Report de la « Table ronde sur la Shoah, la Nakba et la culture de la mémoire allemande »
Le Goethe-Institut d’Israël a exprimé des regrets quant au choix malheureux de la date - jour des 84 ans de la Nuit de Cristal ; les critiques réclament l'annulation de la conférence
Lazar Berman est le correspondant diplomatique du Times of Israël
Suite aux vives critiques acerbes reçues des autorités israéliennes et allemandes, le Goethe-Institut d’Israël a préféré reporter, mardi, l’événement « Saisir la douleur des autres – Table ronde sur la Shoah, la Nakba et la culture de la mémoire allemande », qui devait avoir lieu à Tel Aviv mercredi soir, jour du 84e anniversaire de la Nuit de Cristal.
« La mémoire de la Shoah et la célébration de la mémoire des victimes sont des préoccupations majeures du Goethe-Institut, que nous évoquons dans de nombreux projets », a déclaré l’institut dans un communiqué en allemand.
« Nous regrettons que la date choisie pour cette table ronde ait provoqué une telle émotion. »
L’événement à Tel Aviv a été reprogrammé dimanche prochain, 13 novembre.
« Le Goethe-Institut est un acteur de compréhension et de dialogue », poursuit le communiqué. « C’est tout l’objet de la table-ronde. »
Le Goethe-Institut fait partie des services culturels allemands qui ont vocation à développer les échanges culturels dans le monde entier.
L’institut a certes reprogrammé l’événement, sans toutefois répondre aux critiques, froissées par l’équivalence établie entre la Shoah et la Nakba, ou « catastrophe », nom que les Palestiniens et de nombreux Arabes israéliens emploient pour qualifier la défaite arabe lors de la guerre d’Indépendance israélienne de 1948, qui a conduit à la création de l’État juif.
Plus tôt dans la journée, le ministère des Affaires étrangères avait fustigé « une dépréciation flagrante de la Shoah doublée d’une tentative cynique et manipulatrice de créer un lien dont le but est de diffamer Israël », en mettant en perspective Shoah et Nakba.
Le président de Yad Vashem, Dani Dayan, a qualifié l’affaire d’ « insupportable distorsion de la Shoah ».
Suite à l’annonce du report de la table-ronde, le porte-parole du ministère des Affaires étrangères, Emmanuel Nachshon, ne s’est pas montré plus tendre : « Cet événement est absolument honteux et totalement inapproprié, quel que soit le jour de l’année, pas seulement le jour anniversaire de la Nuit de cristal. »
Dans une interview accordée à la radio 103FM, l’ambassadeur d’Israël en Allemagne, Ron Prosor, a qualifié la table-ronde de « tentative d’établir une comparaison inappropriée aux dépens des survivants de la Shoah ».
« Si ce n’était pas ironique, ce serait tragique », a-t-il déclaré. « Cela ne doit en aucun cas être accepté, même au prétexte d’ ‘organiser une discussion civilisée’. Ce n’est pas le cas. »
Prosor a également critiqué la décision du Goethe-Institut de reporter l’événement, plutôt que de l’annuler.
The event planned by the German cultural institute @goetheinstitut in Israel constitutes intolerable distortion of the Holocaust. Holding it on the anniversary of the November Pogrom ("Kristallnacht") is unforgivable. pic.twitter.com/T1ifmEwVqc
— Dani Dayan (@AmbDaniDayan) November 8, 2022
« Ils ne semblent pas comprendre le problème. Il n’y a pas de date appropriée pour une telle démonstration d’insensibilité et d’hypocrisie de la part de l’institut », a-t-il ajouté.
La Nuit de Cristal a eu lieu le 9 novembre 1938, lorsque des soldats nazis et des civils allemands ont violemment attaqué des synagogues et des entreprises juives, tuant des centaines de personnes.
« Nous ne devons pas tolérer que des politiques culturelles et éducatives étrangères soutiennent les rapprochements faits par certains entre la Shoah et la Nakba », a écrit le député allemand Frank Muller-Rosentritt.
« Que cela soit planifié par @goetheinstitut en Israël le 9 novembre ou n’importe quel autre jour est proprement scandaleux. »
Le panel prévu pour la table-ronde, organisée en collaboration avec le bureau israélien de la Fondation Rosa Luxemburg, compte deux universitaires israéliens accompagnés de la journaliste allemande Charlotte Wiedemann.
Wiedemann souhaite que les Allemands « aient une approche globale de la Nakba, comme faisant partie de l’histoire allemande, et donnent à cette histoire un espace dans la culture du souvenir. Cela n’implique pas pour autant de considérer la fondation de l’État d’Israël comme un acte de colonialisme de peuplement. »
Tobias Siegal a contribué à la rédaction de cet article.