Israël en guerre - Jour 566

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Analyse

Rencontrez le prochain président palestinien

Marwan Barghouti, emprisonné en Israël pour assassinat et collaborant avec le Hamas à un plan pour la libération « non violente » de la Palestine, est le choix du peuple pour succéder à Mahmoud Abbas. Ce ne serait pas une bonne nouvelle pour Israël

Avi Issacharoff est notre spécialiste du Moyen Orient. Il remplit le même rôle pour Walla, premier portail d'infos en Israël. Il est régulièrement invité à la radio et à la télévision. Jusqu'en 2012, Avi était journaliste et commentateur des affaires arabes pour Haaretz. Il enseigne l'histoire palestinienne moderne à l'université de Tel Aviv et est le coauteur de la série Fauda. Né à Jérusalem , Avi est diplômé de l'université Ben Gourion et de l'université de Tel Aviv en étude du Moyen Orient. Parlant couramment l'arabe, il était le correspondant de la radio publique et a couvert le conflit israélo-palestinien, la guerre en Irak et l'actualité des pays arabes entre 2003 et 2006. Il a réalisé et monté des courts-métrages documentaires sur le Moyen Orient. En 2002, il remporte le prix du "meilleur journaliste" de la radio israélienne pour sa couverture de la deuxième Intifada. En 2004, il coécrit avec Amos Harel "La septième guerre. Comment nous avons gagné et perdu la guerre avec les Palestiniens". En 2005, le livre remporte un prix de l'Institut d'études stratégiques pour la meilleure recherche sur les questions de sécurité en Israël. En 2008, Issacharoff et Harel ont publié leur deuxième livre, "34 Jours - L'histoire de la Deuxième Guerre du Liban", qui a remporté le même prix

Marwan Barghouthi au tribunal en 2002 (Crédit : Flash90)
Marwan Barghouthi au tribunal en 2002 (Crédit : Flash90)

Quelles conclusions faut-il tirer des plans pour une nouvelle intifada « non violente » afin de « libérer la Palestine », conçus pour l’ère post-Mahmoud Abbas par Marwan Barghouti et ses associés ainsi que par le Hamas et le Jihad islamique, et qui ont été rapportés plus tôt cette semaine par le Times of Israel ?

De la prison Hasharon où il purge cinq peines à perpétuité pour son rôle dans des meurtres durant la deuxième Intifada, Barghouti, le leader du Tanzim (branche armée du Fatah) qui devrait succéder au président Abbas à la tête de l’Autorité palestinienne, a conclu une entente avec le leadership du Hamas à l’étranger au cours des dernières semaines à propos de la coordination de la lutte contre l’occupation israélienne, pour le retour aux frontières d’avant 1967, pour mettre fin aux accords d’Oslo et pour annuler la reconnaissance d’Israël par l’Autorité palestinienne.

L’idée exposée est celle d’une lutte non-violente, comprenant des marches et des sit-in et d’autres actes de résistance, sans attaques terroristes ou tirs. Comme nous le savons depuis longtemps, cependant, le Moyen-Orient, comme toute autre région en guerre, est un « royaume de l’incertitude. » Donc, avec tout le respect dû à la question de la non-violence et si oui ou non un tel discours est vrai, une intifada – toute intifada – a sa propre loi.

De toute évidence, le lendemain du jour ou Abbas quittera ses fonctions sera un jour bien sombre pour Israël. Nous pourrions bien finir par languir le Rais, dont la hiérarchie incitait cependant à la violence contre Israël, tout simplement parce qu’en principe, il soutient les négociations avec Israël et s’oppose aux attaques terroristes et a l’intifada.

Si Barghouti lui succède en effet, Abbas pourrait nous manquer encore plus, d’autant que le tueur reconnu coupable et emprisonné planifie intensivement sa succession, et en ce moment, il ne semble pas qu’il ait de sérieux adversaires.

Barghouti a été arrêté il y a 14 ans ce mois-ci dans la maison de son ami Ziad Abu Ein (qui plus tard est mort d’une crise cardiaque lors d’une manifestation anti-Israël).

Depuis lors, bien qu’il soit emprisonné en Israël – et en partie parce qu’il est emprisonné en Israël – Barghouti est devenu le dirigeant palestinien le plus populaire de Cisjordanie et à Gaza. Il a déjà déclaré son intention de se présenter à l’élection présidentielle, et si ces élections sont tenues, ses chances de gagner sont excellentes.

Les responsables israéliens, et peut-être aussi la direction du Hamas à Gaza, peuvent bien vouloir empêcher ces élections – et il y existe un sujet potentiel de controverse pouvant mener à des délais sans fin des élections, concernant la question si un tel vote s’étendrait aux habitants de Jérusalem-Est.

Mais au vu de la réalité politique plutôt pessimiste et du soutien dont Barghouti jouit auprès du leadership du Hamas à l’étranger, un tel soutien général pour Barghouti pourrait inciter les Palestiniens à tenir des élections, même sans les habitants de Jérusalem. Ils seraient prêts a tout, juste pour le faire élire.

Israël essaiera-t-il d’empêcher ces élections au risque d’entrer en conflit avec la communauté internationale et les Palestiniens ? Probablement pas.

Un Mandela palestinien ? Absolument pas

Dans l’intervalle, les associés de Barghouti l’ont désigné comme candidat au Prix Nobel de la paix, avec l’aide de lauréats du prix Nobel d’Argentine et de Tunisie, et tentent de le présenter comme le Nelson Mandela palestinien. Bien sûr, il n’en est rien. Il était un partisan total et un organisateur de la deuxième Intifada armée, y compris d’attentats suicides terroristes après l’élimination de son camarade Raed al-Karmi à Tulkarem au début de l’année 2002.

Son nouveau plan peut déclarer se concentrer sur des protestations non-violentes, mais il est beaucoup plus radical qu’Abbas – d’où la confiance que les dirigeants du Hamas et du Jihad islamique placent en lui. Sa préférence exprimée peut bien être une solution à deux Etats obtenue par des négociations, mais contrairement à Abbas, il estime que si les pourparlers ne fonctionnent pas, le prochain recours doit être d’agir – en d’autres termes, d’organiser une intifada.

Parmi les indications évidentes de l’augmentation du prestige public de Barghouti sont les soutiens qu’il a reçus d’autres personnalités palestiniennes de haut rang, qui sont également considérés comme des successeurs possibles d’Abbas. Le plus important d’entre eux est Mohammed Dahlane, l’ancien homme fort du Fatah à Gaza.

Mohammad Dahlan en 2006 (Crédit photo: Michal Fattal/Flash90)
Mohammad Dahlan en 2006 (Crédit photo: Michal Fattal/Flash90)

Ces dernières années, Dahlane a tissé un réseau de relations politiques et financières partout dans le monde arabe: en Egypte, aux Emirats Arabes Unis, et plus récemment en Jordanie.

Il est le propriétaire d’un important patrimoine et a également des connexions à Gaza et en Cisjordanie (principalement dans les camps de réfugiés). Les fonctionnaires des Etats arabes pensent qu’il est un expert dans les négociations avec les Frères musulmans, bien qu’il ait échoué dans sa tâche à Gaza en 2007, lorsque le Hamas a facilement et brutalement évincé le Fatah et a repris la bande de Gaza.

Dahlane a soutenu la candidature de Barghouti à la présidence parce qu’il a reconnu clairement que tel était l’avis du public, qui voit en Barghouti une sorte de « sauveur ». Il en est de même pour Saeb Erekat, qui, en tant que secrétaire général du Comité exécutif de l’OLP est le numéro 2 de l’organisation après Abbas et sera officiellement son successeur intérimaire au moment venu.

Erekat a annoncé qu’il soutiendra la candidature présidentielle de Barghouti avant même que Dahlane ne le fasse – ici encore, en raison de la prise de conscience de l’opinion publique palestinienne.

Que signifie cela pour Israël ? Cela signifie un gros mal de tête, beaucoup d’embarras et peut-être une pression internationale pour libérer Barghouti de prison. L’idée qu’Israël se sentirait obligé de libérer Barghouti de prison peut sembler irréaliste maintenant, mais c’est certainement un scénario possible dans un avenir pas trop lointain.

Saeb Erekat, le secrétaire général de l'Organisation de la libération de la Palestine (OLP), photographié à Ramallah le 23 novembre, 2015 (Crédit : AFP PHOTO / ABBAS MOMANI / AFP / ABBAS MOMANI)
Saeb Erekat, le secrétaire général de l’Organisation de la libération de la Palestine (OLP), photographié à Ramallah le 23 novembre, 2015 (Crédit : AFP PHOTO / ABBAS MOMANI / AFP / ABBAS MOMANI)

Abbas reste à son poste

Pour l’instant, il convient de souligner que le président de longue date, en vieux renard qu’il est, n’a aucune envie de démissionner.

Il y a dix jours, Abbas a annoncé la création d’une «cour constitutionnelle», ce qui devrait être une mesure légitime qui servira fidèlement le système juridique palestinien.

Les premiers à critiquer la mesure, sans surprise, étaient les membres du Hamas, dont le porte-parole, Sami Abu Zuhri, n’a fait aucune tentative pour cacher la colère de son organisation. Abu Zuhri a affirmé que la création unilatérale du tribunal était «illégitime», et que la mesure aurait été du être prise par consensus national.

Pourquoi la création d’une cour constitutionnelle devrait-elle susciter une telle colère du Hamas, précisément au moment où les pourparlers de réconciliation entre les membres du Hamas et du Fatah reprennent ? Parce qu’un tel tribunal, fidèle au Fatah, cherchera sans doute à désigner un successeur à Abbas et, quand ce jour viendra, il le fera de manière à préserver le contrôle du Fatah sur les institutions de l’Autorité palestinienne et à éloigner le Hamas des centres de pouvoir.

Sami Abu Zuhri (Crédit : YouTube/MEMRI)
Sami Abu Zuhri (Crédit : YouTube/MEMRI)

Au sens pratique, la mise en place d’une cour constitutionnelle aidera également le président palestinien à gérer et à contrôler l’Autorité palestinienne. La détermination de lois dans l’Autorité palestinienne est censée passer par l’approbation du Parlement. Mais ce Parlement, le Conseil législatif palestinien, n’a pas convoqué de sessions depuis que le Hamas a pris le contrôle de Gaza en juin de 2007.

Lorsqu’une loi est nécessaire de temps à autre, Abbas émet donc un « décret présidentiel » approuvant l’adoption de lois « temporaires ». Le nouveau tribunal sera en mesure de ratifier ces ordres. Il sera également en mesure de lever l’immunité des membres rebelles du Parlement – ceux qui sont considérés comme des rivaux d’Abbas, en particulier les partisans de Mohammed Dahlane.

Et quoi de plus important, fondamentale et centrale que de prendre des décisions concernant les lois fondamentales de l’Autorité palestinienne et leur interprétation ? L’Autorité palestinienne a une Cour suprême à Ramallah, mais certaines questions liées aux lois fondamentales ne peuvent être débattues par cette cour.

La nouvelle cour constitutionnelle d’Abbas, dont les juges ont prêté serment devant le Rais à Ramallah, est censée débattre de ces questions. Dans la période post-Abbas immédiate, ce tribunal peut donc être en mesure de prendre des décisions politiques vitales, au détriment du Hamas.

La Loi fondamentale palestinienne stipule que si le président est incapable de rester en fonction en raison de son incapacité (pour une raison quelconque), le président du Parlement prendra sa place pendant environ deux mois jusqu’à ce que des élections générales soient tenues.

Lors des dernières élections législatives qui ont eu lieu en 2006, le Hamas a remporté une large majorité. Le chef du Parlement élu, Sheikh Aziz Dweik, est un membre important au sein du Hamas. Si Abbas était incapable de remplir sa fonction plus longtemps, ses prétendus héritiers devront par conséquent empêcher Dweik de devenir son successeur temporaire.

La nouvelle cour constitutionnelle pourrait décider que si aucune élection du Parlement n’a eu lieu pendant plus d’une décennie, le Conseil législatif palestinien a perdu de sa légitimité et l’OLP est le seul groupe qui peut légitimement représenter les Palestiniens.

Et ainsi, au départ du président de l’OLP Mahmoud Abbas, celui–ci ne délèguera pas ses compétences aux mains de représentants du Fatah et du Hamas, mais plutôt sera succédé, pour l’ensemble de ses compétences et au moins à titre provisoire, par Erekat.

La décision d’Abbas de mettre en place la Cour constitutionnelle, par conséquent, pourrait être considérée comme une indication qu’il a finalement commencé à préparer le terrain pour la fin de son mandat. Ces préparations seront-elles terminées et la question de la succession sera-t-elle complètement clarifiée ? Nous le verrons.

Il est très probable qu’Abbas prendra des mesures supplémentaires dans un avenir proche. Après tout, Abbas souhaite probablement être succédé par Erekat ou par le chef des renseignements palestiniens Majed Faraj – et non par le choix univoque du peuple, Marwan Barghouti.

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