaza.
L’ONU indique que quelque 24 000 victimes ont été identifiées dans les hôpitaux à ce jour. Le reste du chiffre total est basé sur des « informations médiatiques » plus obscures du Hamas.
Israël dit avoir tué 15 000 terroristes au combat. Tsahal affirme également avoir tué un millier de terroristes à l’intérieur du pays le 7 octobre.
Il est difficile d’imaginer que les Saoudiens soient prêts à normaliser leurs relations alors que le monde arabe s’inquiète de l’ampleur des pertes palestiniennes signalées dans les médias.
Un accord plus large qui pourrait inclure un volet nucléaire
Les États-Unis espèrent trouver un moyen de donner à l’Arabie saoudite plusieurs choses qu’elle souhaite – un pacte nucléaire civil, des garanties de sécurité et une voie vers un État palestinien, en échange de l’acceptation par Ryad de normaliser ses relations avec Israël.
Au début du mois, sept personnes au fait du dossier ont déclaré à Reuters que l’administration Biden et l’Arabie saoudite mettaient la dernière main à un accord prévoyant des garanties de sécurité américaines et une assistance à Ryad dans le domaine du nucléaire civil.
Toutefois, la normalisation plus large entre Israël et l’Arabie saoudite, envisagée dans le cadre d’un « grand marché » pour le Moyen-Orient, n’a toujours pas abouti.
Questions clés à résoudre
L’une des questions clés est de savoir si Washington pourrait accepter de construire une installation d’enrichissement de l’uranium sur le territoire saoudien, quand elle le ferait, et si le personnel saoudien pourrait y avoir accès ou si elle serait contrôlée uniquement par le personnel américain dans le cadre d’un arrangement de type « boîte noire ».
Sans garanties rigoureuses intégrées dans un accord, l’Arabie saoudite, qui possède du minerai d’uranium, pourrait théoriquement utiliser une installation d’enrichissement pour produire de l’uranium hautement enrichi qui, s’il est suffisamment purifié, peut produire des matières fissiles pour des bombes.
Une autre question est de savoir si Ryad accepterait de faire un investissement saoudien dans une usine d’enrichissement de l’uranium basée aux États-Unis et détenue par les États-Unis, et d’engager des entreprises américaines pour construire des réacteurs nucléaires saoudiens.