Rejetée par Liberman, la demande d’immunité de Netanyahu semble désespérée
Ce faisant, le Premier ministre a au mieux différé sa comparution devant le tribunal de quelques mois, au pire poussé Israël vers une crise constitutionnelle, ou les deux...
David est le fondateur et le rédacteur en chef du Times of Israel. Il était auparavant rédacteur en chef du Jerusalem Post et du Jerusalem Report. Il est l’auteur de « Un peu trop près de Dieu : les frissons et la panique d’une vie en Israël » (2000) et « Nature morte avec les poseurs de bombes : Israël à l’ère du terrorisme » (2004).
La déclaration de Benjamin Netanyahu, mercredi soir, lors de laquelle il a fait savoir qu’il avait demandé l’immunité parlementaire contre les poursuites judiciaires était sans précédent et extrêmement théâtrale. Pour la première fois dans l’histoire d’Israël, un Premier ministre cherche maintenant à persuader ses collègues de la Knesset de lui permettre d’éviter d’être jugé pour corruption. Et tant qu’ils n’auront pas pris leur décision, ce qui pourrait prendre des mois, il ne sera pas tenu de se retrouver sur le banc des accusés au tribunal de district de Jérusalem et de faire face aux trois accusations de corruption portées contre lui.
Mais un deuxième épisode a suivi de près le premier, le leader d’Yisrael Beytenu, Avidgor Liberman, annonçant que son parti « ne fera pas partie de la coalition d’immunité ».
C’est ce même Liberman qui, de façon inattendue, n’avait pas souhaité fait partie d’un gouvernement Netanyahu après l’élection d’avril. C’est ce Liberman qui, après le nouveau vote de septembre, a refusé de se joindre à autre chose qu’une coalition d’unité comprenant le Likud de Netanyahu et le parti Kakhol lavan de Benny Gantz. Et c’est ce même Liberman qui détient toujours l’équilibre du pouvoir entre les blocs politiques dirigés par Netanyahu et Gantz dans les sondages avant la troisième élection éclair de mars.
Puisque l’ancien ministre de la Défense a maintenant déclaré que lui et son parti ne soutiendraient pas la demande d’immunité de Netanyahu à la Knesset, le stratagème du Premier ministre est instantanément devenu beaucoup moins susceptible de réussir. Et si, comme il est plus que probable, le Premier ministre avait prévu que Liberman ne soutiendrait pas sa demande d’immunité, alors sa décision fait figure d’acte désespéré.
Les opposants à l’immunité de Netanyahu cherchent maintenant à réunir et désigner la commission parlementaire chargée de traiter les demandes d’immunité des députés dès que possible, et certainement avant les élections de mars. Ils voudraient ensuite organiser un vote dans lequel, étant donné qu’une majorité à la Knesset s’est déclarée contre l’octroi de son immunité, la demande du Premier ministre serait stoppée net.
Au milieu d’une grande confusion et d’arguments juridiques mercredi soir, le sentiment dominant était que la création de la commission et l’achèvement du débat et du processus de vote n’auront pas lieu, et donc que l’accent sera mis sur la prochaine Knesset. Pour obtenir la majorité requise pour l’immunité dans ce pays, Netanyahu et ses fidèles députés doivent remporter 61 sièges ou plus le 2 mars – ce qu’ils n’ont pas réussi à faire en avril dernier, et ni en septembre.
Le « bloc pro-immunité », en d’autres termes, devrait faire mieux en mars qu’avant l’inculpation de Netanyahu, alors qu’il insistait encore sur le fait qu’il ne serait jamais inculpé et qu’il jurait qu’il n’aurait pas recours à des machinations d’immunité pour éviter un procès parce que les allégations contre lui ne valaient « rien ».
Le « bloc pro-immunité » devrait également rebondir après l’élection interne du Likud le mois dernier, au cours de laquelle plus d’un quart des membres du parti de Netanyahu ont voté pour son rival Gideon Saar comme chef de file. Et il devrait défier les sondages qui indiquent qu’une majorité de l’électorat, y compris par définition une proportion de la droite politique, s’oppose à l’octroi de l’immunité au Premier ministre.
Mais quand bien même, ce n’est pas tout.
Dans le cas où Netanyahu et les partisans de sa démarche défient les probabilités et obtiennent finalement l’immunité parlementaire, ils peuvent raisonnablement s’attendre à ce que la Cour suprême annule leur décision, la cour n’acceptant probablement pas que la clause de la loi sur l’immunité (lien en hébreu) que Netanyahu cherche à invoquer s’applique légitimement dans son cas. Mercredi soir, l’intéressé a fait valoir que les accusations portées contre lui ont été émises de mauvaise foi – plus précisément qu’il a été piégé par le procureur général qu’il a lui-même nommé – et qu’il est victime d’un complot visant à contrer illicitement la volonté de l’électorat. Les juges pourraient difficilement approuver ce qui équivaudrait à une déclaration selon laquelle les policiers, le ministère public et le procureur général sont les orchestrateurs corrompus d’un coup d’État politique.
Et ainsi, pour conserver son immunité parlementaire, Netanyahu devrait ensuite faire adopter une loi limitant le pouvoir d’intervention de la Cour suprême – rétablissant l’équilibre délicat entre le pouvoir législatif et le pouvoir judiciaire en Israël.
Qu’il obtienne les votes pour l’immunité parlementaire n’est pas gagné ; qu’il puisse ensuite rassembler les votes pour rétablir l’équilibre démocratique d’Israël semble plus qu’improbable.
Nous contre eux
En contraste marqué avec la colère et le choc affichés en novembre, immédiatement après que le procureur général a annoncé les charges retenues contre lui, Netanyahu, mercredi, semblait confiant et chaleureux. Plutôt que de dénigrer principalement la police et les procureurs, il a tendu la main à plusieurs reprises aux « citoyens d’Israël », tentant de les rallier de manière constructive à sa cause.
Il a commencé non pas par évoquer ses problèmes juridiques, mais ses bilans de Premier ministre, déclarant que les dix dernières années ont été « la meilleure décennie de l’histoire d’Israël ». Il a promis une liste éblouissante d’autres « réalisations historiques » sous sa direction dans les années à venir – arrêter l’Iran, fixer les frontières permanentes d’Israël, signer un traité de défense avec les États-Unis, finaliser d’autres accords de paix avec des États arabes et étendre la souveraineté israélienne dans les Territoires disputés. Des réalisations dont nous ne faisions que rêver, s’est-il exalté, sont « maintenant à portée de main ».
Netanyahu s’est concentré sur les exploits qu’il serait capable d’accomplir parce qu’il a besoin que le public israélien, en plus grand nombre qu’en avril et en septembre, accepte que lui seul – et non Gantz, « politiquement en faillite », et le reste de l’ignoble opposition politique de gauche – puisse maintenir la sécurité et la prospérité d’Israël. Il a ainsi préparé le terrain pour ce qui promet d’être encore une campagne électorale amère qui sème la division, même selon les normes de nos campagnes régulièrement amères et semant la division. (Tout cela encore, en supposant que la Knesset actuelle ne bloquera pas sa demande d’immunité dans les prochains jours ou semaines).
Si le Premier ministre parvient à recueillir les voix nécessaires – pour obtenir l’immunité de la Knesset, puis pour empêcher la Cour suprême de l’invalider – Israël se retrouvera au cœur d’une crise constitutionnelle. S’il échoue, alors ce qu’il a fait hier soir, c’est s’acheter quelques mois de plus, à la tête d’un Israël dont il continue d’exacerber les divisions.
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David Horovitz, rédacteur en chef et fondateur du Times of Israel