Refonte judiciaire : « Toutes les options sont envisageables », dit Lapid
Au micro de la Radio militaire, le chef de l'opposition a affirmé qu'il livrera tous les efforts possibles pour empêcher la Knesset de se transformer "en parlement nord-coréen"
Le leader de l’opposition Yair Lapid a déclaré, dimanche, que « toutes les options sont envisageables » dans les efforts livrés qui visent à empêcher l’adoption du projet de refonte radicale du système judiciaire israélien. Il a semblé par ailleurs prendre ses distances avec l’appel qu’il avait lui-même lancé dans le passé, réclamant la mise en pause, pendant deux mois, de l’avancée du plan à la Knesset.
« On tente ici et aujourd’hui même de démanteler la démocratie, la société et la culture d’Israël », a dit Lapid au micro de la Radio militaire vingt-quatre heures après des rassemblements massifs qui ont eu lieu pour dénoncer la réforme du système de la justice israélien, des manifestations organisées pour la huitième semaine d’affilée.
« Les gens qui sont descendus dans les rues hier tentent de sauver l’État d’Israël parce qu’ils veulent vivre dans un pays démocratique et qu’ils veulent rester une nation unie », a ajouté le leader du parti Yesh Atid.
Lapid a laissé entendre que la Knesset était devenue un parlement Potemkine – donnant l’apparence d’être une instance démocratique remuante pour mieux tromper les personnes nombreuses qui s’inquiètent des changements qui ont été proposés dans le cadre de la refonte judiciaire.
« On prétend que le parlement fonctionne encore et que la Knesset définit les règles du jeu alors que notre pays est démantelé. Je me suis demandé à de nombreuses reprises si je ne participais pas à une sorte de spectacle qui permet à la coalition de dire aux Américains et aux marchés internationaux que la Knesset est encore démocratique », a-t-il déclaré.
« Le gouvernement est en train de démanteler le pays et je ne prendrai pas part à cette mise en scène », a-t-il poursuivi.
Interrogé sur la possibilité d’une démission générale de tous les députés de l’opposition en signe de mécontentement contre la réforme judiciaire, Lapid a expliqué que lui-même et d’autres discutaient actuellement « de ce qui peut être fait pour stopper cette folie ».
« Nous évoquons toutes les possibilités », a-t-il dit. Suite à l’insistance du journaliste, il a confié que « toutes les options sont envisageables parce que c’est une catastrophe qui est en train de se dérouler sous nos yeux ».
« Qu’est-ce que vous voulez qu’on fasse ? Qu’on attende que la Knesset devienne le Parlement nord-coréen où nous devrons tous applaudir des deux mains les autorités ? », a dit Lapid. « Ces gens mènent Israël à sa destruction ».
Lapid a insisté sur le fait qu’il ne demandait pas le gel de l’avancée législative des réformes comme condition préalable à des pourparlers – il avait réclamé une pause de 60 jours – expliquant qu’il n’avait fait, par cette proposition, que présenter les grandes lignes d’un plan susceptible d’encadrer les discussions de compromis.
« Si un pays change son mode de gouvernement, je pense que c’est une bonne chose d’y consacrer plusieurs semaines pour réfléchir », a-t-il indiqué. « Mais ce n’était pas une condition préalable ».
Le chef de Yesh Atid a aussi été interrogé sur la perspective d’un accord de compromis dans le cadre de la refonte judiciaire qui serait accepté par les politiciens mais rejeté par les manifestants, le journaliste lui demandant s’il chercherait à convaincre ces derniers de le soutenir.
« Je ferai toujours ce qui est bon pour l’État d’Israël. Si ce compromis n’est pas populaire alors il ne sera pas populaire mais pour ma part, j’aurai trouvé ma réponse face à ce dilemme parce que le gouvernement ne se sera pas véritablement intéressé au dialogue », a-t-il poursuivi.
Ripostant à Lapid, un membre du parti du Likud de Benjamin Netanyahu a dit que le chef de l’opposition semblait « être tombé amoureux » des mouvements de protestation.
« Lapid semble complètement ivre lors des manifestations qui l’aident à faire oublier sa défaite électorale humiliante », a commenté le ministre de la Diaspora, Amichai Chikli, au micro de Radio 103FM.
Chikli a appelé l’opposition à venir à la table des négociations tout en excluant de le faire « avec l’arme sur la tempe ».
« Nous n’acceptons pas les menaces qui nous somment de stopper nos réformes sous peine d’assister à un soulèvement civil. Au lieu d’arrêter les législations, on peut imaginer que certaines délibérations peuvent être mises en pause et que le rythme de l’avancée de la loi peut être ralenti », a-t-il affirmé.
Dans un autre entretien accordé à la Radio militaire, Chikli s’en est pris à l’ancien chef d’état-major Dan Halutz et à un ancien dirigeant du Mossad, Danny Yatom, les qualifiant de « vieux chiffons » pour de récents propos où les deux hommes ont dénoncé le projet de refonte radicale du système judiciaire.
Samedi, devant les caméras de la Treizième chaîne, Yatom a évoqué les courriers récents envoyés par les soldats réservistes des forces spéciales et par les pilotes qui ont annoncé qu’ils renonceraient à se présenter pour mener à bien leurs missions si le gouvernement devait faire avancer son initiative.
« Si le pays, Dieu nous en préserve, n’est plus démocratique et s’ils reçoivent un commandement illégitime, il me semble légitime qu’ils refusent d’exécuter ce commandement dans la mesure où il a été donné par un gouvernement qui n’a plus de légitimité », a commenté Yatom.
Les signataires de cette lettre – ils sont plus de cent – ont ainsi rejoint les pilotes, membres des équipages de chars, sous-mariniers, marins et autres forces spéciales qui ont écrit des courriers similaires, ces dernières semaines.
Pendant un entretien accordé au début du mois, Halutz avait expliqué que les Israéliens étaient susceptibles de ne plus vouloir faire leur service militaire si les réformes étaient adoptées.
L’ex-Premier ministre Ehud Barak, qui est également ancien chef d’état-major et ancien ministre de la Défense, a partagé ce point de vue jeudi, en disant qu’Israël était sur le point de devenir une dictature. Il a ajouté que les Israéliens auraient le devoir de refuser des ordres donnés « par un régime illégitime ».
Les propositions avancées par la coalition de droite, d’extrême-droite et religieuse de Netanyahu limiteraient considérablement la capacité de la Haute Cour à invalider des lois et des décisions du gouvernement, avec une clause dite « dérogatoire » permettant à la Knesset de légiférer à nouveau sur des lois annulées avec une majorité simple de 61 voix ; elles donneraient au gouvernement un contrôle total sur la sélection des juges ; elles empêcheraient la Cour d’utiliser la notion juridique du « caractère raisonnable » pour juger les lois et les décisions du gouvernement ; et elles permettraient aux ministres de nommer leurs propres conseillers juridiques, au lieu d’obtenir des conseils de conseillers opérant sous l’égide du ministère de la Justice.
Les critiques affirment que ce projet portera gravement atteinte à la nature démocratique d’Israël en bouleversant l’équilibre fragile des pouvoirs, plaçant ces derniers entre les mains de la coalition seulement et laissant les droits individuels et les droits des minorités sans protection.