Sanders boycotte de nouveau l’AIPAC
Pour le sénateur du Vermont, la conférence du groupe pro-israélien permet à des "leaders" qui "s'opposent aux droits des Palestiniens" de parler ; l'AIPAC dénonce une "insulte"
Eric Cortellessa couvre la politique américaine pour le Times of Israël
WASHINGTON — Bernie Sanders, qui brigue l’investiture démocrate à la présidentielle américaine de novembre, a indiqué dimanche qu’il ne se rendrait pas à la prochaine conférence de l’AIPAC (American Israel Public Affairs Committee).
Le sénateur du Vermont a estimé que ce sommet organisé par le groupe pro-Israël, qui réunit de hauts-responsables israéliens et américains, offrait une tribune à des dirigeants qui en profitaient pour discréditer les Palestiniens.
« Le peuple israélien a le droit de vivre dans la paix et la sécurité. C’est également le cas du peuple palestinien », a écrit Sanders sur Twitter. « Je reste préoccupé concernant la tribune offerte par l’AIPAC à des leaders exprimant leur fanatisme et s’opposant aux droits de base des Palestiniens. Et pour cette raison, je ne me rendrai pas à cette conférence ».
Sanders n’a pas précisé le nom des responsables auxquels il faisait référence.
« Si je deviens président, je soutiendrais les droits des Israéliens et des Palestiniens et je ferais tout ce qui est possible pour apporter la paix et la sécurité à la région », a continué Sanders.
The Israeli people have the right to live in peace and security. So do the Palestinian people. I remain concerned about the platform AIPAC provides for leaders who express bigotry and oppose basic Palestinian rights. For that reason I will not attend their conference. 1/2
— Bernie Sanders (@BernieSanders) February 23, 2020
L’AIPAC a âprement critiqué Sanders après son tweet.
« Le sénateur Sanders n’a jamais assisté à l’une de nos conférences et ses propos scandaleux en sont la preuve », a déclaré le porte-parole de l’AIPAC, Marshall Wittmann, au Times of Israel.
« En fait, un grand nombre parmi ses collègues démocrates, à la Chambre et au Sénat, prennent la parole depuis notre tribune devant plus de 18 000 Américains présents, venus de milieux largement divers – démocrates, républicains, juifs, chrétiens, afro-américains, latino-américains, membres de la communauté LGBT+ – et qui prennent part à la conférence pour clamer leur soutien à la relation entre les Etats-Unis et Israël », a continué Wittman, dans une déclaration inhabituellement dure pour le groupe.
« En se livrant à une attaque aussi odieuse à l’encontre d’un important événement politique américain bipartisan, le sénateur Sanders insulte ses propres collègues et les millions d’Américains qui défendent Israël. C’est vraiment honteux », a poursuivi Wittman.
Le refus de Sanders de se rendre à la conférence – prévue à Washington du 1er au 4 mars – survient après une victoire décisive arrachée par le candidat dans le Nevada, samedi, ce qui fait de lui le favori dans la course combative aux primaires du parti démocrate, faisant craindre les plus modérés.
Sanders est le deuxième candidat du parti démocrate, en 2020, à décliner l’invitation à la conférence. La sénatrice du Massachusetts, Elizabeth Warren, avait fait savoir au début du mois qu’elle n’y assisterait pas.
Aucun autre candidat démocrate ne s’est encore engagé à prendre la parole lors de ce rassemblement. Un porte-parole de l’AIPAC a indiqué au Times of Israel, en début de semaine, que l’organisation était actuellement « en train de finaliser la liste des intervenants ».
Lors d’une année d’élections à la présidence, l’AIPAC invite habituellement les candidats favoris de chaque parti à prendre la parole devant les milliers de personnes présentes à la conférence.
En 2016, tous les candidats républicains encore en lice dans la course à ce moment-là s’étaient exprimés, notamment Donald Trump.
Tandis que Hillary Clinton avait prononcé un discours lors d’une session plénière en 2016, Sanders ne l’avait pas fait – citant des contraintes de calendrier relatives à sa campagne. Il avait plutôt abordé le sujet du conflit israélo-palestinien à Salt Lake City.
Ces derniers mois, des organisations de gauche telles que MoveOn, Indivisible, the Working Families Party et IfNotNow ont exercé d’inenses pressions sur les candidats démocrates pour qu’ils ne se rendent pas à la conférence de l’AIPAC, lançant une campagne en ligne sous le hashtag « #SkipAIPAC ».
IfNotNow s’est réjoui de la décision prise par Sanders dans un communiqué, disant que « le large succès de Bernie dans les trois premiers états montre de manière résonnante que chaque jour, les Américains continuent à soutenir sa vision audacieuse et humaine pour l’Amérique, et son annonce faite aujourd’hui qu’il n’ira pas à l’AIPAC entre parfaitement dans le cadre de cette vision progressiste », a fait savoir le groupe.
(Tandis que Sanders a remporté la primaire dans le New Hampshire et les caucus du Nevada, il est arrivé second dans l’Iowa, derrière l’ancien maire de South Bend, Pete Buttigieg, bien qu’il ait remporté plus de voix).
Sur tous les candidats démocrates qui se présentent à la course à la présidentielle, c’est Sanders qui se montre le plus véhément sur le sujet du conflit israélo-palestinien.
« J’utiliserais le levier des 3,8 milliards de dollars », avait-il dit en octobre, au sujet de l’aide financière américaine. « C’est beaucoup d’argent et nous ne pouvons pas donner carte blanche au gouvernement israélien, ou à n’importe quel gouvernement dans ce dossier. Nous avons le droit de demander le respect des droits de l’Homme et de la démocratie », a-t-il ajouté.
Ses adversaires ont adopté des positionnements différents. Buttigieg a indiqué qu’il utiliserait l’aide américaine comme « levier » pour orienter Israël vers des politiques plus libérales. L’ex vice-président Joe Biden a pour sa part qualifié l’idée de « scandaleuse » et indiqué qu’il ne toucherait pas aux aides militaires, car cela nuirait aux intérêts américains.
Sanders, qui est Juif, a passé quelques mois dans un kibboutz dans les années 1960 – une expérience qu’il a citée, dans le passé, pour affirmer son attachement à la sécurité d’Israël.
« Je suis très fier d’être juif et je suis impatient de pouvoir devenir un jour le premier président juif », avait-il dit lors d’une conférence de J-Street au mois d’octobre 2019.
« J’ai passé de nombreux mois dans un kibboutz en Israël. Je crois de manière absolue non seulement au droit à l’existence d’Israël, mais également au droit d’exister dans la paix et la sécurité. Cela ne fait strictement aucun doute », avait-il affirmé.
« Mais ce que je crois aussi », avait-il continué, « c’est que le peuple palestinien a le droit de vivre dans la paix et dans la sécurité, lui aussi ».