Stella: « Ce n’est pas pour rien qu’on met nos enfants dans des écoles juives »
Victime en 2017 d'un cambriolage doublé d'actes antisémites, cette mère de famille avoue : "je me suis dit qu'un jour ou l'autre, on finira par partir"
Stella, une mère de famille juive a raconté à nouveau, et de manière détaillée son calvaire suite à un cambriolage, doublé d’actes antisémites survenu en 2017.
« On louait un petit pavillon à Romainville depuis huit, neuf ans, on était éventuellement prioritaires pour un futur achat, raconte Stella à Europe 1. On se sentait bien, on n’avait jamais eu le moindre souci. J’ai toujours habité le 93, avant j’habitais le Pré Saint-Gervais, Bagnolet… On adore les quartiers populaires, tout est ouvert le dimanche, on connaît bien les commerçants aux alentours ».
« Avec mon mari et les enfants, on a subi un cambriolage pendant notre sommeil en mars 2017, poursuit-elle. On n’a rien entendu. On nous a volé des choses d’enfant, mais ce n’est pas tellement le vol qui nous a choqués, mais plutôt le fait qu’on a été surveillés et dénoncés après le vol. Au début, on a mis ça sur le compte d’un cambriolage comme ça peut arriver dans toutes les familles, mais les photos d’Israël avaient été arrachées et mises à terre ».
Quelques jours plus tard, en revenant d’un votage en Asie, la famille remarque sur la porte avant de sa voiture, côté conducteur, est écrit en grand : « juif » et que ses pneux ont été lacérés au couteau.
Stella a également trouvé deux autres inscriptions, grossièrement gravées sur la carrosserie : « Israël », accompagné d’une étoile de David.
« Le soir même, je décide, la peur au ventre et en larmes, de ne plus rester dans cette maison » décalrait-elle à I24News. Une décision motivée par une phrase prononcée par l’un des policiers ce jour-là : « il me prend dans ces bras et me dit : ‘madame, c’est le père de famille qui vous parle, vous savez, ils vous ont repérés. Il faut partir' ».
La famille a déménagé d’une ville à l’autre de Seine-Saint-Denis après le cambriolage de son pavillon, pour un endroit plus sûr, illustrant le phénomène de « alyah interne » que connaît la France.
« Vous savez, ça fait longtemps que nous, la communauté juive, on s’est aperçu qu’il y avait un malaise décrit Stella au micro d’Europe 1. Ce n’est pas pour rien qu’on met nos enfants dans des écoles juives. Comment expliquer à cette nouvelle génération que ça ne sert à rien d’être comme ça ? Après le cambriolage et les pneus lacérés, on nous a proposé de faire l’alya (le départ en Israël, NDLR). J’ai dit : ‘C’est ça que vous me proposez ? J’ai 23 ans d’ancienneté dans mon travail, mes enfants ont leur vie sportive ici, je ne veux pas partir.’ C’était il y a un an. Au fur et à mesure de ce qu’on voit à la télé, de ce qu’on entend, je me suis dit qu’un jour ou l’autre, on finira par partir. »
Elle n’est pas la seule. « Sur une quinzaine d’années, des effectifs de populations ou de familles juives se sont effondrés dans toute une série de communes » du nord-est de Paris, selon Jérôme Fourquet, de l’institut de sondage Ifop.
« Une épuration ethnique à bas bruit, » que dénonçait en avril 2018 un manifeste « contre le nouvel antisémitisme », signé notamment par l’ancien président Nicolas Sarkozy.
Pour autant, elle ne ressent pas de haine. « On continue à vivre comme avant, à côtoyer nos petits commerçants qu’on adore, notre boulanger qui est tunisien, mon primeur qui est turc. Et je ne veux pas que ça change », assure cette quinquagénaire, qui se définit comme une « Française d’origine juive » et n’envisage pas pour le moment de faire son alyah.
La France a connu une augmentation record de 74 % des incidents antisémites en 2018 par rapport à l’année précédente.