Sur son podcast, Joe Rogan accueille un révisionniste de la Shoah, se plaignant des Juifs « paranoïaques »
Une semaine après avoir donné le micro à un complotiste antisémite, l'animateur a salué les points de vue "nuancés" et "complets" de Darryl Cooper - qui prétend à tort qu'Hitler s'est opposé à la Nuit de Cristal

JTA — Joe Rogan, qui anime l’un des podcasts les plus populaires du pays, a invité un révisionniste de la Shoah dans son studio, un peu plus d’une semaine après avoir interviewé une personnalité connue pour propager des théories du complot antisémites.
L’interview de Darryl Cooper, qui se dit « historien », réalisée jeudi par Rogan a suivi un entretien avec Ian Carroll, un complotiste que l’animateur avait reçu la semaine précédente. Lors de cette rencontre, en date du 5 mars, l’homme avait affirmé que le délinquant sexuel Jeffrey Epstein « était clairement un pion juif qui travaillait pour le compte d’Israël et d’autres groupes ». Il avait ajouté qu’Israël avait été fondé par des personnalités du milieu du crime organisé juif, selon Jewish Insider.
Dans l’interview de jeudi, Rogan a laissé à Cooper la possibilité d’exprimer toutes ses opinions – des opinions « nuancées » et « complètes », selon le podcaster. Rogan a également affirmé s’opposer à l’antisémitisme, qu’il a dit avoir vu augmenter au lendemain du pogrom commis par le Hamas dans le sud d’Israël, le 7 octobre 2023 – même s’il a ajouté que les Juifs en faisaient parfois « trop ».
« Il y a un moment où vous commencez à penser, comme vos amis Juifs paranoïaques, que tout le monde est antisémite, et vous vous dites : ‘Eh bien, maintenant je comprends un peu pourquoi tous ces gens sont amenés à penser ça’, » a-t-il dit à Cooper au cours de l’entretien. « Je comprends donc le côté excessif des réactions – mais il n’en reste pas moins que ces réactions sont excessives et je pense que ce que vous faites est très utile ».
C’était la deuxième fois, ces derniers mois, que Cooper était l’invité d’un animateur très suivi par la droite. Au mois de septembre, il avait été interrogé par Tucker Carlson, un allié de Donald Trump, qui avait salué son travail. Dans cette interview, Cooper avait laissé entendre, de manière mensongère, que le meurtre de millions de Juifs avait été une conséquence involontaire de l’absence de préparation d’Hitler à la guerre, et que les Juifs tués dans les camps de concentration « avaient fini par y mourir ».
Cooper a encore promu des contre-vérités au cours de son entretien avec Rogan, expliquant longuement – à la demande de l’animateur – comment l’antisémitisme d’Adolf Hitler était né de la lassitude de la guerre et des difficultés économiques. Il a affirmé, entre autres, qu’Hitler s’était opposé au pogrom de la Nuit de Cristal en 1938, et il a ajouté qu’Hitler était devenu antisémite parce qu’il pensait que « l’état lamentable » des Allemands était dû au fait « qu’ils étaient manipulés par les Juifs, par la presse juive, par les Juifs qui possédaient les cinémas, qui sortaient les films et tout le reste ».
Il a ajouté penser que « ce qui donne une valeur émotionnelle à tout ça, c’est que c’est son antisémitisme qui lui a permis d’aimer le peuple allemand ».

Darryl Cooper est depuis longtemps dénoncé par les groupes de veille de l’antisémitisme et les organisations qui luttent contre les extrémismes, ainsi que par les historiens de la Seconde Guerre mondiale et par les spécialistes de la Shoah. Il a des centaines de milliers d’abonnés sur X et sur d’autres plateformes.
« Se prêter au négationnisme et au révisionnisme de la Shoah vous disqualifie en tant qu’historien crédible », avait écrit sur X Jonathan Greenblatt, président de l’Anti-Defamation League (ADL), au mois de septembre dernier, s’adressant à Cooper.
Selon une lettre d’information diffusée la semaine dernière par l’ADL et consacrée à l’extrémisme, la série d’apparitions récentes de personnalités d’extrême droite sur des podcasts populaires « souligne une tendance inquiétante : de faux récits sur les Juifs et Israël sont actuellement en cours de normalisation ».
L’ADL avait été critiquée pour avoir accordé à Elon Musk le bénéfice du doute lorsque ce proche partisan de Trump, devenu conseiller à la Maison Blanche, avait fait ce qui avait largement paru être un salut nazi au mois de janvier. Cette semaine, l’organisation a critiqué Elon Musk – sans mentionner son nom – après que ce dernier a partagé un message sur les réseaux sociaux qui affirmait que cela avait été les fonctionnaires allemands, et non Hitler, qui avaient été responsables de l’assassinat des Juifs pendant la Shoah. Le message avait été supprimé par la suite.
« Il est profondément troublant et irresponsable de la part d’une personne disposant d’une importante tribune publique d’élever un genre de rhétorique qui sert à saper la gravité de ces questions », avait tweeté le groupe.