Israël en guerre - Jour 585

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"Il y a trop de choses qu'on ne peut pas exprimer"

Renée et Dédée, 18 ans en 1945 : résistantes et déportées

Les deux femmes ont échangé de vive voix pour la première fois depuis 80 ans, après leur libération d'un camp de travail où elles ont été déportées en juin 1944, pendant dix mois, pour faits de résistance contre l'occupant allemand

Renée Guette, 98 ans, survivante des camps de concentration, a retrouvé en visioconférence son amie Andrée Dupont, 97 ans, qu’elle n’avait pas revue depuis leur libération il y a 80 ans. Les deux femmes, anciennes résistantes françaises, ont eu des retrouvailles émouvantes le 22 avril 2025, entre le Texas et la France. (Crédit : Gianrigo MARLETTA / AFP)
Renée Guette, 98 ans, survivante des camps de concentration, a retrouvé en visioconférence son amie Andrée Dupont, 97 ans, qu’elle n’avait pas revue depuis leur libération il y a 80 ans. Les deux femmes, anciennes résistantes françaises, ont eu des retrouvailles émouvantes le 22 avril 2025, entre le Texas et la France. (Crédit : Gianrigo MARLETTA / AFP)

« Dédée, c’est marrant de se revoir après toutes ces années, on est devenues de vieilles nanas ! », s’esclaffe Renée, 98 ans, devant son écran, depuis les Etats-Unis. De l’autre côté de l’Atlantique, en France, est connectée Andrée, 97 ans.

La dernière fois qu’elles se sont vues, c’était en avril 1945, à la libération d’un camp de travail dépendant du camp de concentration de Buchenwald, en Allemagne, où elles ont été déportées en juin 1944, pendant dix mois, pour faits de résistance contre l’occupant allemand.

Elles ont échangé de vive voix pour la première fois depuis 80 ans, lors d’un appel en visioconférence organisé en avril, auquel l’AFP a assisté.

« Renée, je suis toute émue de te revoir », confie Dédée, d’une voix chevrotante. « Je t’embrasse bien fort ma poulette », lui dit-elle, envoyant un baiser de sa main.

« Pour toi aussi, les souvenirs reviennent ? », demande Dédée à Renée, qui vit aux Etats-Unis depuis les années 1970. « Oh oui ! Et encore, je suis au loin, mais ça sort pas de ma tête, il y a trop de choses qu’on ne peut pas exprimer ».

« Agent de liaison »

Andrée Dupont est née dans la Sarthe, en 1927. Renée Guette naît la même année, à Paris, et grandit dans le Cher, à 350 km du village d’Andrée.

Sur cette photographie prise en avril 1945, des survivants du camp de concentration nazi de Buchenwald sont assis sur une latrine, après la libération du camp par les troupes alliées. (Crédit : Eric Schwab/AFP)

En 1943, âgées de 16 ans, toutes deux issues de familles de résistants, elles rejoignent les réseaux de leur village : Assé-le-Boisne pour Dédée, Beffes pour Renée.

Andrée, que l’on appelle déjà « Dédée », est blonde et jolie, atouts jugés précieux pour faciliter les opérations clandestines. En tant « qu’agent de liaison », elle parcourt la Sarthe à vélo pour transmettre des messages et parfois même des armes. Un jour, « j’avais une serviette d’écolier, avec un revolver démonté à l’intérieur, et je suis passée tout sourire » devant les Allemands, se rappelle-t-elle.

« Ça oui, tu avais de beaux cheveux blonds et longs ! », s’exclame Renée, du Texas, où elle habite avec sa fille.

En 1943, Renée est brune, et tout aussi jolie. Elle est employée des postes et fait passer clandestinement des tickets de rationnement et des messages aux résistants des Forces Françaises de l’Intérieur et des Francs-Tireurs et Partisans communistes.

Déportation

Le 26 avril 1944, Dédée est arrêtée avec le réseau de son village, 16 personnes en tout, dont son père et sa tante.

« Je pliais du linge, il était 10h du soir. J’ai entendu des portières claquer. J’ai compris tout de suite », se remémore-t-elle.

Quatre jours plus tard, Renée était arrêtée par un agent français de la Gestapo, lors de la rafle du maquis de Beffes.

« Il m’a dit : ‘alors, jeune fille de bonne famille qui a mal tourné' », se remémore-t-elle. « Et moi, j’ai répondu, pour lui faire comprendre, qu’il avait pas mieux tourné, et il m’a giflée ! ».

Les deux jeunes filles se rencontrent à la prison de Romainville, près de Paris, où elles apprennent le débarquement. « On a cru qu’on était sauvées ! Mais les Allemands avaient besoin de nous pour travailler dans les usines de guerre », explique Renée.

Le 25 juin 1944, Renée Guette, matricule 43.133, arrive dans le camp de travail dit « kommando HASAG-Leipzig », dans le même bloc que Dédée – matricule 41.129 – où près de 5 000 femmes ont été déportées pour fabriquer des armes.

Elles se souviennent du travail de nuit, du papier journal caché contre leur peau pour se protéger du froid, des cheveux infestés de poux, puis tondus, des passages à tabac par les Allemands, des corps nus entassés, puis envoyés aux fours crématoires, de celles qui n’ont pas survécu.

« Ils nous en ont fait, des vacheries », lâche Renée.

De leur déportation, elles ont conservé des objets fabriqués en cachette : une broche en fil de fer, des barrettes à cheveux.

Hôtel Lutetia

Mi-avril 1945, les nazis évacuent le camp de Leipzig. Les déportées partent alors sur les routes et entament les « marches de la mort ».

Renée raconte avoir marché des jours et des nuits durant, les pieds en sang, chaussés de galoches, se nourrissant de colza et de pommes de terre.

Elle se souvient de l’Elbe, dans lequel elle s’est lavée pour la première fois depuis des mois, ainsi que d’une balle de pistolet, tirée près de son oreille gauche lors d’affrontements entre « Boches » et Américains.

Arrivée à l’hôtel Lutetia, devenu un centre d’accueil à Paris pour les exilés de guerre, Dédée retrouve sa mère. Son père, déporté lui aussi, est revenu des camps. Sa tante, elle, est morte gazée.

Cette photographie montre des déportés français libérés des camps accueillis par un homme leur offrant des cerises à leur arrivée au centre de l’hôtel Lutetia à Paris en mai 1945. (Crédit : AFP)

Quant à Renée, elle a pris le train pour rentrer à Beffes. « Il y avait des soldats français, j’avais peur. On était très marquées », dit-elle. « Tu sais Dédée, quand je suis arrivée, j’étais pas sûre que j’étais chez moi. Toi aussi ? ».

« Moi, j’ai su que j’étais revenue quand j’ai vu le clocher de mon village », répond-elle.

Renée ne se rend plus en France. Mais elle aimerait revoir Dédée, quitte à arriver « à quatre pattes ».

« Je t’embrasse Dédée, on se retrouvera peut-être là-haut », dit-elle avant de raccrocher.

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