Tal Bruttmann : « la mémoire de la Shoah se transmettra sous d’autres formes »
Pour l'historien réagissant aux disparitions consécutives de Marceline Loridan-Ivens et Ida Grinspan la mémoire ne s'effacera pas avec les derniers témoins

« Quand le dernier poilu, Lazar Ponticelli, est mort, des voix s’inquiétaient de la transmission de la mémoire de 1914-1918, » explique l’historien Tal Bruttmann, à La Croix historien spécialiste de la Shoah, membre de la commission « mémoire et transmission » à la Fondation pour la mémoire de la Shoah. « Or, la mémoire de la Première Guerre mondiale n’a pas disparu de notre société »…
« On assiste à une page qui se tourne en termes de génération. Ida Grinspan et Marceline Loridan-Ivens ont chacune incarné deux phases de transmission de la mémoire de la Shoah. Ida a témoigné au début des années 1980, au moment du procès de Klaus Barbie où de nombreux négationnistes ont commencé à s’exprimer. Ces prises de parole ont choqué de nombreux rescapés et les ont poussés à s’exprimer. Depuis, elle n’a jamais cessé de témoigner. Encore récemment, elle accompagnait des groupes scolaires à Auschwitz ».
Selon l’historien, « pas une semaine ne se passe sans qu’un journal, un roman ou un film ne soit consacré au sujet. Un pan important de notre culture aborde la Shoah (…) Depuis quelques années, une autre génération participe à la transmission de la mémoire sur la Shoah : celle des enfants cachés sous l’occupation ».
Ida Grinspan est née à Paris en 1929, de parents originaires de Pologne et arrivés en France six ans plus tôt pour fuir l’antisémitisme, selon la survivante qui a témoigné à plusieurs reprises devant des collégiens de France.

Au début de la Seconde Guerre mondiale, ses parents la confient à une nourrice dans un petit village des Deux-Sèvres où elle sera arrêtée dans la nuit du 30 au 31 janvier 1943. Elle fut déportée le 10 février 1944 vers le camp d’Auschwitz.
C’est vers le même camp qu’a été déporté Marceline Loridan-Ivens.
En 2015, dans le livre Et tu n’es pas revenu (Grasset), écrit avec la journaliste Judith Perrignon, elle évoquait le souvenir de son père, qui l’a obsédée toute sa vie.
C’est avec lui qu’elle avait été arrêtée par la Gestapo en février 1944, dans le Vaucluse, après être entrée très tôt dans la Résistance.
Emprisonnés à Avignon puis à Marseille, père et fille avaient été transférés à Drancy et déportés à Auschwitz-Birkenau le 13 avril 1944.
